Les entreprises ont-elles le droit de se reconvertir en fabricants de masques de protection ou gel hydroalcoolique ?
De nombreuses entreprises de tous secteurs annoncent reconvertir provisoirement leurs usines dans la production de masques ou la fabrication de gel hydroalcoolique, pour pallier à un possible manque de stock à l'échelle nationale. Mais toute entreprise peut-elle s'improviser fabricant de dispositifs médicaux ?
Il est dorénavant possible de coudre son propre masque et de fabriquer son propre gel hydroalcoolique, à l'aide de tutos que l'on trouve facilement sur Internet. Un protocole interne du CHU de Grenoble appellerait même chacun(e) à créer un masque pour aider les équipes soignantes. Mais cela reste du fait maison... destiné à un usage personnel.
A plus large échelle cependant, de nombreuses entreprises de tous secteurs (santé, agroalimentaire, textile, parfums et cosmétiques…) annoncent reconvertir provisoirement leurs usines dans la production de masques ou la fabrication de gel hydroalcoolique, pour pallier au possible manque de stock à l’échelle nationale. Mais dans quelles conditions s’effectuent ces reconversions ? Peut-on du jour au lendemain s’improviser fabricant de dispositifs médicaux ? Nos explications.
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Le masque à usage unique recommandé
Dans un avis du 14 mars 2020, relatif aux conditions de prolongation du port ou de réutilisation des masques chirurgicaux et des appareils de protection respiratoire de type FFP2 pour les professionnels de santé, la Société française hospitalière (SF2H) préconise de ne pas réutiliser un masque dès lors qu'il a été manipulé et ôté du visage. La réutilisation du masque risquerait d'entraîner une contamination de la personne, la face extérieure du masque ayant pu être très vite contaminée au contact de patients infectés du Covid-19.
La société française hospitalière termine son avis en recommandant de ne pas utiliser d'autres types d'écrans (par exemple : masques en tissu, écharpes, masques en papier) à la place des masques chirurgicaux, du fait de données scientifiques très rares concernant leur étanchéité.
"Si l'on utilise ces autres écrans, écrivait pour sa part l'Organisation mondiale de la santé en 2009 alors que l'épidémie de la grippe A H1N1 se répandait, il ne faut les utiliser qu'une fois ou, s'il s'agit de masques en tissu, les laver soigneusement après chaque utilisation". "Le fait de mal utiliser un masque peut en réalité accroître le risque de transmission au lieu de le réduire".
Des normes de qualité pour les masques à usage médical
Les caractéristiques des demi-masques filtrants contre les particules et des masques à usage médical sont détaillées dans deux normes européennes (NF EN 149+A1 et NF EN 14683+1C). Ces normes spécifient les exigences de fabrication, de conception et de performance, ainsi que les essais auxquels sont soumis les masques. Le fait que le masque à usage médical présente une barrière antimicrobienne appropriée est donc testé et la qualité de filtration de ces dispositifs médicaux évaluée. Les masques qui ne passeraient pas le test ne pourraient pas être utilisés.
C’est pourquoi par exemple le Pôle textile d’Alsace, basé à Mulhouse (Haut-Rhin), a sollicité le 16 mars l’aide du Pôle BioValley France, dont le siège est à Illkirch-Graffenstaden près de Strasbourg (Bas-Rhin). Plusieurs entreprises membres du pôle textile disposent des compétences et matières premières mais manquaient des informations techniques et médicales précises pour répondre aux besoins des chirurgiens et de chaque personne.
"En réponse à la demande de l’industrie textile, nous avons mobilisé le réseau des adhérents de BioValley France ainsi que nos carnets d’adresses, explique Karine Goupy-Ollivier, chargée d’innovation au pôle. Nous avons reçu de très nombreuses réponses techniques et médicales, de façon à garantir la production de masques efficaces et répondant aux spécificités techniques pour l’obtention des labels réglementaires. Ces éléments sont transmis au pôle textile qui gère les contacts avec les industriels du secteur." Le 17 mars, un premier cahier des charges a été présenté. Restent quelques questions à résoudre, comme la stérilisation des masques, pour lesquelles d’autres compétences sont sollicitées, notamment à l’université de Reims (Marne). Sanofi a confirmé sa capacité à assurer une coordination des actions en cours, d’autres grands groupes ont annoncé leur intention de s’associer à la démarche des deux pôles alsaciens.
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Des gestes barrières bien plus efficaces que les masques en tissu
Les annonces de reconversion des entreprises (notamment dans le textile) portent cependant majoritairement sur la fabrication de masques en tissu… qui ne semblent donc pourtant pas (encore) avoir démontré leur efficacité. "Attention", prévient ainsi le dirigeant Julien Tuffery, dont l’atelier de jeans Tuffery, basé à Florac en Lozère, s’est lancé depuis le 16 mars dans la fabrication de masques en tissu, "ce ne sont pas des dispositifs médicaux". "Nous avons conçu un patron, et les masques sont fabriqués avec du polycoton, toile du fond des poches de jean, et des biais pour les attaches. Ce sont des protections barrières simples, mais c’est mieux que rien..."
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Au cours des questions au Gouvernement, Edouard Philippe a encore rappelé le 19 mars que les autorités de santé ont estimé que le port de masque en population générale n'est pas recommandé, notamment parce que ce port est inutile dès lors qu'on respecte les gestes barrières.
Et les gels hydroalcooliques ?
Les gels hydroalcooliques ont été en rupture de stock dès les premiers jours de propagation de la pandémie sur le territoire français. Le gouvernement a alors pris plusieurs arrêtés ministériels pour pallier à cette pénurie.
Dès le 6 mars 2020, un arrêté ministériel a permis aux pharmacies de préparer des solutions hydroalcooliques destinées à l'hygiène humaine, en cas de rupture de leur approvisionnement. De même, les établissements pharmaceutiques de fabrication de médicaments à usage humain, les établissements de fabrication de produits cosmétiques, certains établissements de fabrication de produits biocides et des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation ou enregistrement au titre du code de l'environnement sont dorénavant autorisés à fabriquer ces produits, en vertu de l'arrêté ministériel du 13 mars 2020.
C’est ainsi le cas des usines de groupes pharmaceutiques comme Sanofi, ou de cosmétiques comme L’Oréal et LVMH... dont les salariés de l’usine Christian Dior de Saint-Jean de Braye (Loiret) se sont mobilisés, depuis dimanche 15 mars, pour adapter l’usine afin de fabriquer du gel hydroalcoolique.
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"C'est assez basique de faire du gel hydroalcoolique, il faut des matières premières que nous utilisons déjà" a souligné un porte-parole du groupe LVMH, dont trois sites de parfumerie au final ont été convertis en lieu de fabrication de gel hydroalcoolique. La formule utilisée par LVMH pour cette nouvelle production a été validée par la pharmacie centrale de l'AP-HP.
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