[Tribune] Sortir les élus du dilemme de l’achat public local
Comment faire de l’achat public un instrument de soutien aux entreprises locales ? Gabriel Arnault, président de l’association La Gazette du Made in France, présente en exclusivité pour l’Usine Nouvelle les pistes de réformes qu’il défend dans une note de l’Institut Rousseau, le think-tank de la reconstruction écologique.
« Pourquoi le maire n’a-t-il pas confié les travaux de la salle des fêtes à quelqu'un du coin ? » ; « Quitte à imprimer des tracts pour le marché de Noël, autant soutenir l’imprimeur local… » ; « Comment est-ce possible que la fabrication dordognaise de cartes vitales ait été délocalisée en Inde ? ». Régulièrement, les citoyens reprochent aux élus de ne pas dépenser localement l’argent public. Mais peuvent-ils seulement exprimer une telle préférence ?
En l’état actuel du droit la réponse est négative : sauf exceptions, il est rigoureusement interdit de choisir un candidat sur la base d’un critère d’implantation géographique. Depuis 2004, il existe bien les clauses environnementales et sociales, qui permettent d’exprimer une préférence pour le mode de production et d’orienter - ainsi - vers une entreprise locale, mais, en pratique, le système est peu efficace. Surtout, pourquoi tordre la règle pour lui faire dire ce qu’elle ne dit pas ? Depuis 2011, les circuits courts agricoles auxquels on a recours dans la restauration collective, sont en réalité un moyen détourné de soutenir les agriculteurs français. Là encore, pourquoi recourir à des subterfuges ?
VOS INDICES
source
Petits arrangements
Tout se passe, en réalité, comme si les personnes publiques étaient les premières pénalisées par une règle qu’elles se sont elles-mêmes imposées. Les encouragements publics à favoriser l’ancrage interne de la production se heurtent aux règles applicables. Les différents ministères sont interpellés depuis des années par les députés - toutes sensibilités politiques confondues - qui expliquent que les marchés publics sont un enjeu économique majeur pour les territoires qu’ils représentent ; d’autant que la crise sanitaire met en difficulté les petites et moyennes entreprises, déjà fragilisées par la concurrence étrangère à bas salaire.
Plutôt que d’assumer la préférence locale, les pouvoirs publics ont décidé de rehausser le seuil des marchés publics passés sans publicité ni mise en concurrence, pour pouvoir s’adresser directement aux entreprises de leur choix. Pourtant, cette solution comporte un risque : celui de voir de vrais délits de favoritisme, comme cela a trop souvent existé avant la mise en place des règles qui encadrent aujourd’hui la commande publique.
Un changement de philosophie
Face à cette situation, les propositions que nous formulons sont doubles.
D’une part, conforter l’existant en renforçant notamment le poids des clauses environnementales et sociales, car il est évident que ces critères sont au moins aussi importants que celui de la localité. D’autre part, engager un véritable changement de philosophie en partant du principe que la commande publique est un outil au service du dynamisme des territoires. Plutôt que d’encourager la passation des contrats en gré-à-gré, créer les conditions d’une concurrence locale qui protège les emplois et soutient les savoir-faire de proximité. Bien sûr, le prix reste un élément important ; il serait judicieux de conditionner l’attribution des marchés aux entreprises locales si leurs prix n’excèdent pas - ou pas trop - celui des concurrents.
La préférence locale bénéficierait à tous. Les personnes publiques pourraient ainsi dynamiser leurs communes, départements et régions et les élus retrouveraient une certaine marge de manœuvre politique. Les entreprises s’appuieraient financièrement sur la commande publique, et leurs activités pourraient même être orientées indirectement au moyen des clauses environnementales et sociales. Enfin, les citoyens y trouveraient leur compte à la fois en tant qu’employés et en tant qu’habitants de leur collectivité.
Faire évoluer la réglementation
La transparence des procédures a des vertus ; elle est la garantie d’une bonne utilisation des deniers publics, parce qu’elle permet tout simplement d’acheter au meilleur prix et de savoir où l’argent est dépensé. Il est dommageable cependant que cette notion soit interprétée comme un droit de se substituer partout à n’importe quelle entreprise. En faisant disparaître toute référence à l’implantation géographique, l’achat public devient froid, aseptisé. Pour des raisons sociales et écologiques, l’heure de la préférence locale est arrivée et l’achat public deviendra ainsi - du moins partiellement - l’expression d’une politique publique.
Gabriel Arnault, président de La gazette du Made in France
La note complète est consultable sur le site de l'institut Rousseau : https://www.institut-rousseau.fr/les-elus-face-au-dilemme-de-lachat-public-local/
Les tribunes sont publiées sous l'entière responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle.
SUR LE MÊME SUJET
[Tribune] Sortir les élus du dilemme de l’achat public local
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir