Recyclage : Industriels et organismes de recherche hissent l’innovation française à la deuxième place en Europe
L’Office européen des brevets (OEB) a publié il y a quelques jours une étude sur dix ans concernant les dépôts de brevets dans le domaine du recyclage des plastiques. La France se démarque en arrivant à la seconde position européenne, avec un très fort niveau de spécialisation sur ces technologies.
La France a beau être en retard en matière de recyclage des plastiques, elle ne manque pas d’idées. Selon une récente étude de l’Office européen des brevets (OEB), l’Hexagone se positionne parmi les pays les plus innovants d’Europe dans le domaine des technologies de recyclage et des bioplastiques. Cette analyse, intitulée « Brevets et plastiques de demain : tendances mondiales en matières d’innovation dans les domaines du recyclage, de l’éco-conception et des sources alternatives », couvre la période de 2010 à 2019.
Rassemblant 4% des familles de brevets internationaux (FBI – groupes de brevets dédiés à une même technologie) déposés sur le Vieux Continent, la France occupe la seconde place du podium. En 10 ans, 644 FBI ont été déposés dans le domaine du recyclage et 2664 dans celui des bioplastiques. Elle arrive juste derrière l’Allemagne qui a déposé plus de 8% des FBI européens (1242 en recyclage et 4090 en bioplastiques). Une différence qui s’explique par « la forte présence des industriels de la chimie Outre-Rhin et la taille de son économie », selon Yann Ménière, chef économiste de l’OEB, qui a piloté cette étude. Les méthodes de recyclage biologiques et chimiques ont généré le plus de dépôts de brevets sur 10 ans.
Un fort niveau de spécialisation
La France se distingue de ses voisins par une très forte spécialisation dans le domaine du recyclage. « Nous avons calculé pour chaque pays un indice d’avantage technologique révélé (ATR) », explique Yann Ménière, « Il consiste à diviser la part d’une famille de brevets d’un pays dans un domaine technologique particulier par la part de famille de brevets de ce pays dans tous les domaines technologiques. » Ainsi, un ATR supérieur à 1 indique un plus fort degré de spécialisation. Cet indice de l’OEB est particulièrement élevé pour la France sur de nombreuses technologies de recyclage et bioplastiques. Les bioplastiques sortent du lot, notamment dans le segment des caoutchoucs où l’ATR est supérieur à 4.
« Cela s’explique par une forte implication des industriels, notamment le groupe Michelin qui a développé de nombreuses technologies sur les bioplastiques, mais aussi l’Oréal qui est le deuxième déposant de FBI dans ce domaine dans le domaine des cosmétiques, derrière Procter & Gamble », pointe Yann Ménière.
Outre les grandes entreprises, les universités, les organismes de recherche publics et les PME inventives portent de nombreuses innovations de rupture dans le secteur du recyclage du plastique et dans celui des plastiques alternatifs. « En France, il y a deux innovation qui sortent du lot : le recyclage enzymatique, mis au point par la start-up Carbios, et les vitrimères, des plastiques capables de s’autoréparer », met en avant Yann Ménière.
Le CNRS parmi les premiers organismes mondiaux
Dans le classement des 10 entités à l’origine de la majorité des FBI en France dans le secteur du recyclage, c’est l’IFP Energies Nouvelles (Ifpen) arrive à la première place avec 159 familles de brevets. Deux autres organismes de recherche se positionnent dans le classement : le CNRS à la 3ème place (91 FBI) et le CEA à la 7ème place (21 FBI).
Dans le domaine des bioplastiques, même constat pour les organismes de recherche publics qui emboîtent le pas aux grands groupes : le CNRS arrive en 3ème position (242 FBI) derrière L’Oréal (715) et Michelin (499). Le CEA est 8ème du classement, avec 60 FBI et l’Inserm 10ème, avec 53 familles de brevets déposées.
Le CNRS possède par ailleurs une aura internationale dans le domaine des plastiques alternatifs. Dans le classement mondial des organismes de recherches qui innovent le plus dans ce secteur, il se positionne à la 2ème place, juste derrière l’Université de Californie et devant le MIT. C’est aussi l’un des seuls instituts de recherche européen présent dans le top 10, aux côtés du Fraunhofer allemand qui occupe lui la 7ème place, indique l’étude de l’OEB.
La recherche française est donc particulièrement active et fait émerger de nombreuses solutions nouvelles. Elle pèche néanmoins en ce qui concerne le passage à l’échelle industrielle des technologies. « Mais cette situation pourrait prochainement évoluer, notamment avec l’évolution de la réglementation en matière de recyclage. La France possède de nombreux atouts qu’elle doit faire fructifier », conclut Yann Ménière.
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