L’étrange inauguration de l’Institut photovoltaïque d’Ile-de-France conjoint à Total et EDF
Lancé en 2014, l’institut photovoltaïque d’Île de France ou IPVF a été officiellement inauguré le 18 décembre 2018 sur le plateau de Saclay, dans l’Essonne, en présence des PDG d’EDF, de Total, du CNRS et du ministre de la Transition écologique et solidaire. La teneur des discours interroge.
Entre un PDG de Total qui préfère annoncer un nouveau centre de R&D à Polytechnique et son soutien à sa chaire "défis technologiques pour une énergie responsable" et un ministre de la Transition écologique qui plombe l’ambiance, il planait sur l’inauguration de l’IPVF, le 18 décembre sur le plateau de Saclay, comme une ombre. Cette ombre, c’est celle d’une transition énergétique en France bien mal emmanchée. A tel point que cet institut photovoltaïque d’Île-de-France apparaît presque anachronique.
Du public-privé très privé
Pourtant en 2009, lorsque EDF et Total commencent à imaginer mettre leurs forces de R&D en commun pour dépasser les limites technologiques des cellules photovoltaïque et leur 29% de taux de conversion théorique, c'était pour développer une nouvelle filière industrielle en France et cela avait du sens. En 2014, lorsque la convention est signée entre Total, EDF- ils détiennent respectivement 43% du capital -, Air Liquide (10%) et les équipementiers Horiba et Riber (4%), on pouvait encore se dire que l’horizon 2030, que se fixait l’IPVF pour dépasser les 30% de rendement tout en descendant sous les 30 centimes par cellule était acceptable, comme l’a rappelé Jean-Bernard Levy, PDG d’EDF, dans son discours. Mais en ce 18 décembre 2018, le jour de l’inauguration, un an après l’arrivée des 150 chercheurs de l’Institut, dont 30 issus d’EDF et 30 de Total, dans un bâtiment flambant neuf de 8000 m² dont 3500 de laboratoires, l’équation n’est plus la même.
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Anachronique
Le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a démontré que le monde n’avait plus que deux ans pour réagir efficacement et avoir une chance de rester sous les 1,5°C de réchauffement en 2100. En France, le projet de programmation pluriannuel de l’énergie (PPE) a, lui, sacré les énergies renouvelables compétitives, qui pourront se passer de subventions rapidement, soit l’éolien terrestre voire marin, et le photovoltaïque à base de panneaux chinois, dont les prix ont baissé de 80% depuis 2010. Autant dire que les technologies émergentes, qui nécessitent au bas mot encore dix ans pour atteindre une maturité industrielle, n’ont pas la faveur du gouvernement. Le développement de nouvelles filières industrielles devra se faire sans son aide, ou presque.
L'Etat dubitatif
Certes, l’Etat, via le programme d’investissements d’avenir a participé à hauteur de 18,5 millions d’euros au financement de cet institut public-privé (le CNRS et l’école Polytechnique sont de la partie) qui a coûté 150 millions d’euros, et disposera d’un budget de fonctionnement annuel de 10 millions d‘euros. Il fait en effet partie des huit instituts pour la transition énergétique. Et Francois de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, a promis que l’Etat continuerait à apporter son aide. Mais il a immédiatement rappelé que “le développement de l’innovation ne peut pas venir que de soutien public" et qu'il ne s'agit plus "d’aligner les milliards" mais "d’entraîner le privé". Total, EDF et Air liquide semblent l’avoir compris depuis longtemps, et se sont résolus à plutôt chercher à entraîner l’Etat comme ils le pouvaient.
Dépasser les 30% de rendement en 2030
Le ministre a aussi tenu à expliquer que "la transition énergétique c’est relever le défi énergie-climat et que [pour les grands industriels de l’énergie comme Total et EDF] cela passera par la diversification à grande échelle et pas seulement dans quelques technologies de niche". Autant dire que les cellules photovoltaïques "tandem" avec une couche transparente, qui pourraient potentiellement atteindre 43% de rendement sur lesquelles travaille l’IPVF, ne sont pas prioritaires pour Français de Rugy. Heureusement que les chercheurs ont appris depuis longtemps à ne plus écouter les politiques.
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