[Avis d'expert] Du datalab à l'usine IA... ou comment les entreprises comptent passer à l'IA à l'échelle

L'heure n'est plus aux preuves de concept d'intelligence artificielle. Pour rester compétitives, les entreprises doivent maintenant l'industrialiser. Des écueils existent alors que la pandémie a montré l'urgence de maîtriser cette technologie, estime Ghislain de Pierrefeu, associé au cabinet Wavestone.

 

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[Avis d'expert] Du datalab à l'usine IA... ou comment les entreprises comptent passer à l'IA à l'échelle
L'heure est à l'industrialisation du recours à l'intelligence artificielle.

Alors que la Commission européenne tente de réguler l’utilisation de l’intelligence artificielle, il ne fait nul doute que cette technologie s’avère cruciale pour l’économie de demain. Les entreprises les plus compétitives seront celles qui auront réussi à mettre l’IA et la data au cœur de leurs processus métiers… Rares sont celles qui y sont parvenues jusque-là, les nuages de fumée ayant trop souvent pris le pas sur une transformation profonde et méthodique des entreprises.

Aujourd’hui, la majorité des directions générales et des directions métiers ont identifié les cas d’usages de valorisation de la data pouvant servir leurs enjeux stratégiques et opérationnels. La plupart ont d’ailleurs déjà expérimenté une partie de ces cas d’usages.

Le problème, désormais, c’est le passage à l’échelle et l’intégration effective de ces data et ces modèles d’IA dans les processus cœurs, les gestes métiers et les systèmes d’information sous-jacents.

Passer d’une logique « laboratoire » à une logique « usine »

De plus en plus de grandes entreprises entreprennent la construction d’usines data-IA pour réconcilier besoins métiers, équipes de datascience, équipes BI et équipes informatiques… au service de l’industrialisation de bout en bout de projets métiers pour lesquels l’IA et la data deviennent des composantes clés.

Assez simplement, l’idée est ici est de passer d’une logique de « laboratoire » (les fameux data labs qui ont bien servi à incuber des compétences en datascience et à déclencher l’envie et l’engagement des métiers) à une logique d’« usine » avec des processus et des outils efficients et de bout en bout permettant de transformer des idées et des données en valeur métier tangible. Un chemin simple en apparence, mais non dénué d’écueils :

- des écueils technologiques pour construire les plates-formes de data-IA professionnelles (sécurité, engagements de qualité de service, résilience, robustesse, versioning, temps réel, gestion des algorithmes, gestion des données, collaboration…) ainsi que la « tuyauterie » (data-pipelines) nécessaires d’une part à la collecte des données depuis l’ensemble des sources (progiciels, IoT, applications mobiles…) et d’autre part à l’exposition des résultats des modèles vers les outils utilisateurs. Sur ce sujet, que l’on parte sur les suites clés en main des acteurs du cloud (Amazon, Microsoft, Google, OVH) ou sur des solutions hybrides mixant composants maison et logiciels du marché, les compétences sont rares et volatiles et peu d’entreprises sont parvenues à construire des équipes durablement robustes sur le sujet ;

- des écueils organisationnels et de gouvernance car le sujet est à la frontière entre plusieurs directions : les directions métiers utilisatrices potentielles et responsables des données, les directions data (data office ou autres), qui ont généralement investi sur des équipes de datascience et de data gouvernance, et les directions informatiques, généralement mises à l’écart en raison de leur « passif » (trop lentes, trop chères, pas suffisamment agiles et innovantes…), alors même que ce sont souvent les plus à même d’assumer cette nouvelle logique industrielle (qu’elles assument souvent déjà sur le sujet décisionnel très proche) ;

- des écueils de financement, ces plates-formes et équipes pouvant représenter des coûts élevés en Capex et Opex difficiles à rentabiliser tant que l’usine ne délivrera pas suffisamment et posant l’éternel problème du « pionnier payeur » (les logiques de financement de socles étant bien souvent attachées à des projets métiers, les premiers projets risquent de financer les suivants).

Covid-19, de l’« IA paillettes » à l’« IA transformante »

Malgré ces nombreux écueils, et sans doute aidé par le contexte sanitaire et l’accélération digitale qu’il a induit, le phénomène prend de l’ampleur et les usines data-IA se multiplient sous des formats propres à l’ADN et la gouvernance de chaque entreprise (centralisé, délocalisé ou hybride, mono ou multi-éditeurs, global ou verticalisé, compétences externalisées ou internalisées…).

La crise sanitaire a révélé, parfois dans la douleur, l’insuffisance des stratégies et gouvernances en matière de données, et surtout l’incapacité à rapidement passer à l’échelle des idées d’amélioration ou de réinvention de processus. C’est notamment le cas dans la supply chain, profondément chamboulée par la crise (pénurie sur les matières premières, click and collect et nouveaux modèles de distribution plus directs, nouveaux enjeux de souveraineté, de production plus locale et de traçabilité…), ceci déclenchant de nombreux projets d’usines data-IA pour la fonction supply chain. C’est aussi, bien sûr, le cas des fonctions marketing et commerciales, qui ont vu exploser la volonté ou l’obligation d’utilisation des canaux digitaux par les clients (progression de 13% de l'e-commerce en un an, selon une étude Kantar), mais n’ont pas toujours su y répondre avec un niveau de service et de personnalisation suffisant.

Une étude récente Twilio estime que la crise aura en moyenne fait gagner sept ans aux entreprises sur leur rythme de transformation digitale, mais avec des disparités très fortes entre celles qui avaient ou ont réellement investi dans des fondations technologiques solides (y inclus de type usine IA) et celles qui ont paré au plus urgent sans investir significativement. Enfin, les profonds changements induits par la crise dans les modes de travail et l’expérience collaborateur accélèrent fortement le besoin des fonctions RH de mieux maîtriser et valoriser la donnée dans les processus RH (fidélisation, nouveaux modes de management, absentéisme, gestion des mobilités et des carrières, formations…), ceci conduisant à l’émergence d’usines data-IA verticalisées pour les ressources humaines.

Ce mouvement est un signal fort : nous sortons enfin de l’ère de l’« IA paillettes » pour entrer dans celle de l’« IA transformante » !

Par Ghislain de Pierrefeu, associé au cabinet Wavestone

Les avis d'experts sont publiés sous l'entière responsabilité de leurs auteurs et n'engagent en rien la rédaction de L'Usine Nouvelle.

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