Après l'échec du projet Renault-FCA, l'interventionnisme de l'Etat en question

Restructuration de GE-Alstom, échec de la fusion Alstom-Siemens, rapprochement en cours des Chantiers de l'Atlantique avec l'italien Fincantieri... Le retrait par Fiat-Chrysler de son offre de fusion avec Renault illustre une nouvelle fois les limites de la politique d'intervention de l'Etat dans l'industrie, et ses difficultés à concilier des impératifs politiques et l'intérêt des acteurs du secteur.

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Après l'échec du projet Renault-FCA, l'interventionnisme de l'Etat en question
Le retrait par Fiat Chrysler de son offre illustre une nouvelle fois les limites de la politique d'intervention de l'Etat français /Photo prise le 19 mai 2019/REUTERS/Mohamed Abd El Ghany

Mercredi 5 juin, le constructeur automobile italo-américain Fiat-Chrysle a invoqué des conditions politiques qui n'étaient pas réunies en France pour justifier l'abandon de son projet de rapprochement avec Renault, dont l'Etat est le premier actionnaire à hauteur de 15%.

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Le gouvernement assure que cet échec est dû à l'absence de soutien explicite de Nissan, le partenaire japonais de Renault, qu'il juge "indispensable" au moment où l'alliance entre les deux constructeurs, fragilisée, doit être selon lui consolidée. "Cela n'a rien à voir avec la participation de l'Etat français, cela n'a rien à voir avec une intervention politique", déclare-t-on au ministère de l'Economie.

IMPASSE STRATÉGIQUE

L'économiste Elie Cohen estime néanmoins qu'une fois de plus, l'Etat français, même avec à sa tête un ancien banquier d'affaires, n'a pu résoudre la quadrature du cercle, à savoir concilier le souci de protection des emplois et la logique des économies et des synergies à l'oeuvre dans les fusions industrielles. "Où est la politique industrielle de l'Etat, où est l'Etat stratège dans la manière dont ont été conduites les négociations avec Fiat aujourd'hui, avec Nissan hier et avec Volvo en 1993", s'interroge Elie Cohen en rappelant d'anciens épisodes similaires dans l'histoire de Renault.

"On peut dire que l'Etat se pose des tas de questions sur l'emploi, sur l'activité sur le territoire, éventuellement sur le traitement de l'actionnaire public. Mais s'il y a une préoccupation toujours absente, c'est la stratégie industrielle, c'est le projet industriel, c'est la politique industrielle", ajoute-t-il. "La décision qui vient d'être prise par le gouvernement français laisse Renault confronté à son impasse stratégique puisque si Renault s'est engagé dans cette négociation avec Fiat, c'est à cause des difficultés qu'il avait avec Nissan".

Le mauvais timing avec la restructuration de GE en France

Le secteur automobile a toujours été très sensible pour le pouvoir en France. De plus, l'offre de FCA sur Renault est venue à un mauvais moment, juste après l'annonce de la suppression d'un millier d'emplois par General Electric en France. Il y a cinq ans, le conglomérat américain avait été autorisé à racheter la division énergie du champion français Alstom avec des engagements de créations de postes qu'il n'a jamais été en mesure de tenir du fait d'une chute de l'activité sur le marché des turbines à gaz.

A l'inverse, le soutien actif du gouvernement français au projet de création d'un champion européen dans les équipements ferroviaires, avec une fusion entre Alstom et Siemens, n'a pas suffi pour surmonter cette année l'hostilité des services de la concurrence de Bruxelles, qui y ont mis leur veto. Ceux-ci auront aussi leur mot à dire dans une autre opération guidée par la puissance publique française, le rapprochement des Chantiers de l'Atlantique avec l'italien Fincantieri.

AFFAIBLISSEMENT PROGRAMMÉ

Se tenir à l'écart d'opérations industrielles transfrontalières n'exonère pas l'Etat français de critiques quand celles-ci tournent mal pour des intérêts nationaux comme l'ont montré plusieurs exemples récents de "fusions entre égaux" : Essilor avec l'italien Luxxotica dans les verres ophtalmiques, le rachat de Lafarge par le suisse Holcim dans le ciment ou le rapprochement Technip-FMC dans les services parapétroliers.

Dans le cas de Renault, la question de l'absence de l'Etat dans les discussions ne s'est jamais posée en raison de sa présence au capital du constructeur français.

Mais pour Elie Cohen, son interventionnisme pourrait au bout du compte avoir l'effet contraire de l'objectif recherché. "Plus les acteurs industriels sont affaiblis, plus les considérations politiques de court terme polluent les stratégies industrielles, plus les regroupements nécessaires sont différés et plus l'affaiblissement de l'industrie européenne est programmé", estime-t-il.

Le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a laissé clairement entendre que l'Etat continuerait de s'impliquer. "Nous restons ouverts à toute perspective de consolidation industrielle, a-t-il dit jeudi au Sénat lors de la séance des questions au gouvernement, mais dans la sérénité, sans précipitation, pour garantir les intérêts industriels de Renault et les intérêts industriels de la nation française."

avec Reuters

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