Un expresso à bord de la station spatiale internationale??
C’est l’une des questions posées par les chercheurs réunis dans un congrès de l’American Physical Society, cette semaine à San Francisco. Entre autres sujets de la même importance.
Il y a des problèmes dont la résolution ne souffre aucun délai. Savoir s’il est possible de boire un expresso en l’absence de gravité, par exemple dans l’ISS (station spatiale internationale). Ou bien : comment font les chiens pour boire de l’eau en lapant avec leur langue ? Ou encore : mais d’où viennent ces traces étranges laissées par le whisky dans mon verre vide ?
Ces trois sujets ont donc fait chacun l’objet d’une communication lors d’un congrès de l’American Physical Society (APS), cette semaine à San Francisco. Ils ont en commun, outre leur urgence (les astronautes de l’ISS sont privés d’expresso), de faire appel à une science en pleine effervescence : la dynamique des fluides.
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Quid de la mousse ?
Les chercheurs de l’université de Portland ont pris à bras-le-corps la question de l’expresso. Le cœur du problème : conserver l’aspect de l’expresso terrien, avec sa mousse légère sur le dessus. Les scientifiques ont conçu une tasse à café dont la géométrie exploite des effets capillaires pour guider les fluides en l’absence de gravité. La tasse aux formes complexes (PHOTO) est fabriquée par impression 3D, et a pu être testée au moyen d’une tour d’impesanteur (microgravité simulée par une chute libre). Ce qui, soulignent les chercheurs, a permis d’éviter de coûteux essais dans l’espace. Cette approche pourrait avoir des retombées sur la gestion d’autres fluides dans l’espace, circulations d’eau, réservoirs de carburants, fluides médicaux, etc.
Les chiens, eux, n’ont pas attendu que des physiciens s’y intéressent pour étancher leur soif. Ils trempent leur langue dans l’eau et la retirent rapidement, et ça marche ! Leur secret - là encore - est dans la forme qu’ils donnent à la langue juste avant de la plonger, forme qui retient le liquide le temps que l’animal la ramène dans sa bouche : l’accélération créée par ce retrait rapide est cinq fois celle de la gravité, ont mesuré les chercheurs de Virginia Tech qui ont réalisé l’étude. Quand ils en ont eu assez de regarder des chiens laper dans une bassine, les physiciens ont fabriqué une langue artificielle avec la forme voulue (en verre), pour la plonger à volonté dans l’eau en contrôlant tous les paramètres (accélération, fréquence). Les résultats très précis obtenus les encouragent à poursuivre l’étude avec les oiseaux marins, et même à étudier plus avant le destin des gouttes de pluie tombant dans une feuille incurvée.
Tout est dans la dynamique des fluides
Quant aux traces mystérieuses sur le verre à whisky (PHOTO), c’est le professeur Howard Stone et son équipe, spécialistes des fluides complexes à l’université de Princeton, qui ont résolu l’affaire. Après avoir observé en vidéo microscopie le séchage naturel de gouttes de whisky sur une surface de verre, ils ont rendu leur verdict. Les motifs étranges qui décorent le verre vide sont dus au gradient de tension superficielle créé par le mélange d’eau et d’alcool dans la boisson (c’est l’effet Marangoni). Les particules en suspension, reste des matières premières du whisky, se déposent selon des lignes particulières et forment les motifs observés.
Il serait injuste, et inexact, de laisser croire que le congrès de l’APS s’est uniquement focalisé sur des questions de ce type. Les chercheurs du Lawrence Livermore National Laboratory se sont intéressés aux jupes des camions et autres déflecteurs d’air. Judicieusement placés sur un semi-remorque, ils peuvent sensiblement améliorer son aérodynamisme, et réduire sa consommation de carburant. Avec un modèle réduit de camion (1 / 8e), placé dans une soufflerie de la Nasa, ils ont systématiquement étudié différentes configurations de déflecteurs. Leur conclusion est que l’on pourrait réduire de 13 % la consommation moyenne des poids lourds. À l’échelle des États-Unis, il y a des milliards de dollars d’économies à la clé…
Enfin, comme pour donner encore une preuve de leur ouverture d’esprit, les spécialistes de la mécanique des fluides ont aussi montré qu’ils pouvaient "expliquer" l’art du peintre Jackson Pollock. Mais c’est une autre histoire, que l’on peut lire ici (lien avec muses industrielles Pollock).
Thierry Lucas
Un expresso à bord de la station spatiale internationale??
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