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Plein emploi ou précarité ? Tandis qu’Angela Merkel vante son bilan économique des douze dernières années, son adversaire du SPD, Martin Schulz, fait campagne sur l’augmentation des inégalités. Plongée dans une Allemagne à deux vitesses.
Au 17ème siècle déjà, Tuttlingen, petite bourgade du Bade-Wurtemberg, était connue pour son travail des métaux. De générations en générations, l’activité a évolué et la ville est désormais surnommée la "capitale mondiale des instruments chirurgicaux". Et pour cause : avec ses 34 000 habitants, elle abrite 400 entreprises toutes spécialisées dans ce secteur et qui embauchent en tout 8 000 employés pour une part à l’export de 65 %. Chacune a pu se développer sur un positionnement de niche. C’est le cas de la société Karl Storz, spécialisée dans l’endoscopie. Dirigée par la fille du fondateur, elle reste une entreprise à 100 % familiale qui réalise 1,3 milliard d’euros de chiffre d'affaires. "La concentration d’entreprises à Tuttlingen favorise l’émulation dans l’innovation et la qualité, indique Eric Dourver, son directeur marketing Monde. Dès les années 60, la société s’est aussi lancée dans l’export, qui représente 80 % de notre activité dans 150 pays."
Des champions cachés comme celui-ci, il en existe environ 1 500 outre-Rhin. C’est sur cette Allemagne industrieuse, le fameux Mittelstand, qu’Angela Merkel, au pouvoir depuis douze ans, aime s’appuyer quand elle égrène son bilan en vue des élections fédérales qui se dérouleront dimanche 24 septembre. "Nous avons fait baisser le chômage et créé des emplois", répète-t-elle lors de ses meetings. Les chiffres lui donnent raison : en 2005, le pays comptait 4,9 millions de chômeurs, contre 2,5 millions aujourd’hui (soit un taux de chômage de 4,1 %). A elle seule, l’industrie emploie 5,5 millions de personnes, le plus haut niveau depuis 2005. Enfin, l’institut économique DIW a relevé ses prévisions de croissance pour 2017 à 1,9 %.
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Pression sur les chômeurs
Pourtant, malgré ce contexte favorable, le candidat des sociaux-démocrates a choisi de faire campagne sur la justice sociale. "Pour beaucoup de nos concitoyens, la situation reste injuste", martèle Martin Schulz, le leader du SPD. L’Institut pour la macro-économie et la conjoncture (IMK) estime que 9,6 % des Allemands en âge de travailler (15-64 ans) sont menacés de pauvreté car ils gagnent moins de 60 % du salaire médian, soit 942 euros. Ce chiffre a doublé en dix ans. Tous âges confondus, le taux de pauvreté s’élève à 15,7 %. "La relation entre la croissance de l’emploi et la pauvreté est complexe, note les économistes de l’IMK. Le plein emploi est en partie couvert par l’augmentation des temps partiels et des bas salaires. Par ailleurs, la pression exercée sur les chômeurs les pousse à accepter n’importe quel travail."
Selon Destatis – l’équivalent de l’Insee – , si les contrats en CDI et à temps plein progressent (ils représentent 69,2 % du marché du travail), la part du travail précaire ne baisse pas. Un actif sur cinq, soit 7 millions de personnes, conserve un emploi dit atypique, de moins de 20 heures par semaine ou en mini-job, pour 450 euros mensuels sans protection sociale. "Le nombre de personnes qui vivent avec un seul mini-job a cependant diminué depuis l’introduction du salaire minimum", tempère Karl Brenke, économiste au DIW.
Réfugiés et non-qualifiés
Alors, entre plein emploi et précarité, comment va l’Allemagne ? "La réalité se situe un peu au milieu, analyse Karl Brenke. L’emploi s’améliore, mais la baisse du taux de chômage ralentit, car une partie de la population reste exclue. Il s’agit surtout des réfugiés et des personnes non qualifiées." De fait, l’économiste juge irréalisable la promesse d’Angela Merkel d’atteindre le plein emploi d’ici à 2025. "Il sera possible de passer sous la barre des 4 %, assure-t-il, mais pas sous les 3 %." Un avis partagé par un directeur de Jobcenter à Berlin. "Quand ils perdent leur place, certains de nos allocataires non diplômés ne retrouvent jamais d’emploi normal", s’insurge-t-il. Cette catégorie sociale a donc été le plus durement touchée par les réformes Hartz, qui ont entraîné une aggravation des inégalités. De plus en plus de voix s’élèvent pour les corriger. D’autant qu’une étude récente minimise leur rôle dans le miracle allemand. Pour l’auteur de l’étude "le mythe Hartz", Christian Odendahl, le pays aurait surtout bénéficié d’un "bon timing" à partir de 2004, combinant le décollage de la demande des pays émergents et une forte modération salariale grâce aux travailleurs d’ex-Allemagne de l’Est et des pays limitrophes.
Tous ces facteurs expliquent que "la campagne du SPD ne convainc pas, assure Oskar Niedermayer, politologue à l’Université libre de Berlin. Dans les enquêtes d’opinion, la majorité des Allemands nous disent qu’ils vont bien. Seuls 5 ou 6 % avouent que leur situation est difficile." Mais ces laissés-pour-compte ne constituent pas l’électorat classique, ni de la CDU qu’ils accusent de les avoir oubliés, ni du SPD responsable de l’« Agenda 2010 ». Ils risquent donc de se tourner vers l’extrême-droite. Déjà assurée de dépasser la barre des 5 % pour entrer au Bundestag, l’Alternative pour l’Allemagne pourrait ainsi atteindre 10 % des suffrages.
Allemagne, terre de contraste
A Berlin, Gwénaëlle Deboutte
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