Maire d’Alizay (Eure) depuis 1983, le communiste Gaëtan Levitre, 64 ans, ne se fait pas de souci pour sa réélection. Non seulement il part au combat sans adversaire, mais il a la satisfaction de se présenter devant les électeurs avec "une très belle victoire" : celle de la renaissance de la papeterie d’Alizay. En 2012, sa fermeture par le finlandais M-Real laissait les 330 salariés et les 1 440 habitants de la commune désemparés.
Alizay, c’est en fait l’histoire d’une double renaissance. Après avoir relancé, en juin 2013, la production de papier de bureau, le groupe thaïlandais Double A a annoncé le redémarrage, en 2015, de l’unité de pâte à papier. Objectif : 300 000 tonnes par an. "Nous avons réussi à boucler l’ensemble du processus industriel !", se félicite Gaëtan Levitre, tout heureux de voir renaître le site. Double A, qui réalise l’essentiel de ses ventes en Thaïlande et en Corée, veut faire de l’usine normande sa tête de pont en Europe, où il n’était pas encore implanté.
Le maire, également conseiller général communiste du canton de Pont-de-l’Arche (Eure), est fier de ce conseil municipal extraordinaire organisé à l’entrée de l’usine M-Real en juin 2010. Fier aussi d’avoir emmené dans son combat tous ses collègues (PS, PC, droite) du conseil général. Le 9 décembre 2011, les 43 élus votent comme un seul homme un "vœu" demandant au gouvernement d’exproprier M-Real "pour cause d’utilité publique en cas de refus de la cession du site industriel à l’un des candidats repreneurs (…) dans le but de maintenir l’activité papetière du site".
"Départementalisation"
Les ponts étant complètement coupés entre M-Real et Double A, acquéreur déclaré, l’idée d’une médiation fait alors son chemin au conseil général. Elle prend la forme d’une "départementalisation" de l’usine de quelques heures. Le 23 janvier 2013, le département de l’Eure achète l’ensemble du site pour 22,2 millions d’euros et revend à Double A pour 18 millions les terrains et les actifs nécessaires à la reprise de la fabrication de papier et à la fourniture d’énergie. Le département reste propriétaire des terrains et autres actifs, y compris de l’usine de pâte à papier. Cette dernière a été revendue le 17 décembre dernier au thaïlandais, qui annonçait le même jour un investissement de 50 millions d’euros sur le site. Le département conserve les terrains nécessaires à la réalisation d’une plate-forme portuaire le long de la Seine.
La fabrication de papier emploie aujourd’hui 150 salariés, mais l’industriel envisage de recruter une centaine de salariés pour l’unité de pâte à papier. En attendant, le maire d’Alizay se réjouit de voir Double A "faire de la pub agressive sur M6". Son combat ne sera gagné que lorsque Double A gagnera de l’argent dans la commune.
De notre correspondante, Claire Garnier
Un village cerné par des zones industrielles