Une loi Sapin II pour mettre la France aux standards européens de lutte contre la corruption
Nouvelle agence pour lutter contre la corruption, obligations de mettre en place des plans de prévention dans les grandes entreprises, sanctions renforcées… Le projet de loi Sapin II veut mettre à jour l’arsenal français de lutte contre les faits de corruption.
La France ne veut plus être le mauvais élève en matière de lutte contre la corruption. Le projet de loi Sapin II, présenté mercredi 30 mars en Conseil des ministres, va muscler le dispositif national en prévoyant à la fois de nouvelles sanctions pour les faits de corruption et de nouvelles obligations de prévention pour les entreprises.
Il était grand temps, pour le ministre des Finances. "L’OCDE a proposé des principes, beaucoup de pays ont adopté ces lignes directrices depuis longtemps, la France ne l’a pas fait, constate Michel Sapin. Je trouve indigne pour notre pays et préjudiciable pour nos entreprises que l’on puisse porter un œil critique sur la France en matière de lutte contre la corruption."
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Un effet sur la croissance
D’après des estimations menées par le Trésor, le fait d’avoir un dispositif efficace se ressent sur la croissance. Selon Bercy, le lien entre la corruption et la croissance est évalué à 0,2 point de PIB par an à moyen ou long terme. "Il est important de garder notre place, analyse Bénédicte Querenet-Hahn, avocate associée au cabinet GGV. Dans un monde globalisé, la justice en matière de corruption est aussi une arme économique." Le Department of Justice américain ne se prive pas de condamner les entreprises non américaines sur la base de son propre système juridique.
Le projet de loi relatif à la "transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique" crée un nouvel organisme indépendant, placé sous l’autorité des ministères de la justice et des finances, qui aura des missions de contrôle, de formation et de sanction. Cette Agence nationale de prévention et de lutte contre la corruption remplace l’actuel Service central de prévention de la corruption (SCPC) en augmentant ses effectifs, qui passeront de 16 à 70 agents.
Des obligations pour les grandes entreprises
Cette agence surveillera notamment que les entreprises respectent leurs nouvelles obligations. Les entreprises de plus de 500 salariés et de plus de 100 millions d’euros de chiffres d’affaires (environ 1600 sociétés) devront mettre en place des plans de compliance. "A partir du moment où cette obligation de prévention existe, elle va se diffuser en redescendant dans la chaîne des opérateurs économiques, prévient Bénédicte Querenet-Hahn. Les donneurs d’ordre vont demander à leurs tierces parties de prendre l'engagement de mettre en place des mesures de lutte contre la corruption."
Les entreprises pointées par le projet de loi devront mettre en place des codes de conduite ou des programmes de formation afin de détecter et prévenir les faits de corruption et de trafic d’influence. Le SCPC avait déjà émis des lignes directrices permettant de mettre en place ces programmes, dans lesquels il préconisait de suivre six principes : un engagement du management, une cartographie précise des risques, la mise en place de procédures dédiées (code de conduite, référent dans l’entreprise, système d’alerte, etc.), des audits du système mis en place, des formations et un système disciplinaire.
Le projet de loi veut se donner les moyens d’une lutte plus efficace, en renforçant les sanctions pénales applicables aux faits de corruption. La nouvelle agence vérifiera que les entreprises concernées ont mis en place ces procédures de vigilance. Le cas échéant, elle pourra les sanctionner à hauteur de 1 million d’euros. La loi prévoit également une peine complémentaire de mise en conformité pour les entreprises condamnées ; celles-ci devront ajuster leurs plans de prévention sous le contrôle de l’Agence nationale de prévention et de lutte contre la corruption. En cas de non exécution, elles seront de nouveau sanctionnées.
Les faits de corruption d’un agent public étranger pourront également être poursuivis plus facilement par les juridictions françaises. Le projet de loi prévoit qu’il sera désormais possible pour une association de se porter partie civile et que les tribunaux français n’auront plus besoin d’attendre qu’une plainte initiale à l’étranger soit déposée.
La transaction pénale retoquée par le Conseil d’Etat
Un dispositif manque toutefois à l’arsenal mis en place par le projet de loi. Le ministère des Finances avait en effet créé un système de transaction pénale pour les entreprises accusées de faits de corruption, leur permettant de négocier leur peine. Un moyen aussi d’accélérer le processus de sanction. Le Conseil d’Etat ne l’a toutefois pas validé.
"C’est regrettable, estime Bénédicte Querenet-Hahn, qui a mis au point plusieurs programmes de compliance pour des entreprises et des groupes internationaux. La transaction pénale était pourtant le pendant de l'obligation de mettre en place un plan de prévention et de détection anticorruption. Cela permettait aux entreprises de montrer que grâce à leur programme de compliance, elles avaient pu détecter des faits de corruption.
Le fait de ne plus pouvoir recourir à cette procédure risque d’inciter les entreprises à être moins vertueuses. "Si une entreprise, au moyen de son programme de compliance, détecte qu’un acte de corruption a été commis, que fera-t-elle ?, reprend Bénédicte Querenet-Hahn. Soit elle se dénonce et plaide coupable, elle risque, entre autres, l'exclusion des marchés publics. Ce n'est pas une solution favorisant la compliance."
Le ministre des Finances espère toutefois que la transaction pénale puisse faire son retour lors des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat. "Je souhaite que ce dispositif reste sur la table et que les parlementaires, de manière sereine, puissent s’en emparer", a déclaré Michel Sapin, en référence au débat mené par les organisations non gouvernementales contre ce mécanisme.
Arnaud Dumas
Une loi Sapin II pour mettre la France aux standards européens de lutte contre la corruption
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