Réussir à s'implanter aux Etats-Unis : les conseils de Vincent Deruelle, de FrenchFounders

Président fondateur de Yuzu Network, Vincent Deruelle est aussi un des dirigeants de FrenchFounders, un réseau d'entrepreneurs français présent notamment à New-York. Pour L'Usine Nouvelle, il livre ses conseils pour réussir à s'implanter sur le marché nord-américain. A commencer par se méfier de l'illusion de la proximité culturelle. Si un homme averti en vaut deux, un entrepreneur prévenu en vaut bien davantage... 

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Réussir à s'implanter aux Etats-Unis : les conseils de Vincent Deruelle, de FrenchFounders
Vincent Deruelle codirige FrenchFounders, un réseau d'entrepreneurs français présent notamment à New-York.

L’Usine Nouvelle - Quel conseil donneriez-vous à une entreprise, start-up ou non, qui voudrait s'installer aux USA ?

Vincent Deruelle - En premier, je dirai qu’il faut se méfier de l’impression de proximité culturelle. C’est un leurre, nourri par le fait qu’on regarde les mêmes feuilletons, les mêmes films, qu’on écoute la même pop… Or, les cultures sont très différentes d’une rive de l’Atlantique à l’autre. Ce n’est pas parce qu’un produit ou un service a rencontré du succès en Europe qu’il va faire de même spontanément aux Etats-Unis.

Les cultures commerciales sont très différentes, comme le sont les habitudes de consommation, les modes de concurrence ou encore les circuits de distribution. Cela peut paraître évident, mais, croyez-moi, j’ai vu de nombreuses entreprises mésestimer ce facteur. Or ces différences sont stratégiques, que ce soit pour du B to B ou du B to C. Je pourrais vous donner de nombreux exemples des différences sur le packaging ou le rôle du crédit à la consommation… Aux Etats-Unis, on ne vend pas certains produits ou services sans offrir une solution de crédit. C’est un marché de masse adossé sur du crédit.

Quelles sont les différences pour le marché B to B ?

Dans la plupart des entreprises des Etats-Unis le système des budgets annuels comme on le connaît en France n’existe pas. Elles sont beaucoup plus tactiques et réactives : elles ont des moyens, qui peuvent être gelés très rapidement ou à l’inverse une entreprise exsangue un jour peut avoir des capacités d’investissement. La conséquence est qu’un acheteur professionnel va décider plus vide, et qu'une entreprise peut voir son produit testé beaucoup plus rapidement. Mais cela a un corollaire : on peut arrêter l’expérience précocément. L’entrée et la sortie du marché sont beaucoup plus simples. Aux Etats-Unis, les entreprises sont beaucoup plus court-termistes et pragmatiques.

Ceci étant rappelé, est-il facile de venir s’installer aux Etats-Unis ?

Tout ce qui concerne le recrutement d’une équipe est le second point de vigilance. Ce n’est pas si évident d’avoir un visa pour soi-même. La tendance qu’on observe, c’est le PDG qui vient de France avec une petite équipe pour sentir le marché et qui embauche un VP Sales (un directeur commercial) pour développer le business. Je dis prudence. Tout le monde veut son VP Sales, qui est très très bon pour se vendre lui-même… mais pas toujours aussi efficace pour vendre un produit ou un service.

Un dirigeant français parti s’installer aux Etats-Unis disait qu’il fallait trois Américains là où en France il ne faut qu’une personne. C’est donc vrai ?

Parfois oui. Il y a celui qui ouvre la porte, en appelant au téléphone, celui qui écrit le pitch de cinq lignes et celui qui signe le contrat. Le territoire est très grand, du coup les gens travaillent beaucoup par téléphone. Il peut arriver qu’on fasse une démo en visio-conférence avec une personne qui travaille dans une entreprise située à moins de deux blocs.

Pour un rendez-vous physique, les usages sont très différents de la France où l'on arrive plus ou moins à l’heure pour une discussion qui s’éternise… Aux Etats-Unis, on va éventuellement parler de la ligue de football américain et des résultats de l’équipe et après on va enchaîner directement sur "qu’est ce que vous pouvez faire pour moi ?" et "qu’est ce que je peux faire pour vous ?". IL faut être capable de répondre à ces questions. Si vous commencez à noyer le poisson, votre interlocuteur laissera tomber.

Avez-vous un autre conseil à donner ? Une observation que vous auriez faite ?

Dans tous les succès que j’ai pu observer aux Etats-Unis, un des co-fondateurs était venu s’y installer. Pour réussir, il faut vraiment bien se préparer, il y a des choses qu’on ne peut pas voir depuis la France en ayant simplement un interlocuteur sur place. C’est aussi un moyen d’être crédible vis-à-vis de ses interlocuteurs. La présence d’un fondateur prouve que l’entreprise s’engage vraiment. Pendant la période d’étude et d’observation du marché, il est recommandé de se constituer un réseau sur place, d’aller faire les pitchs soi-même, prendre les rendez-vous. On voit ce qui marche, ce qui bloque et on peut ajuster.

Actuellement il y a des tensions entre les Etats-Unis et plusieurs pays d’Europe, on a connu des périodes de "French bashing" dans le passé. Etre français est-ce aujourd’hui un handicap ou un atout ?

Ce n’est ni l’un ni l’autre. Au moment de l’affaire Dailymotion et du veto à la reprise de Yahoo, il y a eu une période où les fonds d’investissement ont été très méfiants vis-à-vis de la France, ce pays où un ministre peut vous empêcher de faire des affaires. Mais depuis cela a été largement compensé par l’effet Macron. Le patron de Cisco a eu des propos favorables envers la France qui ont marqué. Les Américains sont pragmatiques avant tout : si le business est favorable, ils y vont. C’est tout.

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