Neuf champions cachés français des énergies décarbonées

Les PME innovantes françaises ne manquent pas d’idées pour s’affranchir des énergies fossiles. Portrait de neuf de ces pépites.

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Neuf champions cachés français des énergies décarbonées
Le français Hydroquest capte l'énergie du courant, ici dans le Rhône.

Forsee Power électrise le transport

C’est tout un symbole de la transition énergique en cours. Dans l’ancienne usine de pistons pour moteur diesel de Federal Mogul, à Chasseneuil-du-Poitou (Vienne), une activité d’assemblage de 2 500 batteries par an bat son plein. Cette renaissance industrielle est due à un investissement de 55 millions d’euros par le groupe français Forsee Power. D’ici à 2022, 300 emplois seront créés là, pour produire de quoi électrifier non seulement des bus et des poids lourds, mais aussi des trains. "Nous avons dépassé le stade du démonstrateur", explique Christophe Gurtner, le PDG du groupe et ancien de Saft, qui surfe sur le marché de la mobilité propre réclamée par les collectivités locales. Les annonces par la SNCF de son choix d’aller vers des trains hybrides diesel et électriques, voire à l’hydrogène, lui ouvrent des perspectives. Forsee Power produit en France, en Chine pour le marché local des bus électriques et en Pologne pour les scooters, les tricycles et les robots. Impliqué dans le projet d’Europe de la batterie, Christophe Gurtner ne croit pas à la relocalisation de la production de masse de composants produits aujourd’hui en Asie. Il milite pour centrer les investissements sur les systèmes intelligents.

  • 2011 Création grâce à la fusion de quatre entreprises
  • 17 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017
  • 450 salariés, dont 200 en France, 150 en Chine et 100 en Pologne

Akuo Energy renouvelle les renouvelables

Akuo Energy n’est pas un opérateur d’énergies renouvelables comme les autres. Né en 2007 sur les cendres du constructeur de parcs éoliens Perfect Wind, il a voulu développer "un nouveau modèle énergétique décentralisé et durable en adéquation avec les besoins des territoires", explique Éric Scotto, son PDG. Pour le prouver, il décrit l’un des premiers projets de l’entreprise sur l’île de la Réunion. Akuo Energy y a développé son concept d’ "agrinergie ", qui réconcilie photovoltaïque et agriculture. Mais il est aussi un industriel qui innove, avec sa filiale Akuo Industries et son équipe de R & D située à Châtellerault (Vienne). C’est là qu’a été conçu et assemblé le parc solaire avec stockage plug and play en conteneurs, dont 50 exemplaires viennent de partir à Madagascar. C’est là encore qu’ont été imaginés les flotteurs de la première centrale solaire flottante de France, fabriqués chez un sous-traitant à Tulle (Corrèze), dont Akuo vient de lancer la construction à Piolenc (Vaucluse). Mais aussi le projet Phare qui va permettre à l’île d’Ouessant (Finistère) de viser l’autonomie énergétique en associant l’hydrolien et le solaire.

  • 2007 Création à Paris
  • 1,1 gigawatt d’actifs solaire, éolien, biomasse, hydraulique en exploitation (3,5 prévus en 2022)
  • 2,1 milliards d’euros d’investissement
  • 360 salariés présents dans 15 pays

Symbio convertit les utilitaires à l'hydrogène

Symbio en est convaincu, l’avenir appartient à l’hydrogène. Né en 2010, l’équipementier est spécialiste de la conception de kits de piles à hydrogène intégrables par les constructeurs sur leurs véhicules électriques. En clair, ces derniers peuvent installer le système de Symbio sur le moteur de leurs véhicules pour faire grimper leur autonomie en ne rejetant que de l’eau. Avec son dernier module, la start-up iséroise promet une autonomie "au moins triplée" par rapport aux solutions électriques initiales. Sans compter que ce système clés en main permet d’améliorer le délai de mise sur le marché des véhicules, réduisant "l’intégration de vingt-quatre à trente-six mois, comme c’est le cas dans l’industrie actuellement, à environ neuf mois", se félicite Fabio Ferrari, le directeur de Symbio. En France et en Europe, l’entreprise a déjà équipé de ses premiers prolongateurs "plus de 250 Kangoo" électriques. Mais aussi une navette fluviale et un prototype de véhicule de course testé sur le circuit des 24 Heures du Mans. L’entreprise vise aussi les fabricants de bus urbains et de camions électriques utilisés, par exemple, pour la distribution en centre-ville.

  • 2010 Création à Fontaine (Isère)
  • 60 salariés
  • 250 Kangoo converties à l’hydrogène

Armor filme le solaire

La Chine n’a pas le monopole de l’industrie solaire. À Nantes (Loire-Atlantique), une irréductible ETI française, Armor, a industrialisé la production de films photovoltaïques organiques souples. Ils peuvent être installés sur les vitres, les toits fragiles, ou des structures mobiles pour alimenter en électricité des zones isolées à moindre poids. Grâce à un investissement de 60 millions d’euros depuis 2010, Armor a une capacité de production annuelle de 1 million de mètres carrés. "C’est une solution bas carbone, la seule sans silicium ni métaux rares, qui permet un retour sur investissement de trois mois, soit cinq à six fois plus rapide que celui d’un panneau photovoltaïque classique, et qui est recyclable", explique Hubert de Boisredon, le PDG de cette entreprise spécialisée dans les encres, les toners et l’impression sur les emballages et les étiquettes. Le film solaire est une diversification audacieuse née de la conviction environnementale du PDG, partagée par les équipes. Hubert de Boisredon ne s’arrête pas là dans la conquête industrielle des nouvelles énergies. "Armor est aussi un fournisseur de film enduit, un collecteur qui permet le passage des ions dans les batteries au lithium, évite leur surchauffe et améliore leur efficacité de 15 à 20 %", avance-t-il. Il fournit déjà Blue Solutions de Bolloré et une trentaine de fabricants de batteries dans le monde ont testé et homologué ce film comme composant clé. Une version pour les nouvelles batteries solides à base de soufre ou zinc est en développement.

  • 1922 Création à Nantes (Loire-Atlantique)
  • 260 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017
  • 2 000 salariés

Global Bioenergies fabrique du kérosène avec des betteraves

Sa première usine n’est pas encore construite que Global Bioenergies a déjà reçu treize lettres d’intention d’achat émanant de leaders industriels français et internationaux de la cosmétique, des carburants spéciaux, des carburants routiers et du transport aérien. Elles portent sur l’achat de 49 000 à 64 000 tonnes d’isobutène et de dérivés par an, que sait produire la jeune entreprise à partir de sucres résiduels de betterave. Cette prévente correspond à la totalité de la capacité de production de la future première usine de 100 millions d’euros que Global Bioenergies va construire avec le sucrier Cristal Union et qui doit entrer en service à la fin 2021. Grâce à un démonstrateur d’une capacité de 100 tonnes construit en Allemagne, la start-up française a pu faire rouler une Audi A4 en avril dernier et alimenter Butagaz pour ses premiers lots de bouteilles de gaz biosourcé distribuées en Alsace. Son bio-isobutène est aussi l’une des rares solutions industrielles pour produire du kérosène biosourcé. "C’est la cosmétique, que l’on imaginait comme un marché de niche, qui est en ébullition", rapporte Marc Delcourt, le directeur général de l’entreprise. Son bio-isobutène serait un parfait substitut au silicone toxique et polluant.

  • 2008 Création à Évry (Essonne)
  • 2011 Cotation de la technologie sur Alternex
  • 2015 Création d’une coentreprise avec Cristal Union

Prodeval purifie les gaz renouvelables

Les équipementiers à la pointe de la méthanisation ne sont pas tous allemands. Un français, Prodeval, a réussi à se faire une place sur le créneau de la purification, avant injection dans les réseaux, des gaz renouvelables organiques ou synthétiques. La PME drômoise est même devenue leader en France. Un succès familial. C’est en 2009 que Sébastien Paolozzi, un ingénieur, rachète avec son père une start-up innovante de cinq personnes créée en 1990. Il investit en R & D et s’attaque au marché de la purification du biométhane. Début 2014, il monte un premier pilote avec l’aide de la région Rhône-Alpes. Au printemps, le premier contrat est signé. La production des équipements est confiée à quatre entreprises locales d’électricité et de chaudronnerie. Le succès tient autant au savoir-faire technologique de l’entreprise qu’au service associé. "Nous ne vendons pas un produit, mais quinze ans de partenariats", explique Sébastien Paolozzi. La PME assure la conception, la fabrication, l’installation et la maintenance d’installations de purification de gaz, via un réseau de techniciens et un service client disponible sept jours sur sept. En 2016, Suez a pris 22 % du capital.

  • 1990 Création à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme)
  • 24 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018 (12 millions en 2017), 35 millions prévus en 2020
  • 90 salariés en 2018 (37 en 2017)

Hydroquest capte l’énergie du courant

C’est une première mondiale. À l’automne 2018, Hydroquest a immergé dans le Rhône quatre hydroliennes fluviales qui produiront annuellement 1 gigawattheure d’électricité, soit l’équivalent de la consommation énergétique de 400 foyers et éviteront 300 tonnes de CO2 par an. Un parc de 39 hydroliennes sera installé courant 2019, en partenariat avec CNR, au niveau de Grenoble (Isère). Elles sont produites à Cherbourg (Manche) par les Constructions mécaniques de Normandie (CMN), qui dispose de 30 % du capital d’Hydroquest. Dotée d’un portefeuille de neuf brevets internationaux développés en partenariat avec EDF et Grenoble INP, la société développe également une hydrolienne marine d’une puissance de 1 mégawatt, qui sera testée sur le site de Bréhat (Côtes-d’Armor) en avril 2019. "Nous sommes les seuls acteurs internationaux à travailler à la fois sur les hydroliennes marines et fluviales, mais avec des feuilles de route bien distinctes", explique Jean-François Simon, son président. Si l’hydrolien marin est en phase industrielle, pour l’énergie marine, il faudra être plus patient.

  • 2010 Création à Meylan (Isère)
  • 39 hydroliennes dans le Rhône en 2019
  • 1 pilote au raz Blanchard en avril 2019

McPhy Energy décarbone l’hydrogène

Tout arrive. En juin 2018, EDF a investi 16 millions d’euros dans le capital du fabricant d’électrolyseurs et de solutions de stockage d’hydrogène McPhy Energy. Si l’électricien ne croit pas à l’hydrogène pour le stockage d’électricité verte sous forme de gaz, il mise sur l’engouement des industriels pour un hydrogène décarboné, produit non plus à partir de gaz, mais d’eau. Et c’est justement le nouveau positionnement marché du français McPhy. Créée en 2008 pour développer une méthode de stockage solide de l’hydrogène, l’entreprise a compris "que cela resterait une technologie de niche", explique Pascal Mauberger, l’ancien dirigeant de Soitec devenu PDG de McPhy en 2009. Entre 2012 et 2015, McPhy a réalisé l’acquisition de l’italien Piel, fabricant d’électrolyseurs de petites puissances et de l’allemand Enertrag pour les grandes puissances. Les coûts de production sont compétitifs et McPHy a déjà exporté sa technologie en Chine, pour utiliser des surplus d’électricité éolienne. L’entreprise croit aussi dans l’hydrogène pour la mobilité. Sur son site historique de la Drôme, elle produit des stations d’avitaillement en hydrogène pour flottes d’utilitaires et de bus. Certaines fabriquent même l’hydrogène sur place.

  • 2008 Création à La Motte-Fanjas (Drôme)
  • 80 salariés, dont 35 dans une usine en Toscane (Italie)
  • 10 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017

Waga Energy injecte du gaz de décharge

Et de six ! Fin 2018, une nouvelle Wagabox injectera dans le réseau de gaz du biométhane produit à partir de déchets non dangereux d’un centre de stockage de Suez à Chevilly (Loiret). Avec celles déjà installées sur trois autres sites de Suez, sur un site Veolia et sur celui d’une collectivité, la start-up Waga Energy aura installé en deux ans de quoi produire 100 gigawattheures de biogaz par an en France. Avec un tarif de rachat garanti de 45 euros par mégawattheure, le gaz de décharge est le moins cher des biogaz du marché. Il permet à la start-up de se poser comme producteur et investisseur de ses propres installations. Les équipements sont fabriqués par deux sous-traitants grenoblois. La production va s’exporter. "Notre technologie confirme les espoirs que nous avions placés en elle. Nous sommes sollicités de toutes parts", se félicite Mathieu Lefebvre, le PDG de Waga Energy, qui évoque un potentiel de 20 000 décharges dans le monde à équiper. En commençant par les États-Unis et l’Espagne, où la start-up vient de signer des partenariats. "Pour pouvoir travailler avec tout le monde, nous avons fait le choix de l’autonomie et de l’indépendance", explique le PDG. Il vise 100 Wagabox en exploitation en 2025.

  • 2015 Création à Meylan (Isère)
  • 25 salariés
  • 4 contrats signés pour 2019

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