Attraction indienne
Investir en Inde ne date pas d'hier. Les chimistes internationaux engagent régulièrement des projets de croissance organique et externe dans le pays, depuis des années. Des opérations souvent ciblées et dotées de capitaux limités. Mais ces derniers mois, de très grands projets sont annoncés en Inde par des acteurs étrangers, et plus seulement par les géants locaux. L'été dernier, Abu Dhabi National Oil Company (Adnoc) et Saudi Aramco ont signé un accord-cadre pour se joindre au projet Ratnagiri Refinery et Petrochemicals, un gigantesque complexe intégré de raffinage et de pétrochimie qui nécessiterait des investissements de 44 milliards de dollars (CPH n°849). En décembre, ExxonMobil dévoilait étudier la construction d'un complexe pétrochimique en Inde, moyennant un investissement de 6 Mrds € (CPH n°866). Ces derniers jours, deux projets d'envergure ont aussi été annoncés, par BASF et Nayara Energy.
Le premier est le plus important. Le 17 janvier, le géant allemand a signé un protocole d'accord avec le groupe indien Adani pour un investissement de l'ordre de 2 Mrds € dans la chaîne de valeur des acryliques. Ce qui en ferait le plus grand pour BASF en Inde. Le projet porte sur un complexe comprenant des unités de déshydrogénation de propane, d'oxo C4 (butanols et 2-éthylhexanol), d'acide acrylique, d'acrylate de butyle et éventuellement d'autres dérivés. Le complexe serait bâti dans le port de Mundra, dans l'état du Gujarat. BASF et Adani mènent actuellement une étude de faisabilité dont les conclusions seront finalisées en fin d'année. Les deux partenaires constitueraient une coentreprise majoritairement détenue par le groupe allemand. Ce complexe viserait essentiellement le marché indien, dans les secteurs de la construction, de l'automobile et des revêtements et permettrait au pays de réduire ses importations, notamment pétrochimiques. Le second projet, annoncé le 21 janvier, émane de Nayara Energy. Anciennement Essar Oil, ce raffineur indien a été acquis en 2017 par le Russe Rosneft, qui détient 49,13 % du capital aujourd'hui, et un consortium composé de Trafigura (négoce et logistique de matières premières) et du fonds russe UCP Investment. Nayara songe à se diversifier en pétrochimie et envisage un investissement de 850 M$ pour ajouter à sa raffinerie de Vadinar (Gujarat) des unités d'une capacité combinée de 450 000 t/an de polypropylène. L'évaluation économique devrait être finalisée au cours de l'année, et la mise en service est envisagée en 2022.
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Un autre grand projet étranger a connu un rebondissement la semaine dernière. Selon le Taipei Times, le raffineur taïwanais CPC a annoncé, le 20 janvier, abandonner un projet de complexe pétrochimique, toujours dans le Gujarat, mené avec l'Indien Adani. Mais les coûts d'investissement, estimés récemment à près de 13 Mrds $, auraient été jugés bien trop importants par CPC. Lequel chercherait désormais un autre emplacement et un autre partenaire local pour ce complexe.
Ces trois dossiers ne sont pas liés, à part peut-être par le programme « Make in India ». Lancé en 2014 par le gouvernement indien, ce programme est destiné à redynamiser et attirer en masse les investissements étrangers dans le pays, à travers 25 secteurs industriels. Comme la chimie. Actuellement, le pays représente le sixième marché mondial de l'industrie chimique. Selon le Cefic, les ventes indiennes ont atteint 101 Mrds € en 2017, juste derrière la Corée du Sud (122 Mrds €) et le Japon (154 Mrds €) mais très loin du leader chinois (1 293 Mrds €). D'après le gouvernement indien, les exportations chimiques du pays ont atteint 29 Mrds $ en 2017. Mais il vise 200 Mrds $ dès 2020 ! Des ambitions très fortes qui nécessiteront d'attirer de très grands projets.