"Les data scientists seront au cœur de l’usine du futur", prédit Olivier Bouffault, du BCG

L’intelligence artificielle est bien partie pour coloniser les usines. Le BCG a publié le 17 avril une étude intitulée "AI in the Factory of the Future". Résultat d’un sondage en ligne mené en février et mars 2018 auprès de 1096 grands industriels de 12 pays, le rapport montre que l’IA est perçue comme un levier de productivité des usines. Olivier Bouffault, directeur associé au BCG et co-auteur de l’étude, y voit la traduction de la place centrale des données dans l’industrie 4.0 et pousse les entreprises à se lancer au plus vite.

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Olivier Bouffault est directeur associé au BCG et co-auteur de l'étude "AI in the Factory of the Future".

L’Usine Nouvelle : L’intelligence artificielle est considérée comme le premier levier d’amélioration de la productivité par près d’un tiers des cadres que vous avez interrogés. Comment appréciez-vous ce chiffre ?

Olivier Bouffault : L’IA est effectivement citée comme premier levier d’amélioration de la productivité par 29% des participants à l’étude. Et ils sont 40% à penser qu’elle le deviendra en 2030. Cette prise de conscience est en ligne avec le potentiel de l’IA. L’analyse du BCG est que l’utilisation de l’IA peut permettre une réduction des coûts de production hors matières allant jusqu’à 20%. 70% de ces économies provenant d’une réduction des coûts de main-d’œuvre.

De quoi comprendre que 87% des cadres interrogés prévoient de mettre des solutions d’intelligence artificielle en opération dans leurs usines d’ici à trois ans…

Notre étude montre que les gens ont réalisé que l’IA serait un sujet majeur. Cela s’est fait assez naturellement. Nous réalisons beaucoup de diagnostics et de feuilles de route sur l’industrie 4.0 pour nos clients. Ce qui ressort souvent en premier, c’est l’utilisation des données pour améliorer les process. Autrement dit, c’est l’IA, au sens large : utiliser des données d’entrées et de sorties pour créer des modèles statistiques capables de prédire des phénomènes, d’anticiper des perturbations, recommander des actions…

"Les entreprises doivent internaliser les compétences en data science"

L’IA s’inscrit pour les entreprises dans la continuité du big data…

C’est effectivement en continuité, d’autant que les industriels ont l’habitude d’optimiser leurs process. On peut parler de différents niveaux de maturité. Le premier correspond à la collecte et à l’organisation des données, le deuxième à des analyses statistiques classiques et le troisième à des modèles d’intelligence artificielle qui permettent d’aller plus loin et d’automatiser les choses. Ce qui est intéressant pour les entreprises, c’est qu’il s’agit dans tous les cas du même genre de compétences, en data science.

Les entreprises doivent-elles forcément intégrer des compétences en IA ?

La question, pour les entreprises, c’est : est-ce que l’IA va être intégrée dans les équipements de production ou est-ce que j’ai besoin d’avoir des compétences en interne pour le faire ? Notre conviction est que bien sûr les équipements vont s’enrichir de capacités d’IA mais que cela ne suffira pas. Entre l’hétérogénéité du parc de machines et l’interaction avec l’extérieur, il faudra toujours combiner les équipements et les intégrer à une solution d’IA. Ce qui nécessite d’internaliser les compétences. Les data scientists seront au cœur de l’usine du futur.

"La courbe d’apprentissage est très lente"

Quand doivent-elles commencer ?

Probablement le plus tôt possible ! La différence se fera entre ceux qui commencent à s'équiper tout de suite, à monter en compétences, et ceux qui attendent. D’une part parce que les progrès de l’IA sont très rapides – personne n’imaginait il y a quelques années qu’on atteindrait aussi vite les performances actuelles. D’autre part parce que cela prend du temps de pratiquer l’IA. La courbe d’apprentissage est très lente : il faut acquérir des compétences et le déploiement de solutions d’IA implique de transformer les métiers des opérateurs – la dimension ressources humaines est cruciale.

Les entreprises françaises ne semblent pas en pointe selon votre étude…

Elles sont en retard. Seulement 10% des entreprises françaises de notre étude ont déjà mis en production plusieurs usages de l’IA dans l’usine – ce qu’on appelle des entreprises pionnières. La moyenne sur les douze pays couverts est à 16%. Les Etats-Unis sont à 25%, ce qui n’était pas évident sachant qu’en général ils ne sont pas très bons sur le manufacturing. Cela montre l’impact de la proximité avec les fournisseurs de solutions d’IA. La Chine, enfin, s’affiche largement devant les pays européens avec 23% d’entreprises pionnières.

Faut-il se résigner à ce retard ?

Une inflexion invite à l’optimisme : les industriels français émettent un besoin croissant d’expertise sur l’IA. Nous l’observons notamment à travers BCG GAMMA, notre entité dédiée à la data science : intéressés essentiellement par des POCs [Proofs of concept, ou démonstrateurs, NDLR] il y a quelques mois, de plus en plus d’entreprises passent désormais directement au stade du développement de vraies solutions qu’ils déploient sur leurs sites.

Propos recueillis par Manuel Moragues

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