[Chronique de Davos] Le moral et la moralisation

Où il ne suffit pas d’écouter le prince William et Sir Attenborough parler des espèces menacées pour se donner bonne conscience... De notre envoyée spéciale Christine Kerdellant, au World Economic Forum 2019 de Davos (Suisse).

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[Chronique de Davos] Le moral et la moralisation
Le World Economic Forum 2019 de Davos (Suisse), vu par notre envoyée spéciale Christine Kerdellant

A Davos, depuis la crise de 2008, les économistes et les chefs d’Etat clament que le capitalisme doit se moraliser. Et l’élite est censée ne venir désormais au forum que pour s’occuper du bien commun. Est-ce pour de bon cette fois ? Si le moral des patrons est en baisse selon l’étude annuelle PwC - 42% se déclarent optimistes sur la croissance mondiale contre 57% l’an dernier, mais ils sont surtout 29 % à se déclarer pessimistes, soit six fois plus qu’en 2018 -, c’est en tout cas la moralisation voire la remoralisation, selon l’expression du fondateur du forum Klaus Schwabe, qui imprègne toutes les attitudes et tous les discours.

Davos est-il toujours un concentré de dollars, de savoir et de pouvoir ?

On pourrait le croire en écoutant Jair Bolsonaro promettre aux investisseurs qu’il va propulser le Brésil dans le Top 50 de leurs pays préférés. Mais la salle était clairsemée pendant son discours. L’intervenant le plus écouté de la première journée fut Mohammed Hassan Mohamud, un réfugié du camp de Kakuma, au nord-ouest du Kenya. Nous avons tort, dit-il, de croire qu’on ne fait que passer dans un camp. Sa mère, réfugiée du Soudan, y a vécu quarante ans avant d’y mourir ! Il aimerait que ses voisins de tente puissent rêver d’un autre destin. Et lance tout crument : "Pourquoi ne voulez-vous pas de nous ?" Dans la salle, les « global leaders » baissent la tête. Il ne suffit pas de venir à Davos écouter le prince William et Sir David Attenborough parler des espèces menacées pour se donner bonne conscience.

Les GAFAM sont prêts à dépasser le « socialwashing ».

Le patron de Microsoft, Satya Nadella, a débattu face à six ONG et annoncé qu’il ferait davantage pour ses salariés. Mais l’image des GAFAM se dégrade si vite depuis un an qu’ils vont devoir aller au-delà du « socialwashing » habituel. A défaut de payer leurs impôts dans les pays où ils gagnent de l’argent, les géants de la tech vont devoir le dépenser dans les pays qui en ont besoin.

La Guerre froide technologique sera-t-elle morale ?

La guerre froide entre la Russie et les Etats-Unis est déjà loin, voici venir la « Techno Cold War » entre Pékin et Washington. Frederic Kempe, CEO de l’Atlantic Council, raconte qu’elle a commencé le jour où l’IA de Google, Alpha Go, a battu le meilleur joueur chinois. Depuis, les Chinois investissent plus que les Américains sur la recherche en IA : ils les auront rattrapés dans cinq ans, affirme Kempe. Puisque l’Europe, dépassée, ne sera même pas l’arbitre de ce combat de titans – elle qui veut rendre l’IA éthique -, les deux leaders vont-ils coopérer ou se démolir mutuellement ?

Il reste du chemin à parcourir…

Pendant le Forum, les excès sont prohibés. Le lunch est végan : on grignote, debout, du chou en sauce et des bouchées de simili-viande dans de petits bocaux. On croque des pommes et on boit des jus de fruits frais. Personne n’arbore de tenues extravagantes, et pour cause : elles doivent être compatibles avec la paire de boots qu’il faudra remettre à la sortie pour marcher sur le verglas.

Le pasteur de Davos a loué l’église du village à la banque en ligne danoise Tradeshift pour un débat. Maintenant il s’interroge. Pas pour savoir si c’était moral, mais s’il aurait pu faire payer davantage ! Il n’y a que lui qui n’a pas senti le vent tourner.

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