A la CGT, pour réindustrialiser, les idées les plus fertiles viennent du terrain
La CGT a réuni à Paris ses militants des fédérations industrielles et présenté ses idées pour une "reconquête industrielle", qualifiée d’urgente par l’organisation syndicale.
Tout est rouge. Les lumières qui entourent les intervenants sur scène, les larges cordons où sont accrochés les badges, les stylos et carnets offerts aux militants pour qu’ils prennent des notes… La CGT prépare ses troupes en vue du "Printemps de l’industrie", journée de mobilisation nationale prévue le 21 mars. Mercredi 22 février, des militants issus d’entreprises ou de fédérations industrielles sont venus de toute la France pour participer à des assises nationales de l’industrie baptisées "En route pour l’industrie !". Y sont associés les adhérents CGT des services publics, parce qu'il n'y a "pas d’industries sans services publics et pas de services publics sans industrie", clame un des slogans du jour.
Les propositions industrielles venues du terrain
Ce sont eux, les militants de terrain, qui animent la rencontre. Dans le grand amphithéâtre de la cité des sciences et de l’industrie, à Paris, ils se succèdent aux micros disséminés en plusieurs endroits. Ont chacun trois minutes chrono pour décrire leurs actions. Donner des idées aux autres. Montrer qu’ils sont force de proposition. Les exemples s’enchaînent. La plupart exposent des cas de "convergence des luttes", entre public et privé, entre industrie et transport, entre salariés et chercheurs.
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Une militante du bassin grenoblois raconte comment le combat contre des menaces pesant sur la branche radiologie de Thales à Moirans (Isère) a débouché, suite à des réflexions menées avec des chercheurs de l’Inserm et d’autres organismes publics, sur des propositions pour doter la France d’un leader industriel de l’imagerie médicale, appuyé sur les start-up du secteur. Un autre comment une usine d’Arcelor en Lozère était menacée par la fermeture annoncée de la ligne SNCF, qui ne s’est finalement pas faite après action commune entre salariés et cheminots, et mobilisation de la population. Un représentant de l'union départementale du Nord décrit le projet de filière hydrogène qu’il porte et tend la main aux militants de l’automobile pour en parler avec eux… Un représentant de l’enseignement supérieur et de la recherche fait un parallèle entre ses craintes pour les diplômes nationaux et celles exprimées par un représentant de la métallurgie sur les classifications professionnelles. Un riche concentré des défis de l’industrie et de leur intrication avec les transports publics, la recherche publique, les hôpitaux...
Doubler l’emploi industriel en dix ans
Le contraste est d’autant plus saisissant avec la présentation des propositions nationales de la CGT pour "la nécessaire réindustrialisation" du pays. Un projet un peu léger... Trois petites pages esquissant les pistes pour atteindre un objectif pour le moins ambitieux : "doubler en dix ans les capacités de production et l’emploi industriel en France". "On ne parle pas beaucoup de l’industrie, dans cette campagne, regrette Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. On espère y intéresser les candidats avec nos propositions qui abordent la question autrement que par l’opposition entre vieille et nouvelle industrie, ou par le coût du travail."
Parmi ces propositions, les principales sont connues : diminution du temps de travail (32 heures), sécurité sociale professionnelle permettant d’alterner formation et emploi, création d’un "bouclier anti-dumping social, fiscal et environnemental" (par augmentation des salaires, taxation du capital, normes sociales et environnementales européennes, intégration du coût réel des transports pour limiter les délocalisations). La CGT veut conditionner les aides publiques à des objectifs en termes d’investissement, de R&D, de formation. Pour éviter de donner de l’argent public à des entreprises qui versent trop de dividendes à leurs actionnaires.
Très critique sur l’utilisation du crédit d’impôt recherche - "capté par les grands groupes pour faire de l’optimisation fiscale" il ne bénéficie pas assez à l’industrie -, la CGT plaide pour un investissement massif dans la recherche publique, à hauteur de 3% du PIB comme le prévoit le traité de Lisbonne. Et s’insurge contre le faible investissement des entreprises dans la recherche, fondamentale et appliquée. Mais la CGT ne fait aucune proposition sur les filières, dont ses adhérents connaissent pourtant bien les enjeux.
Campagne présidentielle mais aussi législative
Philippe Martinez se félicite de voir sa proposition d’une semaine de 32 heures reprise par Jean-Luc Mélenchon, qui prône lui aussi l’abrogation de la loi travail. Il égratigne au passage le revenu universel défendu par Benoît Hamon, contestant l’idée d’une raréfaction du travail. La robotisation ne l’inquiète pas en tant que telle. "Nous sommes pour le progrès, puisque nous réclamons des investissements dans les entreprises, argumente-t-il. Mais nous sommes inquiets de la façon dont seront utilisées les technologies nouvelles et de leurs conséquences pour les salariés. Le numérique va-t-il servir à supprimer des emplois et à accroître la rentabilité des entreprises, ou va-t-il apporter du progrès social et une diminution du temps de travail ? Quand l’automobile s’est robotisée, on n’a pas anticipé les besoins en formation des salariés, il a fallu externaliser une partie des tâches et les conditions de travail sont bien pires aujourd’hui."
Comme il n’y a pas que la présidentielle, les propositions de terrain vont être peaufinées, chiffrées, et présentées aux candidats aux élections législatives, localement.
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