Comment les entreprises françaises vivent le Brexit

Face au Brexit, le niveau d’inquiétude à court terme des entreprises françaises varie selon leurs expositions au marché britannique. Celles qui ont des implantations sur place tentent principalement pour l’instant de rassurer leurs salariés d'outre-Manche. Elles ont envoyé des messages internes sur le maintien de leurs activités. Celles qui commercent avec notre voisin tente d'imaginer l'impact de l'évolution des changes sur leurs activités. Mais aucune ne considère que l’événement soit anodin. A moyen terme, elles se préparent à une période d’instabilité. Certaines espèrent que la contagion ne va pas gagner le reste de l’Europe, d’autres imaginent une refondation autour d’un pôle continental franco-allemand plus soudé. Beaucoup, parmi celles que nous avons contactées ne se prononcent pas encore, conservant une certaine prudence. Témoignages.

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Comment les entreprises françaises vivent le Brexit

Jacques Aschenbroich - PDG de Valeo

"Notre exposition à la livre sterling est très limitée, car nous raisonnons au niveau européen, et non pas pays par pays. En ce qui concerne les conséquences du Brexit sur le marché automobile, il est encore trop tôt pour les évaluer, mais il faut rappeler que le marché européen est très porteur depuis le début de cette année."

Bruno Grandjean - Président de Redex et de la Fédération de la mécanique

"Pour Redex, le Royaume-Uni ne représente plus qu’un chiffre d’affaires modeste, entre 5 et 10 % de notre activité. Désormais nos clients pourraient réduire leurs investissements en Grande-Bretagne ou délocaliser vers le continent. Cela faisait plusieurs années que nous nous posions la question du maintien de notre implantation historique d’une dizaine de personnes à Coventry. Nous avons presque la réponse. Il faudra sans doute se redéployer vers des marchés plus porteurs et les fournir depuis la France. Les Britanniques n’étaient pas dans l’Euro donc les chaînes de valeur étaient un peu moins intégrées qu’avec l’Allemagne ou l’Italie. Le risque de contagion nous inquiète terriblement. Si on remet des barrières douanières avec tous nos voisins, tout le modèle économique de nos entreprises sera bouleversé."

Vincent Boulard - Porte-parole de Spirit France (Calvados Boulard, Père Magloire et Armagnac Janneau)

"Le Brexit va faire mal au marché des vins et spiritueux. La chute de la livre sterling va renchérir les produits français et limiter nos ventes outre-manche"

Jean-Louis Chaussade - PDG de Suez environnement

"Nous regrettons la sortie du pays de l’Union Européenne, l’institution étant motrice en matière de politique environnementale et de règlementations, notamment dans le recyclage et la valorisation des déchets. Le résultat du référendum n’aura pas d’impact sur nos activités, la gestion de l’eau et des déchets étant des activités locales et essentielles. Nous serons très attentifs dans les prochains mois à la position que prendra le futur gouvernement britannique en matière de protection de l’environnement."

Jacques Mulbert - Président d’ABB France

"Nous avons créé une cellule d’études des conséquences du Brexit pour nos filiales au Royaume-Uni."

Loïc Armand - Vice-président de L’Oréal en charges des affaires extérieures et président de la commission Europe du Medef

"Aujourd’hui, nous avons la gueule de bois. Car les entreprises européennes sont très engagées sur l’Europe. Dans notre secteur, la cosmétique, en 40 ans elles ont contribué à construire la règlementation la plus protectrice de l’environnement et du consommateur. Ce règlement est un outil de compétitivité pour accéder aux marchés émergents. Nos amis britanniques vont devoir s’habituer à suivre les normes européennes sans participer à leur construction. Nous voulons rappeler nos gouvernements à leur engagement de construire une Europe qui propose une valeur ajoutée collective à nos concitoyens en matière de sécurité aux frontières ou d’éducation en faveur de l’emploi des jeunes. Nous les entreprises, nous ne survivons que parce que nous nous adaptons, nous trouverons des solutions mais ce qui se passe ne nous fait pas plaisir."

Porte parole d’Airbus Group

"Nous respectons la décision prise par le peuple britannique, qui doit être vue comme une piqûre de rappel pour l'Europe et un catalyseur pour le changement. Nous travaillerons de manière constructive avec le gouvernement du Royaume-Uni afin de minimiser tout impact sur nos opérations. Même si nous sommes déçus, nous allons clairement continuer à soutenir nos effectifs et à exploiter nos installations au Royaume-Uni."

Albin Serviant - CEO d’Easyroommate et coordinateur de la French Tech à Londres

"L'environnement ne va pas être facile pour les entrepreneurs installés à Londres, qu'ils soient britanniques, français ou autres. Car l'instabilité entraine la frilosité et des comportements conservateurs. Des décisions d'investissement vont être retardées, les levées de fonds se feront moins rapidement… tout cela pourrait gripper la belle mécanique de soutien aux start-up qui plait tant ici, et ralentir la croissance. Mais l'écosystème est très compétitif et cela tire tout le monde vers le haut, Londres est et sera toujours le meilleur endroit pour se préparer à attaquer le marché américain. On ne vient pas au Royaume-Uni pour la sécurité..."

Patrice Caine - PDG de Thales

"Au Royaume-Uni le groupe a connu une année 2015 record en termes de prises de commandes et a renoué avec la croissance et la profitabilité. Nous restons déterminés à y poursuivre le développement de nos activités, en ligne avec notre vision stratégique partagée."

Jean-Noël Reynaud - PDG du groupe Marie Brizard Wine & Spirits

"La baisse de la livre est une bonne nouvelle pour nous. Nous achetons plus de Scotch whisky aux britanniques que nous leur vendons de vins et spiritueux."

Michaël Fribourg - PDG de Chargeurs (matériaux techniques plastiques et textiles)

" Peu d’impact immédiat pour Chargeurs. Le Royaume-Uni ne représente que 2,4 % de notre chiffre d’affaires et nous avons mis en place un placement privé obligataire de 57 millions d’euros à long terme en début d’année, pour nous protéger des mouvements sur les marchés financiers et financer notre développement. A moyen terme, le Brexit présente deux opportunités. La première est d’aider nos grands clients britanniques du textile, comme Burberry, ou de l’industrie du plastique à accélérer leur internationalisation. Ils vont chercher à se redonner du muscle, or nous avons un savoir-faire important de services d’accompagnement à l’international. Par ailleurs, le Brexit va donner l’occasion à l’Europe de revoir son projet économique pour renforcer une croissance potentielle aujourd’hui faible par rapport à d’autres grandes zones où nous sommes implantés, comme l’Asie Pacifique, l’Amérique du nord… Les grands groupes industriels comme le nôtre ont besoin que leurs bases européennes soient fortes."

David Simonnet - PDG de Axyntis

"Dans notre activité industrielle de la chimie fine, c’est le couple franco-allemand qui est clé. L’Allemagne est notre premier marché européen avec la France. Nous avons peu de clients anglais. Pour moi, l’impact indirect du Brexit serait plutôt une perspective favorable pour renforcer le lien franco-allemand et les enjeux industriels. Dans l’industrie, nous avons besoin de clarté, or l’adhésion à géométrie variable du Royaume-Uni - qui disposait de beaucoup d’exceptions par rapport aux politiques européennes - affaiblissait l’industrie européenne, et laissait entendre que tous les adhérents pouvaient faire de même… Ce départ doit permettre de repenser sans doute ce qu’est l’Union Européenne et peut être redonner de la vigueur aux Etats européens d’origine."

Luc Themelin - Directeur Général de Mersen

"On ne connaît pas encore toutes les conséquences politico-économiques du Brexit. Mais pour Mersen, il n’y a pas d’impact. Nos activités au Royaume-Uni servent principalement le marché local, notre chiffre d’affaires et nos coûts sont en livres sterling."

Propos recueillis par Solène Davesne, Olivier James, Fredéric Parisot, Gaëlle Fleitour, Manuel Moragues, Adrien Cahuzac, Hassan Meddah, Anne-Sophie Bellaiche, Charles Foucault

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