[Avis d'expert] Investissement et impact : l’innovation comme facteur de succès
Face à l’intensification des défis sociétaux, réglementaires et commerciaux, adopter une démarche de RSE est impératif, mais ne suffit plus. Nombre de dirigeants souhaitent engager leur entreprise dans une transformation, plaçant le développement durable au cœur de leurs activités. Pour devenir une entreprise à impact positif, une stratégie d’innovation forte, soutenue par une finance positive, estiment Fanny Letier et François Rivolier, cofondateurs de Geneo Capital Entrepreneur.
Impact, mission, taxonomie, SFDR (sustainable finance disclosure regulation)… Après la RSE et l’ESG, de nouveaux mots s’invitent dans le vocabulaire des dirigeants d’entreprise. Il faut dire que nous avons changé de paradigme. Nos sociétés ont atteint un tel niveau d’urgence face au réchauffement climatique et au creusement des inégalités sociales et territoriales que les approches classiques, fondées sur l’identification et la réduction des externalités négatives, quoique indispensables, ne peuvent plus suffire. Pour les entrepreneurs et leurs actionnaires, l’enjeu est désormais le suivant : comment inscrire la durabilité au cœur de l’entreprise, pour qu'elle devienne un véritable moteur de progrès écologique et sociétal ?
Une triple disruption est à l’œuvre
Tous les vecteurs du changement sont en marche : d’abord, les évolutions réglementaires applicables aux entreprises ou aux fonds d’investissement modifient les conditions d’exercice des activités et de coût, voire d’accès au financement. Ensuite, les attentes des collaborateurs qui « votent avec leurs pieds ». Enfin, la voix des clients, qui font face aux mêmes exigences et peuvent eux aussi modifier leur comportement d’achat brusquement.
Or, le client final est, au fond, toujours le citoyen « consom’acteur ». Même les entreprises BtoB sont aujourd’hui en BtoBtoC et doivent apporter des réponses à ces attentes sociétales pour pérenniser leur activité. La bonne nouvelle, c’est que l’impact et la durabilité relèvent surtout d’un sujet d’innovation au cœur de l’entreprise. Et c’est enthousiasmant !
L’innovation comme moteur du changement
S’engager dans une démarche d’impact est une initiative positive, qui apporte des réponses aux attentes des salariés, des clients et de la société. Et les réponses passent par la voie de l’innovation. Innovation produits, services, procédés, de distribution… les formes sont nombreuses pour continuer à exercer son métier, mais autrement.
Comme dans toute démarche d’innovation, l’essentiel est de générer un large portefeuille d’idées et de projets. Les salariés, les clients, les citoyens en regorgent. Chaque proposition passera inévitablement le tamis de la viabilité à moyen terme et du plan d’actions opérationnel pour le prioriser, l'exécuter et le financer. Une entreprise peut devoir reporter un projet sur la technologie hydrogène pour des raisons économiques et privilégier un projet de biocarburant, plus accessible dans un premier temps. Ce qui compte, c’est la gestion dynamique du portefeuille de projets.
Les conditions du succès : utilité d’entreprise, long terme et leadership
Les PME comme les ETI ne sont pas sur le marché pour faire des « coups ». Ce sont souvent des affaires familiales ou patrimoniales qui se projettent sur le long terme. Il ne s’agit donc pas d’inventer une autre entreprise ou de sortir un nouveau slogan, mais d’innover à partir de ce que l’on est et des forces dont on dispose. Et, finalement, de faire retour sur l’utilité d’entreprise.
Car c’est le principe même de l’entrepreneuriat que de satisfaire des besoins non assouvis. C’est en replaçant cette utilité au cœur de la stratégie et en y intégrant les nouvelles exigences sociétales que l’innovation atteindra son public. Le leadership de l’entrepreneur est essentiel pour clarifier cette vision.
Le timing est un élément important. Certains clients ne sont pas encore prêts à payer plus cher. Comme dans toute démarche d’innovation, il faut être prêt, avoir un temps d’avance, gérer le « time to market » et être agile pour pouvoir se positionner quand la demande bougera. Nul doute que sur ces enjeux sociétaux, l’accélération – volontaire ou sur la pression de la Bourse ou des ONG – est déjà en marche chez leurs clients BtoB. Le long terme est alors une valeur payante.
« Greenwashing », « impact washing »... Comment trier le bon grain de l’ivraie ? Le temps seul donnera la réponse. Bien sûr, il peut y avoir des « gains rapides » et il est important de les mettre en œuvre pour motiver les équipes. Mais les démarches d’innovation et de transformation en profondeur sont des investissements importants et prennent nécessairement du temps.
La finance positive doit accompagner l’ensemble des secteurs
Le droit européen a créé une grille de lecture pour mieux identifier le profil des fonds vis-à-vis de l’approche « impact ». Selon la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), nous retrouvons des fonds de type « article 6 », « article 8 » et « article 9 ». Les premiers font ce qu’ils ont toujours fait. Les fonds « article 9 » accompagnent des activités favorisant directement l’économie durable (énergies renouvelables, santé, éducation), à l’aune de la taxonomie verte et sociale, ce qui permet de les flécher vers ces secteurs.
Ceux de type « article 8 » continuent d’investir conformément à leur propre univers d’investissement et s’engagent à réduire ou à supprimer les effets négatifs des activités financées, selon des caractéristiques environnementales et sociales. Ils ont donc un rôle important à jouer pour la transformation de l’économie. À eux de donner du temps et des moyens pour financer les investissements dans l’innovation sociétale des PME et ETI. À eux d’incarner la finance positive.
Fanny Letier et François Rivolier, cofondateurs de Geneo Capital Entrepreneur
Les avis d'experts sont publiés sous l'entière responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle.
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