«La croissance du numérique n’est pas soutenable», selon Benjamin Ninassi (Inria)
Benjamin Ninassi, l’adjoint au responsable du programme Environnement et numérique de l’Inria, alerte sur la nécessité de s’engager dans la sobriété.
L'Usine Nouvelle - L’empreinte carbone du numérique, qui représente 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, pourrait tripler entre 2020 et 2050, selon une récente étude de l’Arcep et de l’Ademe. Cela vous inquiète-t-il ?
Benjamin Ninassi - La croissance numérique actuelle n’est pas soutenable, surtout si à terme 100 % de la population mondiale est connectée, contre 52 % en 2018. Plusieurs études prévoient une progression dramatique des objets connectés, de 34 milliards aujourd’hui à 45 milliards d’ici à 2025. Outre les émissions de CO2, on peut citer la pollution de l’air et des sols liée à l’extraction des matières premières, qui contribue dans certaines régions au stress hydrique et à l’artificialisation des sols.
Comment quantifie-t-on l’impact du numérique ?
On peut quantifier les impacts environnementaux liés au cycle de vie d’un appareil, mais on ne sait pas évaluer de manière standardisée les impacts des services numériques. L’Inria a des projets de recherche en cours sur ce sujet. Ce qui est sûr, c’est que si demain nous déployons massivement de nouveaux services comme le métavers, cela va nécessiter le renouvellement ou l’ajout d’un certain nombre d’équipements, donc de nouvelles infrastructures. Le numérique est un outil clé pour la décarbonation de certains secteurs, notamment l’agriculture, mais dans le même temps, il génère des pollutions, d’où l’urgence d’adopter une démarche low tech pour minimiser les impacts négatifs, mais aussi de s’interroger sur l’utilité sociétale des nouvelles applications développées.
Quelles sont aujourd’hui les principales pistes pour limiter l’impact du numérique ?
L’impact du numérique est lié à 80 % à la fabrication des équipements, dont la durée de vie a été divisée par deux en quarante ans. Une partie de la solution réside donc dans une meilleure éco-conception des objets en incluant des problématiques d’usage, pour faire en sorte qu’ils durent le plus longtemps possible et soient réparables. Aujourd’hui, la majorité des entreprises louent des copieurs, ce qui incite les fabricants à concevoir des machines plus durables. De la même manière, on peut imaginer d’autres systèmes de location ou de mutualisation des équipements, par exemple pour les box internet. Par ailleurs, dans le cadre du plan de sobriété présenté le 6 octobre 2022, les acteurs du numérique se sont engagés à limiter le recours à la climatisation dans les centres de données et à éteindre certaines fréquences lorsqu’elles ne sont pas utilisées. OVH travaille notamment à réduire la consommation de ses datacenters et à améliorer sa performance environnementale en menant une campagne d’augmentation de température graduelle de ses salles, batterie, réseaux et énergie.
Vous lisez un article de L'Usine Nouvelle 3719 - Juin 2023
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