Immersion dans l'effervescence shanghaienne avec le China Studio de l'Ecole de design Nantes Atlantique
A l'occasion de l'inauguration de son China Studio en partenariat avec l'Université de Shanghai, le 26 septembre, l'Ecole de Design Nantes Atlantique a emmené quelques journalistes à la rencontre d'étudiants et d'ex-étudiants de son master "Design & Interculturalité". Ceux restés travailler à Shanghai racontent un début de vie professionnelle au diapason du dynamisme économique de la métropole chinoise, tournée vers l'avenir.
Mis à jour
02 octobre 2017
Il y a six mois, Sheng Park, ensemble d’une vingtaine de bâtiments bas vitrés et colorés n’était qu’une friche industrielle. Hier encore, des ouvriers s’affairaient un peu partout, grattant, ponçant et installant meubles et décorations. Mais aujourd’hui, mardi 26 septembre, l’habituel miracle à la chinoise s’est réalisé : tout est prêt pour accueillir les officiels venus inaugurer le campus Sud de la Faculty of Fine Arts de l’Université de Shanghai, dans ce qui reste le nord de la mégapole, ainsi que, au passage, le Centre sino-français de design commun à l’Université et à l’Ecole de design Nantes Atlantique. Même les pluies diluviennes de la veille ont eu le bon goût de céder la place au Soleil. La moiteur étouffante, elle, est restée.
Ne manque que les confettis
Un long tapis bleu ponctué par un trio de délicates jeunes violonistes toutes de blanc vêtues mène l’assemblée jusqu’au fond d’un hall aussi étroit que rutilant. Sur l’estrade, responsables de la municipalité et de l’Université se succèdent devant un gigantesque fond d’écran bleu, chaque discours étant salué par la salve d’applaudissements de rigueur. Ne manque que les confettis. Vient le représentant du consulat général français puis, costume noir et écharpe en bataille, Christian Guellerin, le directeur de l’Ecole de design. Après l'indispensable hommage à « la culture pluri-millénaire » chinoise, il conclut : « En tant que designers, nous allons travailler ensemble à inventer le monde de demain. »
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Pas d'existence officielle sans plaque : le Centre de design sino-français de l'académie des beaux arts de Shanghai est né.
"Le design chinois s’oriente désormais vers le design industriel."
Travailler ensemble, tel est l’enjeu pour le partenariat entre l’Ecole de design et la Faculty of Fine Arts qui, de l’aveu même de son initiateur, Christian Guellerin, était resté "peu fructueux" depuis sa signature fin 2010. "Ce n’était pas tant notre design industriel qui les intéressait que notre savoir-faire dans les relations avec les entreprises", précise le directeur. Mais la situation a changé. "Longtemps cantonné aux arts décoratifs, le design chinois s’oriente désormais vers le design industriel comme on l’entend en occident", analyse Eric Mazodier, le responsable des études du China Studio, l’antenne shanghaienne de l’Ecole de design qui a pris ses nouveaux quartiers dans le bâtiment du Centre sino-français il y a un mois. "Là, clairement, on s’engage à développer des activités communes", se félicite le directeur. Qui y voit un levier pour progresser vers son objectif : faire du China Studio une antenne qui accueille des étudiants de toutes nationalités.
Un nouveau concept de table de Ping-Pong pour décathlon
Pour l’instant, dans les 300 mètres carrés flambant neufs du Studio, les étudiants sont français. Issus pour la plupart de l’école nantaise, ils effectuent deux années du master "Design & Interculturalité" lancé par l’Ecole en 2008. En tout, ils sont 43. Les étudiants de première année – les M1 – se répartissent entre deux salles de travail et les canapés de l’entrée, en attendant de déborder dans l’atelier en cours d'équipement. Après un premier mois consacré à l’initiation à la culture chinoise, ils planchent sur un projet court – 10 jours - en lien avec Décathlon : proposer à l’enseigne française un concept de table de ping-pong adapté à la Chine. Les produits actuels du français peinent à séduire au pays du tennis de table ; le China Studio imaginera peut-être des pistes intéressantes.
Les étudiants de première année du master "Design & Interculturalité" de l'Ecole de design Nantes Atlantique ont fait leur rentrée dans les nouveaux locaux shanghaiens du China Studio.
Sieste et danse au menu des projets de fin d'études
Les M2, eux, viennent de démarrer la phase de recherche de leur projet de fin d’études. Une étudiante a été frappée par la vue d’un Chinois faisant une sieste dans la minuscule remorque de son vélo. Depuis, elle enquête et étudie cette pratique en toutes situations d’une sieste reconnue par la loi comme un droit du travailleur depuis 1948. Une autre est partie de la pollution sonore générée par ces groupes de femmes âgées dansant dans les parcs autour d’enceintes poussées dans leurs derniers retranchements. Désormais, elle s’interroge sur le devenir de cette pratique aux vertus plus proches de la sociabilité que de l’exercice physique. Autant dire que l’interculturalité prônée et enseignée par le mastère est abordée frontalement par les étudiants. Non sans une certaine candeur alors que la quasi-totalité d'entre eux renoncent à apprendre le Mandarin.
80% des étudiants embauchés avant leur diplôme
Les résultats - produits, services, aménagements ou apps - de ces cogitations estudiantines n'émergeront que dans quelques mois. Mais le master, lui, a déjà fait ses preuves : environ 80% des étudiants de la dernière promotion étaient embauchés avant même d’être diplômés, revendique l'école. Alors que dans les autres masters de l’ecole, le taux d’emploi six mois après le diplôme est autour de 75%. Surtout, la plupart des étudiants passés par Shanghai entament leur carrière à l’international plutôt que de rentrer en France. Il faut dire qu’à travers leur stage de M2 dans la frénétique métropole chinoise, ils prennent goût à une ambiance de travail bien différente de celle que connaissent leurs camarades restés en France.
Designer une table de ping-pong au pays du tennis de table : grosse pression.
A moins de 30 ans, création d'une marque propre chez Altyor
Les anciens du master restés à Shanghai – une trentaine en tout – en témoignent. Kevin Condette, diplômé en 2014, a ainsi participé à la naissance d’ID-RF, filiale chinoise du groupe français Altyor dédiée au développement de produits connectés. Stage, VIE (Volontariat internationale en entreprise) puis embauche, il a été un acteur clé de l’évolution de ce plasturgiste vers la conception et la fabrication d’objets connectés. A 29 ans, il est lead creative designer et a déjà designé la première marque propre du groupe, Nodon, et la gamme de produits de domotique sans fil associée, distribuée en France chez Leroy-Merlin notamment.
"Pour moi, Shanghai est une rampe de lancement."
"Ici, on réalise des projets en quelques mois contre plus d'un an en France, donc on apprend très vite. Pour moi, Shanghai est une rampe de lancement. Je compte y travailler encore 3 ans, histoire de devenir senior", explique le jeune homme, qui garde la tête froide. Et d’ajouter, au-dessus des 17 machines d'injection thermoplastiques qui restent le cœur de métier de Technochina, filiale d'Altyor créée il y a seize ans : "Ici, on coupe avec l’Europe donc on pense moins au passé qu’au futur, aux nouvelles technologies. Tout va très vite à Shanghai !"
Nodon, marque d'objets connectés du groupe français Altyor, a été désignée par un ancien étudiant du master, à moins de 29 ans.
"Formation à grande vitesse" chez Aia Architectes
Le dynamisme shanghaien, Maëlle, 25 ans, et Thomas, 24, le vivent au sein d'Aia Architectes. Ce cabinet d'architecture basé à Nantes et spécialisé dans l'hospitalier a ouvert son agence shangaienne en 2012. Maëlle y est embauchée en février 2015, suivie par Thomas un peu plus tard, tous deux comme architectes d'intérieur. Ils nous reçoivent dans les tout nouveaux locaux de l'agence, qui ne pouvait plus caser ses employés toujours plus nombreux dans ses anciens quartiers. Dans une salle de réunion sentant la peinture et où le revêtement intérieur n'est pas encore posé, Thomas se souvient de son premier jour de stage chez Aia : "A peine arrivé, mon boss de demande une proposition d'aménagement intérieur à envoyer… le soir même !"
Installé dans le quartier financier de Pudong, la tour Shanghai, deuxième plus haut gratte-ciel du monde avec ses 632 mètres, symbolise l'essor économique chinois.
"Des responsabilités qu'on n'aurait pas en France"
Aujourd'hui, la proposition de Thomas est déjà en chantier. "C'est une formation à grande vitesse. On nous confie tout de suite beaucoup de responsabilités, qu'on n'aurait pas en France", apprécie-t-il. "Les projets sont très rapides en Chine. On en fait beaucoup donc on acquiert rapidement de l'expérience, renchérit Maëlle. Ici, un hôpital est construit en six mois alors qu'il faut des années en France." C'est avec l'embauche de la jeune femme qu'a démarré l'activité "intérieur" de l'agence. Deux ans et demi plus tard, l'activité compte 6 salariés. 7 bâtiments représentant environ 1 million de mètres carrés sont en chantier…
WeChat, ou la Chine en pointe de l'usage du numérique : l'application compte plus de 860 millions d'utilisateurs chinois, qui s'en servent pour à peu près tout : achats, téléphone, messagerie, réservations... Les QR codes qu'elle utilise sont partout !
Vivre la folle croissance chinoise de l'intérieur
Entrer dans le monde du travail ici, dans cette économie qui court à toute vitesse vers un futur synonyme de progrès, a de quoi déboussoler quelque peu. C’est une chose de connaître les chiffres de la folle croissance chinoise, c’en est une autre de la vivre de l'intérieur. Surtout quand on est un occidental qualifié, comme Maxence Lucas, diplômée en 2015. La jeune femme a intégrée dans la foulée l’agence de branding Creative Capital, fondée en 2012 par le français Louis Houdart. "J’ai choisi de rester en Chine car on y progresse très vite et on acquiert rapidement des responsabilités, explique-t-elle. En deux ans, je suis passée de stagiaire à designer artistique en charge de plusieurs projets. Et je participe aux discussions concernant les autres projets", ajoute l'architecte d’intérieur.
"Plus rien ne m'attache à la France"
A 2000 euros nets d’impôts par mois, elle estime ne pas gagner plus qu’en France, "mais je vis bien mieux ici", se félicite-t-elle, sous les boiseries de la belle maison des années 1920 dans laquelle Creative Capital s'est installé, au cœur d'un lilong shangaien (quartier fermé aux ruelles étroites et aux maisons mitoyennes). Surtout, elle affirme avoir tiré un trait sur son pays natal. "Plus rien ne m'attache à la France, hormis la famille et les amis… Et encore ! Quand j’y reviens, je ne supporte plus les blocages, la lenteur du pays, l'insécurité, la peur des attentats, etc." Quid du ressenti vis-à-vis du régime chinois et de sa police omniprésente ? De la situation des droits de l’homme, du Tibet, des Ouïgours… ? Tranquillement, la jeune femme assène : "Peut-être qu’on est surveillé en permanence… Et alors ? Je ne le ressens pas, je suis dans une bulle ici."
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