Edito : La chimie au coeur de la stratégie de Shell
A la fois énergéticien et pétrochimiste, le groupe néerlandais Shell envisage d’investir entre 3 et 4 milliards de dollars, chaque année, sur la prochaine décennie, pour consolider et développer ses activités dans le domaine de la chimie. Cette somme, déjà coquette, s’inscrit dans une enveloppe encore plus large de 30 milliards de dollars pour l’ensemble du groupe, selon des chiffres dévoilés, le 4 juin, par Ben van Beurden, p-dg de Shell, à l’occasion d’une journée consacrée aux analystes financiers.
Le patron a confirmé le caractère stratégique de la chimie, même s’il la perçoit désormais dans un grand ensemble également constitué de ses activités dans le gaz et le raffinage. Ce bloc rebaptisé « leading transition » regroupe en fait tous les business en première ligne pour contribuer à la transition énergétique et la diminution de l’empreinte carbone de Shell. Par exemple, dans le portefeuille de la chimie, on va trouver des alphaoléfines qui permettent de produire des détergents utilisables à basse température. Le polyéthylène a des applications dans le transport pour alléger les véhicules. Le styrène et les polyols entrent dans la fabrication d’isolants pour réduire la consommation énergétique des bâtiments. Pour ce qui est de la problématique des déchets plastiques, John Abbott, aux commandes du raffinage et de la chimie, a réaffirmé l’engagement de son groupe dans le recyclage, en tant que membre fondateur de l’« Alliance to end plastic waste ». En revanche, il a estimé que, malgré une baisse de la demande de plastiques dans l’emballage et dans les applications à usage unique, et une augmentation du recyclage, la demande globale restera forte. Entre croissance de la population et augmentation du niveau de vie, la demande en produits chimiques et matières plastiques devrait d’ailleurs croître plus vite que le PIB.
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La réunion a été l’occasion de faire un point sur les projets les plus récents qui seront responsables de 75% de la croissance en 2025. A Geismar en Louisiane, Shell a bien démarré, en décembre, une 4e unité d’alphaoléfines, permettant l’ajout de 425000 t/an pour un montant de 700 M$, valorisant ainsi ses technologies propriétaires. Au passage, à Geismar, c’est maintenant une unité d’éthylène glycol pour un montant de 1,2 Mrd $ qui est à l’étude. En Pennsylvanie, le nouveau complexe pétrochimique en construction, illustre un autre volet de la stratégie de Shell qui consiste à profiter d’une matière première compétitive – ici un gaz de schiste à bas coût - pour alimenter un craqueur d’éthane qui fournira de l’éthylène à des unités en aval. A Nanhai, c’est l’attrait du marché chinois qui a été l’élément déclencheur dans la décision de doubler la capacité de vapocraquage sur un site commun avec CNOOC. La Chine, mais aussi l’Inde, l’Indonésie, le Mexique ou encore la Russie sont autant de marchés prioritaires pour les années futures.
Enfin, ce qu’il faut retenir de la stratégie de Shell, c’est que le groupe veut « apporter de la valeur et non plus du volume » et générer du cash flow, c’est-à-dire du flux de trésorerie, à haut niveau. En chimie, Shell se fixe 2 à 3 milliards de trésorerie disponible (free cash flow) et une rentabilité des capitaux de 15% (ROCE), à l’horizon 2025. Pour l’ensemble du groupe, l’objectif est fixé à 35 Mrds $ de free cash flow et plus de 12% de ROCE. C’est à cette condition que Shell pourra redistribuer jusqu’à 125 Mrds $ à ses actionnaires sur la période 2021-2025, soit deux fois plus qu’auparavant, et séduira à n’en point douter de nouveaux investisseurs.