"Le plan de 5 milliards du gouvernement doit être largement consacré aux alternatives aux pesticides", réclame la FNSEA

En France, le gouvernement a lancé ce 19 janvier une concertation pour « une agriculture moins dépendante aux pesticides ». Tandis que le Parlement européen va lancer une "commission spéciale » sur leur procédure d'autorisation. Eric Thirouin, le Monsieur "Environnement " de la FNSEA, raconte à L’Usine Nouvelle comment le syndicat agricole pousse les innovations pour des alternatives aux pesticides, et revient sur le cas du glyphosate.

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Eric Thirouin, le Monsieur "Environnement " de la FNSEA

L'Usine Nouvelle - En novembre, la FNSEA annonçait, avec une trentaine d’organismes, un "contrat de solutions" pour limiter l’usage des pesticides. Où en êtes-vous ?

Eric Thirouin - Nous souhaitions voir quels sont les leviers à actionner pour accélérer ces alternatives, les rendre plus pertinentes et plus efficaces. Et comment lever les freins à ces recherches. A l’heure qu’il est, nous réalisons un premier travail avec les acteurs de la recherche et de l’innovation pour répertorier tout ce qui est fait, ce qui sortira cette année, dans un an, dans quinze ou vingt ans : tout ce qui est dans les cartons ! Les uns et les autres peuvent ainsi avoir envie d’investir ensemble dans des solutions, et de nouveaux partenaires frappent à notre porte.

Quels axes d’innovations avez-vous identifiés ?

Nous en avons retenu sept : le recherche variétale et génétique sur les semences (avec le Gnis, l’UFS), le travail sur les solutions phytosanitaires et de biocontrôle (avec l’IBMA et l’UIPP), le matériel - via la pulvérisation de précision, les robots désherbeurs - (avec Irstea et Axema), la recherche fondamentale et appliquée (avec l’Inra et l’Acta), celle sur les pratiques agricoles et agronomiques (avec les instituts techniques, l’Apca et Coop de France), le numérique, et enfin le "combinatoire" au travers de tout cela.

Que peuvent donner concrètement ces collaborations?

Dans moins de dix ans, on devrait avoir des robots désherbeurs non seulement en maraîchage sous serre comme aujourd'hui, mais aussi en plein champs. Tandis qu’avec le numérique, le travail sur des photos de reconnaissance oculaire des plantes devrait permettre de détecter et reconnaitre l’ensemble des mauvaises herbes sur une parcelle, et non seulement une herbe qui sort du rang. Ensuite, un travail doit être fait sur la capacité de pulvérisation, car on peut diviser jusque par vingt la dose de produit phytopharmaceutique appliquée, voire le remplacer par du biocontrôle, du binage de précision, selon les cultures…

Pourra-t-on répondre à l’après-glyphosate ?

Notre rôle est de nourrir la population et de répondre aux attentes du consommateur. Il y a une vraie attente de la société pour qu’on utilise moins de produits chimiques. On se doit d’y répondre, tout en parvenant à vivre de notre métier, c’est pourquoi on a besoin d’innovations !

Mais il est important qu’il n’y ait pas d’interdiction sans alternative. Or l’Inra l’a dit très clairement dans son rapport présenté en décembre au gouvernement : il n’existe pas d’alternative pertinente au glyphosate, et ce serait un miracle d’en avoir une dans les trois ans. Enfin, nous avons l’intime conviction que "zéro phyto", ce n’est même pas possible ou souhaitable. Ce serait comme d’essayer de soigner des enfants avec zéro médicament, même si l’on peut d’abord essayer les plantes ou l’homéopathie.

Mais des progrès sont-ils réalisés ?

Je suis producteur de maïs. Grâce aux recherches variétales, je n’utilise plus aucun fongicide ! Ni aucun insecticide, grâce à une solution de biocontrôle : le tricogramme. Quant aux herbicides, je regarde la robotisation qui arrive, avec de nouvelles techniques de pulvérisation. Si je peux à la fois répondre aux attentes du consommateur et assurer ma rentabilité, je le ferais !

Qu’attendez-vous du gouvernement, qui vient de se positionner?

Nous avons le sentiment que ce gouvernement, ainsi que le précédent, répond simplement sous forme d’interdiction : les néonicotinoïdes, les perturbateurs endocriniens, le glyphosate... Une large partie du plan d’investissement de 5 milliards d’euros qu’il a promis pour l’agriculture doit être consacrée à la R&D et aux nouvelles technologies, pour nous aider à actionner les leviers que nous sommes en train d’identifier. Et il doit nous aider à lever les freins, comme la réglementation sur les drones pulvérisateurs ou les tracteurs sans pilote, présentés au dernier SIMA mais encore interdits en France !

Faut-il aussi regarder les "nouvelles techniques d’amélioration des plantes", les NBT, que l’Europe hésite à classer ou non comme des OGM ?

Les choses bougent dans la recherche variétale, cela fait partie des solutions. Il faut analyser les techniques au cas par cas, comme l’a récemment fait le Haut Conseil des Biotechnologies en France.

Propos recueillis par Gaëlle Fleitour

Innovation et financement : ce que veut le gouvernement

Dans la concertation qu’il lance ce 19 janvier, le gouvernement entend "limiter les risques de dérive" des pesticides lors de leur application "en adaptant le matériel de pulvérisation". Mais aussi "mobiliser la recherche sur les solutions alternatives aux herbicides, au glyphosate et aux néonicotinoïdes en particulier, notamment pour les impasses identifiées", en s’appuyant sur les acteurs de la recherche (dont les instituts techniques agricoles) et les filières concernées, ou des expérimentations d'agro-équipements dédiés. Le gouvernement veut soutenir le développement du biocontrôle : en facilitant l’homologation pour les TPE/PME souhaitant développer ces alternatives naturelles aux pesticides, et en proposant "au niveau européen la reconnaissance des produits de biocontrôle dans le cadre de la révision du règlement 1107/2009".

Côté financement, il propose d’accompagner les agriculteurs dans cette transition en fléchant une partie des aides publiques pour l'acquisition de matériels de substitution, en mobilisant une partie des recettes de la redevance pollutions diffuses, ou encore en ciblant des financements des organismes de développement agricole dans le cadre du CASDAR et d'Ecophyto. Pas d’allusion, pour l’instant, au plan de 5 milliards d’euros d’investissement promis pour l’agriculture. 

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