[Avis d'expert] La transmission d'entreprise dans le monde d'après
La pandémie a aussi figé le marché de la transaction des PME. A la sortie, les règles du jeu vont changer, anticipe Roger Reynaud, le fondateur de Fargo. Les vendeurs vont devoir adapter leur comportement s'ils veulent réussir à céder leur affaire.
Figé. Gélifié. Le marché de la transaction des PME semble entré en hibernation. En 2020, le volume des transactions d’entreprise a chuté de plus de 30% par rapport à 2019 (1). Sur la même période, les nombre de défaillances de PME a, lui aussi, diminué d’un tiers (2). Manque de visibilité et effet direct des aides gouvernementales, le cycle de vie normal des entreprises se trouve comme suspendu.
Bientôt un marché d'acheteurs
D’ici à quelques mois, le « déblocage » risque de s’avérer rude : la fin des aides gouvernementales, même progressive, entraînera fatalement des défaillances en cascade et précipitera les décisions de cession. Le marché des transactions de PME redémarrera donc sous des conditions radicalement différentes : d’un marché de vendeurs avant la crise, il sera devenu globalement un marché d’acheteurs.
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D’autant plus que les acquéreurs se trouveront en position de force, puisque leurs moyens n’auront guère diminué pendant cette crise. Au premier semestre 2020, les fonds levés en France n’avaient baissé que de 7% vs 2019 (3). Ces fonds levés devraient être affectés, pour près de 70%, à du capital transmission. Résultat : d’ici à quelques mois, les acquéreurs se trouveront face à un vaste choix de PME, aux valorisations nettement moins élevées qu’au début 2020. Alors, comment un dirigeant de PME ou d’ETI peut-il affronter cette période, et céder son entreprise sans la brader ?
Des règles du jeu radicalement différentes
D’abord, en intégrant une nouvelle dimension temporelle : les délais d’acquisition vont s’allonger, car les acquéreurs se montreront plus prudents. Ils demanderont également des vendor due diligences (données mises à la disposition de l’acheteur par le vendeur) plus poussées et complètes, contrairement à ce qui se pratiquait fréquemment avant la crise. Dans ce nouveau contexte, le cédant doit donc absolument éviter de vendre dans l’urgence, et préparer sa cession longtemps à l’avance.
Mais surtout, il doit être en mesure de rassurer l’acquéreur sur son potentiel de création de valeur, dans un contexte de reprise encore incertain. En d’autres termes, il devra présenter un business plan particulièrement solide, vente ou pas vente, en matière de rationalisation des organisations, de performance opérationnelle, et de synergies potentielles pour une éventuelle entreprise intégratrice. Comment ? En démontrant clairement la solidité de ses actifs - capital humain, perspectives de développement- mais aussi de la vision qu’il porte pour le futur de son entreprise.
Nouvelles formes de partenariats
Car, dans ce nouveau contexte, il est probable que le cédant doive souvent s’engager aux côtés de l’acquéreur, qu’il continue à co-piloter l’entreprise avec lui après la vente. Les modalités de coopération (crédit vendeur, clause d’earn out) ne manquent pas, et sans doute de nouvelles formes de partenariat se développeront-elles dans le futur. L’objectif restera le même : rassurer les investisseurs et démontrer la pertinence de l’acquisition sur le long terme.
Finalement, c’est parce que ce marché reste aujourd’hui figé que le cédant doit agir. Pas pour chercher une hypothétique « fenêtre de tir » lui permettant de vendre, mais pour préparer lucidement le futur. Il s’agit, d’ici les prochains mois, et en fonction de sa trésorerie, d’optimiser l’ensemble de ses actifs, matériels et immatériels, de travailler sa performance opérationnelle. De se positionner en partenaire de son futur acquéreur, en réfléchissant aux synergies qu’il pourra développer avec lui. Pour ne pas subir les profondes transformations du marché, mais en devenir acteur. Et au passage, progresser en tant que chef d’entreprise.
Roger Reynaud, fondateur de Fargo, Transformation et Management Opérationnel
Les avis d'experts sont publiés sous l'entière responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle.
(1) Source In extenso Finance &Transmission décembre 2020
(2) Source Banque de France – Base Fiben novembre 2020
(3) Source Enquête France Invest/Grant Thornton octobre 2020.
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