[Repères] Recyclage, CCUS, hydrogène... Sept voies pour décarboner la production d'acier
Responsable de 7% à 11% des émissions de CO2 dans le monde, la production d’acier ne manque pourtant pas de moyens pour se décarboner. Tour des solutions technologiques à sa portée. La plus efficace n’est pas forcément la plus complexe.
Pour produire de l'acier, il faut extraire l'oxygène des atomes de fer, ce que permet le haut-fourneau chargé en minerai (de l'oxyde de fer généralement en petites billes) et en coke sidérurgique obtenu avec du charbon. Au terme de ce processus à très haute température (plus de 1 000 degrés Celsius), près de deux tonnes de CO2 sont émises pour chaque tonne d'acier brut produite. Résultat, la production d’acier est responsable de 7% à 9% des émissions mondiales de CO2. Les réduire est donc la priorité de tous les Etats producteurs engagés vers la neutralité carbone, à commencer par l'Europe dans son Pacte vert. Si l'acier vert, c'est-à-dire neutre en carbone, n'existe pas vraiment (même à base d'hydrogène vert, les électrodes des fours électriques à arc émettent toujours du CO2), il existe sept grandes voies technologiques pour réduire l'intensité carbone de la sidérurgie.
Le recyclage de ferrailles
Augmenter le taux de recyclage de la ferraille est le moyen le plus rapide et le plus simple de réduire les émissions de CO2 de l’acier, surtout lorsque les fours utilisés sont alimentés par une électricité bas carbone. Le recyclage émet 0,3 à 0,6 t CO2/tonne d’acier, contre 1,8 à 2,2 t CO2/t d’acier dans les hauts fourneaux. Il est aussi possible d’augmenter la proportion de ferraille (traditionnellement 8 à 10%) injectée dans les convertisseurs des hauts-fourneaux. ArcelorMittal compte passer à 25% de ferraille dans ses aciers plats.
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144.7 -2.76
Juillet 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 23.20 − Produits réfractaires
Base 100 en 2015
144.1 -1.91
Juin 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 24.42 − Aluminium (prix de marché)
Base 100 en 2015
10 =
28 Octobre 2022
Titane (éponge 99,6%) - Low
$ USD/kg
Dans le monde, on recycle déjà 600 millions de tonnes de ferrailles par an (fonderie comprise), dont 200 millions en Chine, pour une production totale d’acier d’environ 1,9 milliard de tonnes. Aux États-Unis, 70% de la production d’acier est réalisée par recyclage de ferraille, contre environ 30% en Europe du Nord.
L’injection de gaz dans les hauts-fourneaux à oxygène (BF-BOF)
Pour réduire la consommation de charbon et de coke dans les hauts fourneaux, ArcelorMittal teste aussi sur son site de Dunkerque (Nord) l'injection par tuyère dans le haut-fourneau d'un gaz réducteur chaud (CO + H2) produit dans un réacteur plasma, pour remplacer les combustibles fossiles. C’est le projet Igar. Il permettrait de réduire les émissions de carbone de 21,4% par tonne d'acier. Si l’électricité utilisée dans le processus est sans carbone, la réduction maximum des émissions serait de 28,8%.
La capture avec stockage du CO2 (CCUS)
En théorie, capter le CO2 émis par les hauts fourneaux pour le séquestrer permettrait de réduire de 63% les émissions par tonne d’acier et de 59% sur les unités DRI à base de gaz naturel. Mais ces chiffres doivent encore être validés. C’est l’objet notamment du projet collaboratif français 3D pour DMX Demonstration in Dunkirk, dont l’unité pilote DMX va entrer en service sur le site d'ArcelorMittal de Dunkerque (Nord) courant 2022 pour capter 4400 tonnes de CO2 par an et réduire de 8% les émissions du site d’ici à 2030. La capture de CO2 existe aussi déjà sur des unités de réduction directe (DRI, lire ci-dessous) comme aux Émirats arabes unis, où le CO2 capté sur le site d'Emirate Steel à Abu Dhabi est utilisé dans l’exploitation pétrolière.
Le reformage des gaz résiduels en composés chimiques utiles
Les gaz sidérurgiques sont traditionnellement captés et utilisés pour produire de l’électricité et de la chaleur, rendant ainsi les sites des hauts-fourneaux quasiment autonomes en énergie. Il est aussi possible d’en capter le CO2 (procédé CCUS ci-dessus), pour le convertir biologiquement en éthanol, un composant de base de la chimie. En Allemagne, ThyssenKrupp teste ce procès dans son projet Carbon2Chem. En 2022, ArcelorMittal Belgique mettra en service une unité du même type, Steelanol 1.0, sur le site de Gand. C’est le projet Carbalyst, qui pourrait déboucher sur la production de bio-kérosène.
Un projet similaire, CarbHflex, est aussi prévu sur le site de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Il repose sur un biocatalyseur où fermenteraient des bactéries de crottes de lapin, puis un bioréacteur pour produire de l’IPA (alcool isopropylique) et de l'acétone (un précurseur du plexiglas), des solvants utilisés dans la production de plastiques. Ce projet permettrait de recycler 20% du carbone d’un haut-fourneau.
La substitution du charbon par de la biomasse
Il est possible de substituer le charbon par des déchets plastiques, sous forme de poudre ou de gaz, dans les hauts-fourneaux, mais aussi de revenir au bon vieux charbon de bois. ArcelorMittal a développé un démonstrateur de torréfaction de biomasse sur son site de Gand en Belgique. Le projet Torero prétraitera les déchets de bois des parcs à conteneurs pour produire du biocharbon adapté au processus de haut fourneau. Le minier Rio Tinto explore également la voix végétale pour remplacer le charbon comme réducteur chimique. Il développe un procédé où de la biomasse lignocellulosique (paille de blé, cannes de maïs, paille d'orge, bagasse de canne à sucre) est mélangée à du minerai de fer et chauffée par une combinaison de gaz libérés par la biomasse et de micro-ondes à haut rendement qui peuvent être alimentées par des énergies renouvelables.
La réduction directe (DRI) à gaz ou hydrogène vert
Après le recyclage des ferrailles, c’est l’autre principale voie pour décarboner la production d’acier. Au lieu d’utiliser du coke pour oxyder le minerai de fer et produire de la fonte, ensuite transformée en acier, il est possible d’utiliser du gaz à haute température (plus de 900° C). C’est la réduction directe (DRI), réalisée dans une cuve, qui produit du fer spongieux, qui sera ensuite transformé en acier dans un four électrique à arc (FEA).
Cette technologie est déjà utilisée dans les pays où le gaz est largement disponible et peu cher, comme l’Iran et les États-Unis. Le DRI-FEA avec du gaz naturel dégage 1,4 t de CO2/t d'acier brut, contre 1,3 à 1,8 t CO2 / t d'acier brut lorsque la DRI-FEA est utilisée avec une base de charbon. Le réacteur est alors généralement un four rotatif incliné, semblable à ceux des cimenteries, dans lequel le charbon est mélangé avec du calcaire et du minerai, puis chauffé.
Mais pour réduire vraiment les émissions, il faut utiliser de l’hydrogène vert, produit par électrolyse de l’eau avec de l’électricité renouvelable. C'est ce qu'a réalisé pour la première fois le producteur d'acier suédois SSAB à l'été 2021 avec le consortium Hybrit. Les émissions tombent alors en moyenne à 0,71 t CO2/t d'acier brut, suivant la source de la production d’électricité. Ce procédé est aussi développé depuis 2015 dans le projet collaboratif allemand Salcos, piloté par Salzgitter AG.
L’électrolyse directe du fer
Encore au stade de la R&D via le projet européen Siderwin piloté par ArcelorMittal, l’électrolyse directe du fer met en œuvre un processus électrochimique qui décompose les oxydes de fer naturels, y compris ceux contenus dans les sous-produits d'autres métallurgies, en fer métallique et en oxygène gazeux, avec 87% d’émissions directes de CO2 de moins que dans le procédé classique en hauts-fourneaux. Son industrialisation reste néanmoins encore incertaine.
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