Angela Merkel réélue, mais avec quelle coalition ?
Avec 33% des voix, la CDU/CSU est arrivée en tête des législatives allemandes. Angela Merkel dirigera donc le prochain gouvernement. Mais pour obtenir une majorité, elle va devoir négocier avec les libéraux et les Verts dont les idées sur l’Allemagne et l’Europe sont à l’opposé.
Comme annoncé, le parti d’Angela Merkel a remporté les législatives allemandes, totalisant selon les dernières estimations 33,1 % des voix. Le pari est donc réussi pour Angela Merkel, qui se voit confier un quatrième mandat à la tête du pays. Pourtant, au siège des chrétiens-démocrates à Berlin dimanche, l’heure n’était pas à la fête. La soirée électorale a en effet réservé un bon nombre de coups de tonnerre. A commencer par la lourde sanction infligée par les électeurs à la coalition sortante. Ainsi, l’Union (CDU/CSU) a perdu 8 points par rapport à son score de 2013 (41,5 %). De son côté, la déroute du SPD, son partenaire de coalition, continue. Avec 20,8 % des voix, en baisse de 5 points, les sociaux-démocrates ont réalisé leur pire score depuis 1933.
A l’inverse, l’Alternative pour l’Allemagne réalise une percée historique. Avec 13,2 % des voix, l’extrême-droite pourrait obtenir entre 86 et 89 sièges au Bundestag. Une première depuis la Seconde guerre mondiale. Profitant du mécontentement d’une partie des Allemands sur la politique économique et migratoire d'Angela Merkel, le parti est parvenu à siphonner un million de votants traditionnels de la CDU et 450 000 issus du SPD. Le phénomène est particulièrement vrai dans l’ex-Allemagne de l’Est, où il réalise 22,9 % des suffrages. "Nous devons reconquérir les électeurs de l’AfD", a immédiatement réagi la chancelière devant les militants et la presse. Prenant la mesure du séisme, Martin Schulz, le candidat du SPD, a de son côté annoncé que son parti ne participerait pas aux négociations de la prochaine coalition, afin de ne pas laisser à l’AfD la place de premier parti d’opposition.
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Difficiles négociations de la CDU/CSU avec les libéraux et les Verts
Dans une telle perspective, pour obtenir une majorité au Parlement, Merkel n’aura donc d’autre choix que d’ouvrir les discussions avec les libéraux et les Verts, qui ont respectivement obtenu 10,5 % et 9,1 % des voix. Mais cet attelage, nommé coalition Jamaïque en raison de ses couleurs noir-vert-jaune, risque d’être très difficile à manœuvrer. "Au niveau des Länder, de telles constellations existent", explique Ulrike Franke, spécialiste du franco-allemand à l’European Council on Foreign Relations à Berlin. Le Schleswig-Holstein est ainsi actuellement dirigé par une coalition jamaïcaine, le Land industriel et automobile du Bade-Wurtemberg possède un gouvernement CDU-Verts.
"Mais ce qui fonctionne au niveau régional ne fonctionne pas forcément au niveau national, car les prérogatives ne sont pas les mêmes", poursuit l’experte. Ainsi, les deux partis ont des positions radicalement différentes sur un grand nombre de thèmes, allant de la politique fiscale à la politique migratoire en passant par l’instauration de quotas de femmes dans les conseils d’administrations ou les objectifs climatiques de 2050. C’est aussi le cas sur l’Energiewende. Alors que les Verts veulent donner la priorité aux énergies renouvelables sur le réseau en maintenant leurs tarifs garantis d’achat, le FDP souhaite l’abrogation des subventions pour permettre au marché de s’auto-réguler par l’offre et la demande. Autant de points de vue difficiles à concilier.
Angela Merkel veut former un gouvernement avant Noël
"Il est important que l’Allemagne ait un gouvernement stable, a déclaré Winfried Kretschmann (Verts), le ministre président du Bade-Wurtemberg. C’est pourquoi notre parti se tient prêt pour les négociations, même si personne ne peut dire à l’heure actuelle si elles aboutiront". Malgré ces difficultés, Angela Merkel espère cependant réussir à constituer un gouvernement avant Noël. Thomas de Maiziere, le ministre de l’Intérieur CDU, a également appelé le SPD à "repenser à sa décision".
A l’échelle européenne, l’arrivée des libéraux au gouvernement n’arrange pas non plus les affaires d’Emmanuel Macron et ses projets d’unité européenne. En effet, s’il est un admirateur du président français, le chef du FDP Christian Lindner ne soutient pas ses idées. Partisan d’une ligne dure, ce dernier plaide pour une sortie de la Grèce de la zone euro, pour une application stricte du pacte de stabilité et s’oppose à toute union de transfert. "La question la plus délicate est d'établir un programme sur l'avenir de l'Europe, a ainsi déclaré Christian Lindner, qui brigue le poste de ministre des finances dans la nouvelle coalition. Je crains que Mme Merkel ait déjà approuvé de nouveaux mécanismes de financement avec Macron. Or tout ce qui va dans la direction d'un transfert financier au niveau européen, que ce soit un budget de la zone euro ou une union bancaire, est une ligne rouge pour nous". Les délicates négociations sur une réforme de l’Union européenne pourraient en conséquence être repoussées.
A Berlin, Gwénaëlle Deboutte
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