[L'industrie c'est fou] Avec sa voile solaire, la start-up française Gama veut révolutionner l'exploration spatiale
Fondée en 2020, la start-up tricolore Gama a envoyé sa première voile solaire dans l'espace le mardi 3 janvier. Selon son PDG Louis de Gouyon Matignon, cette technologie innovante permettra d'organiser des missions d'exploration moins coûteuses, moins polluantes, et plus rapides.
Mis à jour
03 janvier 2023
Dès le début du XVIIe siècle, Johannes Kepler avait imaginé des vaisseaux spatiaux qui progresseraient à l'aide d'une voile solaire. Plus de quatre siècles plus tard, Louis de Gouyon Matignon a repris le flambeau du célèbre astronome allemand, bien décidé à prouver la pertinence de ses travaux. Docteur en droit, le trentenaire ne se destinait pourtant pas à une carrière dans le secteur spatial, mais les promesses de cette technologie alternative l'ont poussé à fonder la start-up Gama, aux côtés de Thibaud Elziere et d'Andrew Nutter.
Jusqu'à 60 000 km/s
Leur ambition et leur vision à long terme commencent déjà à payer : deux ans et demi seulement après la fondation de leur entreprise, ils ont lancé le 3 janvier leur tout premier test en conditions réelles. Par l'intermédiaire d'une fusée Falcon 9 de SpaceX, une voile de 73,3 mètres carrés a été envoyée à 550 km de la Terre à l'intérieur d'un satellite CubeSat, pas beaucoup plus épais qu'une boîte à chaussures. « Empaqueter cette voile de 400g et de 2,5 microns d'épaisseur, soit 50 fois moins que celle d'un cheveu, s'apparente à un travail de haute couture », plaisante le PDG, qui précise que leur projet bénéficie notamment du soutien financier du Cnes et de l'armateur CMA CGM.
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« Notre technologie n'est pas si différente de celle des bateaux à voile, sauf que notre propulsion ne provient pas du vent, mais de la lumière du Soleil », poursuit-il. Une fois la voile solaire déployée, celle-ci agit comme un genre de miroir : le satellite avance grâce à la pression produite par les photons lorsqu'ils entrent en contact avec une surface réfléchissante. Si la force ainsi produite est légère, elle a l'avantage de s'accumuler promptement et de manière continue. De quoi atteindre une rapidité record, potentiellement jusqu'à 20% de la vitesse de la lumière (environ 60 000 km/s !), et prévoir des missions beaucoup plus longues. Faire une croix sur le carburant qu'utilisent jusqu'à alors les vaisseaux permettrait en plus de réduire les coûts des missions de manière drastique, mais aussi de les rendre plus écologiques.
Vers l'infini et au-delà
Bien sûr, le dispositif présente également des inconvénients. Tout d'abord, la conception de la voile solaire empêche les satellites qu'elle équipe de faire preuve d'une grande réactivité, ce qui rend son utilisation plus complexe en orbite basse. « Parfois, la position d'une sonde a besoin d'être changée presque instantanément, pour observer telle ou telle région de la Terre. Nous ne sommes pas capables de faire ça en un claquement de doigt », reconnaît Louis de Gouyon Matignon.
Par ailleurs, à moins de 1 500 km de la surface du sol, la voile a tendance à agir comme une sorte de parachute géant, ce qui ramènerait trop vite les satellites dans notre atmosphère. La start-up préfère ainsi pour l'instant se concentrer sur l'exploration de l'espace lointain, d'où l'hommage au navigateur portugais Vasco de Gama. « De la même manière que le train a permis de relier les territoires français les uns aux autres, la voile solaire rapprochera les différents astres de notre galaxie », veut croire le dirigeant.
De sérieux concurrents
Dans l'espace, le risque que la voile soit percutée par de minuscules astéroïdes ou des débris spatiaux est conséquent, mais la pépite basée à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) assure avoir anticipé les éventuelles déchirures. Elle mise avant tout sur la qualité de son matériau, fourni par une entreprise américaine qui a notamment travaillé sur le prestigieux télescope James Webb. Si ce premier essai est couronné de succès, Gama envisage déjà une prochaine mission en 2023 ou 2024, pour expérimenter la navigation, puis une autre en 2025 vers des corps célestes lointains.
Prouver la viabilité de son projet ne sera pas le seul défi qui attend la petite start-up (elle compte une quinzaine de salariés). Elle devra aussi faire face à une vive concurrence, car elle n'est pas la première entité à s'intéresser de près au sujet. En 2019, l'organisation américaine à but non lucratif Planetary Society a déjà réussi à déployer une voile solaire de 32 m2 à 700 km de la Terre. La Nasa et la Jaxa, l'agence spatiale japonaise, travaillent d'ailleurs sur des initiatives similaires. Une rivalité qui n'effraie pas le co-fondateur. « Comme leurs programmes n'ont pas vocation à générer du profit, ils sont bien plus longs à monter, argue-t-il. Aujourd'hui, une mission scientifique vers Vénus coûte au minimum 200 millions de dollars et nécessite dix ans de développement. Grâce à notre voile solaire, nous pourrions en organiser une en deux ans, pour dix fois moins cher ». Le pari est lancé.
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