Et si on déterminait l'âge de vos muscles ?
Une équipe de recherche de l'UTC de Compiègne développe une technique combinant analyse de la réponse musculaire et accéléromètre pour parvenir à donner un âge à nos muscles. L'objectif est de sensibiliser au problème du vieillissement précoce de ces tissus, appelé aussi sarcopénie.
Dans le laboratoire de Sofiane Boudaoud, on s'exerce à du sport de haut niveau, comme à se lever d'une chaise. Un geste simple, qui permet cependant de mesurer l'activité du muscle et d'évaluer la fonction motrice. C'est l'une des situations de la vie de tous les jours sur laquelle s'appuie le chercheur qui développe un meilleur diagnostic de l'affaiblissement des muscles lié à l'âge, aussi appelé sarcopénie (voir notre encadré). « Les outils actuels pour évaluer la sarcopénie en gériatrie sont soit imprécis, il s'agit par exemple de serrer la main pour estimer la force dans les muscles, soit coûteux avec le recours aux techniques d'imagerie », souligne Sofiane Boudaoud, responsable de la filière biomédicale de l'université des technologies de Compiègne. Le chercheur travaille sur le projet Chronos, monté en partenariat avec le Dr Kiyoka Kunigawa, neurogériatre à l'AP-HP. Ce projet concerne la caractérisation du système musculaire et la définition d'un âge fonctionnel du muscle, une étude à cheval entre biomécanique et physiologie. « Nous ne sommes pas tous égaux devant la sarcopénie, il existe des prédispositions génétiques », constate M. Boudaoud. « Face à ces risques, l'objectif est de proposer des actions correctives, par exemple sous formes d'activités physiques, pour retarder ce processus de vieillissement, voire le rendre réversible, notre système musculaire étant très adaptatif ». Pour apporter un diagnostic plus complet, plus précis mais aussi plus précoce, l'équipe de Sofiane Boudaoud développe un moyen de mesure de l'état musculaire par un réseau d'électrodes, par exemple posé sur le muscle de la cuisse dans le cas de l'exercice de lever de chaise, combiné à un accéléromètre. « Nous travaillons avec une électromyographie de 64 voies qui permet une vision précise de ce qui est fait au niveau musculaire lors d'un effort simple », détaille Sofiane Boudaoud. La technique utilisée est une électromyographie haute résolution innovante, appelée HD-sEMG et conçue par TMSi, entreprise partenaire du projet. Le potentiel mesuré varie en fonction de la capacité musculaire, mais aussi selon des facteurs comme le surpoids qui, en augmentant la couche de graisse sur le muscle, diminue l'intensité de la réponse musculaire enregistrée par l'appareil. Un logiciel associe ce potentiel mesuré aux données issues de l'accéléromètre pour évaluer l'âge musculaire du patient (ou âge fonctionnel) et indiquer ainsi s'il souffre d'une détérioration précoce ou, au contraire, si son âge fonctionnel est plus jeune que son état civil.
Des perspectives dans la prévention et la médecine sportive
VOS INDICES
source
205 +1.49
Février 2023
PVC
Base 100 en décembre 2014
156.7 -5.26
Février 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 20.1 − Produits chimiques de base, engrais, Produits azotés, plastiques, caoutchouc synthétique
Base 100 en 2015
99.3 +1.43
Février 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 21.20 − Préparations pharmaceutiques
Base 100 en 2015
Aujourd'hui, le projet Chronos s'accélère avec le lancement prochain d'une étude clinique, en partenariat avec l'AP-HP, qui prévoit de recruter une centaine de personnes, volontaires sains, répartis en cinq catégories d'âge. L'objectif est de récupérer assez de données de manière à développer et affiner le logiciel et l'estimation de l'âge musculaire. « Nous travaillons sur des tranches d'âge de 5 ans mais pourquoi ne pas imaginer une évaluation encore plus précise à l'avenir », observe Sofiane Boudaoud. Au-delà du diagnostic en gérontologie, l'outil ainsi peaufiné pourrait aussi trouver des débouchés dans la prévention en faisant prendre conscience de la nécessité de pratiquer une activité physique régulière. Sur ce sujet, Sofiane Boudaoud fait ce constat, aussi étonnant qu'alarmant : « Les 15-25 ans marchent moins que leurs aînés, les 55-65 ans ! ». Le temps consacré à l'activité physique est à la peine chez les plus jeunes, au détriment du temps passé devant les écrans. Pour développer cet équipement, le projet bénéficie par ailleurs de l'intérêt de partenaires issus du monde pharmaceutique, à l'image du groupe Abbott. « Ce laboratoire développe des compléments alimentaires et a besoin d'indicateurs précis pour évaluer l'impact de ses produits », précise Sofiane Boudaoud. L'appareil, dont le coût final est estimé à 5 000 euros, pourrait trouver sa place dans des services gériatriques et des EHPAD. Des débouchés dans la médecine sportive et l'évaluation du sportif de haut niveau sont également envisageables. De quoi peut être bientôt pouvoir comparer sa réponse musculaire lors d'un lever de chaise à celle d'Usain Bolt.
La sarcopénie : un phénomène à surveillerLa sarcopénie a été définie en 1989 par Irwin Rosenberg comme la perte involontaire de la masse musculaire survenant avec l'avancée en âge, provoquant une diminution de la force musculaire. Elle entraîne un risque accru de dysfonctionnement fonctionnel, de chutes et donc de dépendance de la personne âgée. Autant de raisons qui, avec le vieillissement de la population, ont contribué à en faire une problématique de santé publique. La sédentarité et une alimentation déséquilibrée sont clairement identifiées comme des facteurs de risque. Contrairement à une idée reçue, la sarcopénie n'est pas uniquement liée au poids et peut être masquée par une obésité.