Le plan du gouvernement pour contrôler les investissements étrangers en France
Alors que la loi Pacte prévoit un renforcement des sanctions en cas de non-respect des engagements pris par les acheteurs étrangers, la liste des « secteurs sensibles » a été allongée par le gouvernement français depuis le 1er janvier. Désormais, Bercy dispose aussi d’un droit de véto sur les acquisitions par des capitaux étrangers dans la cybersécurité, le spatial ou l'IA. Il se méfie notamment de l’appétit chinois.
Depuis le 1er janvier, de nouvelles entreprises françaises oeuvrant dans des secteurs jugés sensibles peuvent faire l’objet de contrôle des investissements étrangers. Afin "d’adapter le dispositif français aux défis contemporains", justifie le ministère de l’Economie et des Finances dans un communiqué, un décret du 1er décembre a en effet allongé la liste des secteurs concernés.
Désormais, "les entreprises dans les secteurs de l’aérospatial et de la protection civile, ou qui mènent des activités de R&D en matière de cybersécurité, d’intelligence artificielle, de robotique, de fabrication additive, de semi-conducteurs, ainsi que les hébergeurs de certaines données sensibles, entreront dans le champ du contrôle", annonce-t-il le 3 janvier. Elles s’ajoutent ainsi aux secteurs déjà listés par le "décret Montebourg" de 2014, comme l’énergie, les transports et la santé.
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"Mieux protéger contre les acquisitions hostiles"
Dans l’Hexagone, les investissements réalisés par des acteurs étrangers et qui présentent des enjeux en termes d’ordre et de sécurité publics, ou de défense nationale sont en effet soumis à l’autorisation préalable de Bercy, par exception au principe général de libre circulation des capitaux.
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"Avec ce texte, nos entreprises ayant des activités de R&D dans certains secteurs technologiques d’avenir, qui présentent de véritables enjeux de défense ou de sécurité publique, seront mieux protégées contre les acquisitions hostiles, justifie le ministre Bruno Le Maire. Nous souhaitons mettre en place des mesures fortes quand nos règles ne sont pas respectées par les investisseurs : c’est l'objet de dispositions du projet de loi PACTE que je défendrai de nouveau à partir de la mi-janvier au Sénat".
Pour éviter que des entreprises stratégiques ne passent sous pavillon étranger, les députés ont en effet approuvé en octobre dernier lors de l’examen de la loi Pacte un renforcement du dispositif de contrôle des acquisitions réalisées par des investisseurs étrangers.
Une tendance à travers toute l'Europe
Cette tendance se retrouve à l’échelle européenne, alors que 13 États disposent déjà de mécanismes de contrôle des investissements étrangers, plus ou moins rigoureux. Le 20 novembre, le Parlement, la Commission et le Conseil européen ont ainsi validé les derniers détails techniques du projet de filtrage des investissements étrangers. Ce nouveau règlement, "sur le point d’être définitivement adopté" selon Bercy, devrait entrer en vigueur avant les élections européennes de mai 2019. La vague de rachats, en particulier de pépites technologiques, par des entreprises chinoises inquiète en effet Paris et Berlin. Or pas question de laisser l’impression d’une Europe ouverte aux quatre vents.
Reste que le projet européen n’a rien à voir avec le Comité pour l’investissement étranger américain (CFIUS). Le contrôle reste uniquement du ressort des États. L’Europe se limite à faire circuler l’information et à alerter les autres États membres. "L’exemple, c’est le rachat d’Aixtron. C’est l’administration américaine qui a prévenu l’Allemagne que l’opération posait un problème ", souligne un avocat. La Commission pourrait aussi tirer elle-même la sonnette d’alarme dans certains cas, notamment lorsque des réseaux transeuropéens seraient concernés.
Comment préserver l'attractivité retrouvée de la France?
Alors que la France a rattrapé ces dernières années son retard en termes d’attractivité aux yeux des investisseurs étrangers – enregistrant notamment une hausse de 31 % des projets d’investissements étrangers, avec 1 019 implantations et extensions de sites en 2017 selon EY - après des décennies de French bashing, ne risque-t-elle pas néanmoins de se tirer une balle dans le pied ?
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"Ce renforcement réglementaire ne se fait pas au détriment de l’attractivité de l’économie française pour les investisseurs internationaux, assure le ministère de l’Economie. Il comporte ainsi un volet de simplification : jusqu'à présent, seul l'investisseur étranger pouvait saisir l'administration d'une demande d'autorisation. Désormais, les entreprises faisant l'objet d'un projet d'investissement peuvent également demander une autorisation préalable." Au gouvernement, donc, de parvenir à la fois à attirer… et à mieux contrôler.
avec Solène Davesne
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