[L'industrie c'est fou] Polar Pod, la station scientifique française de 100 mètres de haut qui doit dompter les mers du Sud
Après 10 ans d'efforts, Jean-Louis Etienne donne le coup d'envoi de Polar Pod, un bateau vertical à dérives qui doit se frotter aux violentes mers du Sud pour en percer les secrets. Bardée de capteurs et accueillant 8 membres d'équipage, l'immense structure flottante nourrit de nombreux espoirs scientifiques.
Pour percer les mystères de l'océan le plus inhospitalier de la planète, il fallait un outil unique. Et l'impulsion d'un esprit aventurier pour l'imaginer, sans doute. Deux critères que coche le projet français Polar Pod, une station scientifique de 100 mètres de haut (soit plus que la statue de la Liberté) imaginée par l'explorateur et savant français Jean-Louis Etienne.
Mardi 16 mars 2021, celui qu'on surnomme affectueusement "Papy Pôle" a d'ailleurs lancé officiellement la dernière étape du projet avant sa construction. Lorsqu'elle sera achevée en 2023, la plateforme ira se frotter aux violentes mers du Sud afin d'étudier l'océan polaire austral. Une mission de trois ans durant laquelle elle effectuera deux tours du monde, bercée par le plus puissant courant de la planète (le fameux courant circumpolaire). Le tout silencieusement et sans émission de carbone.
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(Illustration Sylvain Bergeon)
L'Océan Austral capte 50% de nos émissions de carbone
"Nous avons besoin de mesures in situ de longue durée dans cette région du globe qui capte 50% de nos émissions de carbone, a commenté celui qui a été le premier homme à atteindre le pôle Nord en solitaire en 1986. C'est un réservoir de biodiversité encore largement méconnu, nous devrions faire de belles découvertes." Comme observer le premier "calamar colossal", cette espèce mystérieuse qui vit dans les eaux profondes et glaciales, et dont aucun spécimen adulte n'a jamais été observé ? "Ce n'est pas exclu, sourit Jean-Louis Etienne, rappelant au passage sa passion pour les livres de Jules Verne qui ont nourri sa soif d'aventures.
Mais le Polar Pod aura avant tout un intérêt scientifique. Quatre missions principales lui seront confiées : l'analyse des échanges thermiques, chimiques et moléculaires entre l'Océan et l'atmosphère ; l'observation de la biodiversité dans son ensemble (de l'organisme unicellulaire aux cétacés) ; la quantification de l'impact de l'activité humaine (pollution chimique, déchets plastiques,…) et l'amélioration de l'observation satellitaire via des mesures précises. "Elles permettront d'optimiser les réglages des satellites en temps réel", ajoute-t-il.
Un projet de dix ans
Pour Jean-Louis Etienne, ce mardi 16 mars a dû ressembler au jour où les navigateur aperçoivent un bout de terre après un long voyage. Car pour ce projet exceptionnel, il a longtemps mené sa barque en solitaire. Lorsqu'il lance l'idée d'aller étudier l'océan polaire sur plusieurs années, l'ancien médecin du Tarn pense d'abord à un navire stabilisé par une immense chambre à air de 100 mètres de diamètre plongée sous la coque... Un projet rapidement retoqué par les ingénieurs. Puis un ami lui parle du FLIP (Floating Instrument Platform), un navire utilisé durant la seconde guerre mondiale par l'armée américaine pour repérer les sous-marins qui sert aujourd'hui de plateforme océanographique. Insubmersible, la structure a été conçue autour d'un grand pylône plongeant dans l'eau lui permettant d'osciller puis de se remettre à la vertical, comme un "culbuto". "C'est le modèle qui a servi à inspirer le Polar Pod", explique l'intéressé.
Après avoir multiplié les démarches auprès de la communauté scientifique et les études de faisabilité, Jean-Louis Etienne n'est désormais plus seul : 43 instituts de 12 pays participent au projet, autour de quatre acteurs principaux, tous français : l’Ifremer, le CNRS, CNES et l'Institution océan polaire. Un partenariat public-privé financera le projet, dont le prix reste secret, compte-tenu du lancement imminent de l'appel d'offres public par l'Ifremer.
Une prouesse technique
Le Polar Pod dérivera au niveau du 50e parallèle, "où il n'y a plus Dieu", disent les marins du Vendée Globe. "Nous avons dû répondre aux mêmes contraintes de sécurité que les plateformes pétrolières offshore des mers du Nord, raconte Jean-Louis Etienne, qui a fait certifier le Polar Pod par Bureau Veritas. "Il doit résister à des vents de 150 km/h et même à la vague cinquantennale de 38 mètres, modélisée par des algorithmes mais qui n'a encore jamais observée." Et aussi éviter les multiples iceberg dérivant dans la région, à l'aide de ses voiles asymétriques…
Tous les deux mois, les huit membres d'équipage (3 marins, 4 scientifiques et un cuisinier), juchés dans la nacelle à 10 mètres au-dessus de l'eau, seront relevés. Un navire conçu spécialement pour cette opération par le cabinet d'architecte français VPLP (qui dessine certains bateaux du Vendée Globe) sera affrété depuis la Terre la plus proche. Et Jean-Louis Etienne compte bien faire partie de la première équipe. "Quelle question ! Après 10 ans d'effort, je prends un ticket pour le premier séjour !" Et peut-être un second pour la fin du périple, en 2026. Le "savanturier" entamera alors sa 80e année.
Polar Pod from Sylvain Bergeon on Vimeo.
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