Pourquoi Michelin renégocie son accord de compétitivité à La Roche-sur-Yon

La direction de l’usine de pneus poids lourds de Michelin à La Roche-sur-Yon (Vendée) a annoncé que les investissements prévus sur le site par un accord de 2016 étaient suspendus.

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Pourquoi Michelin renégocie son accord de compétitivité à La Roche-sur-Yon
Pneus Michelin au Salon de l'automobile de Francfort

Les représentants du personnel de Michelin à La Roche-sur-Yon (Vendée) n’ont pas été surpris par l’annonce de leur direction, vendredi 2 février en comité d’entreprise, de réviser à la baisse à la fois les objectifs de production et les investissements prévus. "On savait depuis plusieurs mois que certains indicateurs clés n’étaient pas à la hauteur des attentes", commente Jean-Christophe Laourde, délégué syndical central CFE-CGC de Michelin. Alors que 56 millions d’euros devaient être investis sur le site vendéen en trois ans, la direction a annoncé une suspension de ses investissements, qui auront donc été, au total de 43 millions d’euros.

Dans le "pacte d’avenir" signé entre la direction et deux syndicats (SUD, CFE-CGC) puis approuvé par 71% des salariés en avril 2016, Michelin s’était engagé à moderniser son site vendéen, le dernier à produire des pneus poids lourds en France. L’objectif était de passer de 800000 pneus par an à 1,2 million en 2019, puis 1,6 million au bout de cinq ans. Mais la production n’a pas suivi, plafonnant à 760000 en 2017.

Syndicats et direction sont d’accord sur l’origine du problème : les difficultés de recrutement. Les départs à la retraite se sont multipliés en 2017, alors que parallèlement l’entreprise avait prévu 100 créations nettes d’emploi pour accompagner la montée en charge liée aux investissements. Il a donc fallu recruter massivement. Or le taux de chômage de la région est faible, les entreprises locales très attractives. Il a été non seulement difficile de recruter, mais encore plus de garder les personnes. Le turn-over a connu un taux particulièrement élevé : entre 2014 et 2017, plus de 500 recrutements ont été réalisés, pour des effectifs fin 2017 de 784 salariés (contre 636 en 2014). Selon la direction, plus de la moitié des effectifs d’aujourd’hui n’étaient pas présents en 2014. Pendant plusieurs mois, les salariés experts ont dû former ces nouveaux arrivants. Conséquence : les objectifs de production n’ont pas pu être atteints, certaines commandes non satisfaites sont parties vers d’autres usines du groupe. Se sont ajoutés des problèmes de qualité, avec beaucoup de perte matière.

Une révision indispensable

"On a bien vu qu’on n’était pas dans les clous, on a demandé à la direction de rouvrir le débat. Si on ne faisait rien, on courrait à la catastrophe", analyse le délégué CFE-CGC, qui trouve "logique", vu le contexte, de suspendre les achats de machines. Une négociation vient donc de s’ouvrir entre direction et syndicats pour revoir le contenu de l’accord de 2016. "La révision du projet était indispensable car les indices de performance étaient devenus inatteignables. Pour ne pas mettre l’usine en difficulté, avec des investissements très lourds à amortir, il fallait les suspendre", explique un porte-parole du groupe.

Pour Jean-Christophe Laourde, Michelin doit d’abord stopper le turn-over, en travaillant la qualité de vie au travail et sans doute en modifiant les horaires. Depuis l’accord de 2016, les salariés sont passés aux 4X8, avec un travail possible 15 dimanches par an, ce qui ne plaît pas à tout le monde. La CGT, qui n’a pas signé l’accord de 2016, avait estimé, à l’époque, que "la mise en place de la nouvelle organisation de travail ne va pas aider l’entreprise à attirer des candidats". Mais les 4X8 n’ont plus lieu d’être avec une production réduite, elles seront forcément remises en cause. La direction confirme que les recrutements vont se poursuivre à La Roche-sur-Yon. Le syndicaliste réclame aussi le maintien d’un minimum d’investissements, pour conserver un outil industriel compétitif : "Les salariés sont prêts à relever tous les challenges, mais il faut donner à l’usine les moyens d’y parvenir". Il espère aussi un engagement de la direction sur la reprise de volumes importants dès que la "pause" aura permis à l’usine de retrouver sa productivité, fin 2019. Il souligne aussi qu’il faut rassurer les salariés, dont certains viennent de l’usine de Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire), où l’arrêt de l’activité poids lourds s’était soldé par un plan social de 700 postes.

Michelin affirme ne pas vouloir changer de méthode, basée sur un dialogue social approfondi, pour sortir de la crise, en associant les salariés et leurs représentants à la recherche de solutions. "La nouvelle définition des objectifs économiques sera faite avec eux", souligne le porte-parole. Pour la CFE-CGC, "quand l’accord a été signé, l’entreprise et deux syndicats estimaient que les objectifs étaient atteignables ; l’erreur est humaine… L’essentiel est de pouvoir revenir à un bon niveau de production et de qualité". Un pari, alors que tout l’enjeu, pour Michelin, est d’éviter la disparition de son dernier site français de production de pneus poids lourds.

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