Comment l’équation économique d’Emmanuel Macron articule offre et demande
Le cadrage budgétaire du programme d’En Marche présenté dans la matinée ce vendredi 24 février, s’appuie sur deux piliers: un plan d’économies sur les dépenses de fonctionnement, un plan d’investissements répartis équitablement entre les compétences, la transition écologique et un dernier volet sur les transports, la santé et la modernisation des administrations publiques. La baisse des prélèvements obligatoires profitera pour moitié entre les ménages et les entreprises.
Au QG d’Emmanuel Macron ce matin, toute l’équipe des économistes associés à En Marche (dont Philippe Aghion, Philipe Martin, Anne Perrot …) était sur le pont pour détailler le cadrage budgétaire du projet présenté la veille par son candidat. Un exercice parfois d’équilibriste puisque le programme dans sa globalité ne sera présenté que le 2 mars. Mais les grands équilibres ont été tranchés, la méthode qui vise à une responsabilisation des acteurs fixée et ne restera "que" les détails de l’exécution. Qui reste au cœur de l’exercice du pouvoir.
C’est principalement Jean-Pisany-Ferry, également économiste, ancien patron de France Stratégie et responsable du programme qui a fait l’explication de texte de la stratégie économique et budgétaire. Le mouvement qui défend une vision pragmatique "ni droite, ni gauche", ne veut pas opposer non plus la politique de l’offre et celle de la demande, le court terme au long terme. Le cadrage s’appuie sur un programme d’économies de 60 milliards d'euros et un programme "d’investissements" de 50 milliards d'euros sur toute la durée du quinquennat.
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Une trajectoire budgétaire maîtrisée
Le premier souci d’Emmanuel Macron: ne pas laisser déraper le déficit public et se conformer aux engagements européens. C’est, selon lui, la condition pour envisager une coopération économique plus forte en Europe en particulier avec l’Allemagne. Sa prévision est de 2,9 % de déficit pour 2017. Et il envisage de baisser de trois points la dépense publique sur PIB sur le quinquennat pour la ramener à la moyenne européenne.
Côté économies, 25 milliards d'euros en ciblant les dépenses sociales avec une baisse du coût du chômage et de l’assurance maladie. La réforme des retraites envisagée n’aurait, elle, pas d’impact budgétaire. L’Etat devra, quant à lui, réduire ses frais de fonctionnement de 25 milliards d'euros et les collectivités territoriales de 10 milliards d'euros.
Côté investissements, il s’agit d’injecter 50 milliards d'euros sur la durée du quinquennat "en profitant de la fenêtre de tirs des taux bas"." La France manque d’investissements, a déclaré Jean Pisani-Ferry, il ne s’agit pas d’investir dans des bâtiments ou des machines, même si cela compte, mais aussi dans les compétences, dans la transition écologique, dans l’organisation de la sphère publique."
Ainsi 15 milliards d'euros iront dans la transition écologique, 15 milliards d'euros dans les compétences, et 5 milliards d'euros respectivement dans l’agriculture, la santé, la modernisation des administrations publiques. Sur les 50 milliards d'euros d’investissements, 10 milliards d'euros seront injectés dans les collectivités locales. Le tout s’articule sur des projections de croissance du PIB plutôt conservatrices en moyenne annuelle de 1,7 % sur le quinquennat.
Un Etat modernisé plus sobre
Les principaux postes budgétaires étant les salaires des fonctionnaires, Emmanuel Macron estime que l’on peut réduire sur le quinquennat leur nombre de 50 000 dans la fonction publique d’Etat et 70 000 dans les collectivités territoriales. La fonction publique hospitalière étant épargnée.
Par ailleurs, Emmanuel Macron veut moderniser le statut de la fonction publique avec des mobilités facilitées, une rémunération au mérite, des recrutements hors statut pour l’encadrement et une gestion de la rémunération des fonctionnaires territoriaux laissée à la main des collectivités. Plus question de leur imposer une hausse du point d’indice. En ce qui concerne les dotations aux collectivités, le mouvement n’envisage pas de baisse autoritaire brutale mais la signature de "pactes" dans la durée pour éviter qu’elles ne sabrent dans leurs investissements. Le passage au numérique sera fortement incité et l’adoption des bonnes pratiques encouragée. Tous les 6 mois une "conférence nationale des territoires" sera réunie autour du Premier ministre pour évaluer les résultats en matière d’économie, de simplification des normes et des mesures d’accompagnement.
Une protection sociale renouvelée
La principale révolution est celle de l’indemnisation du chômage qui serait universalisée, quel que soit le statut et accessible aux démissionnaires tous les cinq ans et piloté par l’Etat. Exit le paritarisme ! En revanche le projet est, en étendant des droits à tous, de renforcer la dimension cœrcitive du système. Si les durées d’indemnisation ne seraient pas modifiées, l’obligation d’accepter une offre d’emploi décente interviendrait dès la deuxième proposition. Après un bilan de compétences pour évaluer l’employabilité de la personne. Car la meilleure des protections sociales pour Emmanuel Macron, c’est l’emploi. Les 15 milliards d’investissements sur les compétences seront donc ciblés sur un million de jeunes non qualifiés et un million de chômeurs de longue durée. Le tout serait engagé dans le cadre d’une grande réforme de la formation qui sera annoncée le 2 mars.
Les pistes pour réduire le coût de l’assurance-chômage au-delà d’un meilleur retour à l’emploi concerne une meilleure gestion des alternances contrats courts/chômage et le report du seuil de 50 ans qui ouvre droit à 3 ans d’indemnisation.
Plus de pouvoir d’achat aux classes moyennes et populaires
Emmanuel Macron avait déjà formulé sa volonté de supprimer les cotisations salariales chômage et famille (financée par une hausse de la CSG) sur tous les salaires et une hausse de 50 % de la prime d’activité. Il a annoncé ce matin sur RMC vouloir exonérer de taxe habitation 80 % des contribuables qui la payent. "C’est un impôt injuste qui frappe durement la France périphérique", a-t-il déclaré au micro de Jean-Jacques Bourdin. Le principe est de la supprimer pour les 8 premiers déciles des ménages. Seuls 20 % des foyers les plus riches continueraient à s’acquitter de cette taxe qui représente 10 milliards d'euros de recettes. Elle sera intégralement payée par l’Etat aux collectivités locales dont elle constitue le gros des revenus et serait compensée au fil du quinquennat par les économies réalisées par ces dernières.
Par ailleurs, pour les épargnants, la fiscalité du capital (intérêts, loyers, dividendes, plus-values) sera revue pour mettre en œuvre un prélèvement forfaitaire unique au taux de l’ordre de 30 %, prélèvements sociaux inclus. La fiscalité de l’assurance-vie sera revue pour les futurs contrats afin de réorienter l’épargne sur l’économie productive.
Compétitivité des entreprises
La baisse des prélèvements obligatoires, de l’ordre de 20 milliards d'euros d’ici à 2022 sera répartie à égalité entre les ménages et les entreprises. Au-delà de la transformation du CICE en allègements de charges pérennes jusqu’à 2,5 fois le Smic, Emmanuel Macron prévoit de supprimer les dernières charges patronales qui pesaient au niveau du Smic, en lissant jusqu’à 1,6 fois le Smic. Par ailleurs le taux d’impôt sur les sociétés de 33,3 % actuellement sera progressivement ramené à 25 %. Pour se situer dans la moyenne européenne. L’équipe promet en revanche une "tolérance zéro sur l’évasion fiscale".
Le cadre étant fixé, ne reste plus qu'à remplir les leviers pour accomplir toutes ces transformations. C'est prévu pour la semaine prochaine.
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