[Avis d'expert] La crise vient rappeler la nécessité d’un écosystème économique solidaire

La crise du Covid-19 a révélé la fragilité de l'industrie française, relève Thibault Laumonier, président de DS Smith Packaging France. Le producteur d'emballages en carton recyclé, qui sert de nombreuses filières industrielles en France, appelle à travailler en partenariat au sein des chaînes de valeur, et propose quatre leviers pour sortir renforcés de cette épreuve.

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[Avis d'expert] La crise vient rappeler la nécessité d’un écosystème économique solidaire
Thibault Laumonier, président de DS Smith Packaging France, propose quatre leviers pour renforcer les filières industrielles et sortir plus résistants de la crise du Covid-19.

Nombreuses sont les entreprises à ne pas travailler suffisamment la solidité de leur écosystème, pour des approches budgétaires court-termes ; la logique de réduction de coûts et de pression à la baisse des prix prévalant sur la solidité de leur réseau de fournisseurs ou l’assurance de backups résilients. Cela doit changer, si nous ne voulons pas recréer les erreurs du passé, et sortir grandis de la crise.

Ce que nous retenons de la période de confinement

L’une des caractéristiques de l’industrie de l’emballage en carton ondulé est son aspect non délocalisable : au-delà de 300 km autour d’un site de production, la capacité de service et les coûts de transport deviennent trop importants. Notre activité est donc locale. Une seconde caractéristique de notre industrie réside dans le large panel de filières qu’elle sert : agro-alimentaires, marchés industriels, e-commerce, logistique ou encore minerais.

De fait, nous avons été témoins de l’évolution du noyau industriel français et de la structuration des filières. Lors de la crise, nous avons ainsi été en première ligne pour constater les impacts de ces évolutions. Notre conclusion est simple : un certain nombre des dysfonctionnements constatés au cours de ces derniers mois proviennent de stratégies industrielles trop court-termes, avec un niveau de risque mal estimé. Afin que les filières sortent de cette crise plus fortes, et qu’elles soient en mesure d’affronter la prochaine de façon plus sereine, elles doivent mettre en place un certain nombre de mesures. Nous en avons identifié quatre, portant sur « l’ancrage local », sur la notion de « partenariat », sur l’importance des « backup» et sur la « gestion des stocks de sécurité ».

1. Vers une nécessaire relocalisation pour une autonomie industrielle

Au cours de la crise, un certain nombre de nos clients - en particulier dans les marchés industriels - ont été obligés d’arrêter tout ou partie de leur production, du fait de l’absence de certains composants, fabriqués à l’étranger. Aucune source française n’avait été préservée, soit par capabilité – absence de fournisseurs en mesure d’accompagner le client - soit par enjeu économique. Ce phénomène constaté à grande échelle reflète la fragilité économique de la France, et sa dépendance à une économie industrielle mondialisée.

Pour réduire cette dépendance, chaque filière, chaque acteur a pour enjeu de revoir son réseau de fournisseurs : soit en ré-internalisant certains processus, soit en ayant recours à des fournisseurs locaux. Rappelons qu’un emploi industriel génère plus de deux emplois indirects. Avec 30 usines en France, dans des petites et moyennes communes, DS Smith peut apprécier au quotidien l’implication dans la vie économique et sociale des régions.

2. Vers un partenariat plus fort entre fournisseur et client et moins de transactionnel

Durant la crise, les entreprises à s’en être mieux sorties sont celles ayant construit – parfois même avant la crise - une relation de partenariat avec leurs fournisseurs. Comment ? Notamment par un partage en transparence de leur supply chain (processus, règles...) Côté fournisseur, cette transparence a permis d’assurer une meilleure connaissance des besoins et in fine davantage de proactivité. De même, certains clients ont souhaité, et sont parvenus avec succès à alléger leur processus de validation interne, afin de gagner en agilité.

Cette expérience nous a conforté dans notre conviction que chaque acteur peut et doit travailler une approche de partenariat avec son écosystème, dans un schéma « gagnant-gagnant ». Même si à court terme, une approche dite ‘transactionnelle’ semble servir l’entreprise, à moyen terme cette stratégie ne sert personne : méfiance, relation purement quantitative, rétention d’information, tels sont les travers d’une telle approche. Sachons sortir de ce modèle.

3. Vers un renforcement de l’assurance de backup

Un exemple concret illustre bien ce point : lors de la crise en Italie, l’usine d’un confrère a dû temporairement fermer ses portes. Cet acteur, de petite taille, ne disposait pas d’un maillage suffisant sur le territoire. Afin de limiter les ruptures de commandes, l’alternative a été un recours à de la sous-traitance auprès de confrères, tels que DS Smith.

A l’inverse, en France, nous avons connu un fort absentéisme sur nos sites de l’Est, engendrant une réduction temporaire de la production. Grâce à des processus de backups éprouvés et notre réseau d’usines, nous avons été en mesure de transférer un grand nombre de commandes sur d’autres sites, notamment dans l’Ouest. Je ne compte plus les lettres de remerciements de clients à ce sujet. La crise a révélé la nécessité de proposer des backups solides. Il est certain que nos clients et prospects intégreront davantage ce paramètre dans les actes d’achat, pour assurer leurs ventes de demain.

4. Vers un re-questionnement sur les stocks de sécurité chez les clients

Enfin, nous avons pu constater l’importance des stocks de sécurité en tant de crise : pour beaucoup d’entreprises, cela leur a permis de mieux la gérer. Certes, stocker a un prix. Certes, cela demande une analyse fine pour ne pas multiplier les coûts, ni impacter outre mesure le besoin en fonds de roulement (BFR). Mais là encore, le choix opéré entre un BFR optimisé aujourd’hui et l’assurance d’un chiffre d’affaires demain a permis à certains de surmonter la crise.

Voici quatre leviers à même de développer des filières mieux armées, plus fortes, et plus à même d’assurer une autonomie stratégique pour la France. Il semblerait que la crise ait redonné tout son sens au terme galvaudé "Glo-cal" : avoir des entreprises de taille suffisante pour accompagner le développement des filières, tout en assurant un ancrage local. Voilà en tous cas l’approche de DS Smith pour elle-même et pour son écosystème.

Thibault Laumonier, président de DS Smith Packaging France

Les avis d'expert et tribunes sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle

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