La fabrique de l'éco

Le blog de Sarah Guillou

Un an après son adoption, l'IRA se révèle moins protectionniste que prévu sur l'automobile

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Un an après son adoption, l'IRA se révèle moins protectionniste que prévu sur l'automobile
Depuis 2017, la valeur des exportations européennes de véhicules hybrides et électriques vers les Etats-Unis a été multipliée par 15 alors que celle de ses exportations vers le reste du monde (hors UE et hors US) a été multipliée par 11,5.
© Volkswagen

Il y a un an, l’Inflation reduction act (IRA) était voté par le Congrès américain. Les parlementaires s'accordaient alors sur ce plan généreux de financement des industries vertes assorti de mesures de politique de santé et de renforcement du contrôle fiscal. Celui-ci ne tarda pas à susciter l’ire des partenaires commerciaux des Etats-Unis, étant donné qu’il conditionnait les subventions à des critères de contenu local et créait des différences selon l’existence ou non d’accords de libre-échange. Dans le détail, la section 30D prévoit dès 2024, qu’un accord commercial de libre-échange sera nécessaire pour que les voitures importées soient éligibles au «bonus écologique». En 2025, la provenance des composants de la batterie sera scrutée au même titre.

Il m’apparaissait alors que cela ne faisait qu’accentuer le mouvement vers un protectionnisme vert bien que je doutais de la réussite de l’ambition d’autonomie des Américains. Et, notamment, du découplage vis-à-vis de la Chine tant cette dernière est dominante dans la chaîne de valeur des batteries. L’Union européenne et la Corée du Sud envisagèrent des plaintes auprès de l’OMC contre ces subventions discriminantes. Emmanuel Macron et Ursula von Der Leyen, présidente de la Commission européenne, se déplacèrent aux Etats-Unis pour trouver des moyens de rendre cette loi moins discriminante. A défaut d’un accord de libre-échange, l’UE a entamé des négociations avec les Etats-Unis en vue de signer un accord sur les matériaux critiques, qui lui permettrait de contourner une partie des barrières protectionnistes. Mais, si le Japon a signé cet accord, les discussions ne font que commencer avec l'UE.

Les exportations de véhicules européens grimpent

Et pourtant, les exportations européennes de véhicules électriques vers les Etats-Unis n’ont cessé de grimper depuis l’automne 2022 alors que les exportations américaines vers l’Europe diminuaient. Les Européens importent beaucoup de Chine et notamment des marques américaines qui s’y sont installées. La baisse des exportations américaines vers l’Europe est le fruit des stratégies des constructeurs américains. Mais, si les contraintes d’assemblage aux Etats-Unis et de contenu local avaient joué, les exportations européennes vers les Etats-Unis auraient dû sinon diminuer, ne pas augmenter. Or, elles ont crû, au point de constituer, avec celles des Sud-coréens et des Japonais, une part croissante des ventes de véhicules électriques aux Etats-Unis.

Depuis 2017, la valeur des exportations européennes de véhicules hybrides et électriques vers les Etats-Unis a été multipliée par 15 alors que celle de ses exportations vers le reste du monde (hors UE et hors US) a été multipliée par 11,5. Les premiers chiffres de 2023 ne laissent pas apparaître de ralentissement. Deux raisons principales laissent croire qu’il n’y aura pas de retournement en 2024. Premièrement, la demande américaine pour les véhicules électriques est ascendante, mais ceux éligibles à la subvention sont peu nombreux (pas plus de dix modèles). Cela laisse donc du champ aux modèles européens même s’ils ne remplissent pas les critères de la section 30D.

Un effet méconnu mais puissant : l'exemption du leasing

La seconde raison est plus subtile, elle tient à la réglementation relative au leasing. En effet, quand un véhicule électrique est acheté en leasing, alors il échappe à la section 30D. Autrement dit, le véhicule est éligible à l’obtention de la subvention non seulement sans considération d’assemblage ou de contenu local des composants mais bien plus, sans considération de prix ou de revenus. Cette réglementation a en fait été ficelée le 29 décembre 2022. Elle est bien plus favorable que si les Européens avaient obtenu le statut de partenaires avec un traité de libre-échange. Elle a conduit à ce que la part du leasing dans l’achat de véhicules électriques passe de 7-8% à l’automne 2022 à 34% en mars 2023 !

Une Europe pas si «libre-échangiste»

En outre, rappelons que la situation tarifaire est asymétrique entre l’Europe et les Etats-Unis. Les 10% de droits de douane imposés par l'Union européenne aux véhicules américains procurent aux caisses des Etats-membres par exemple 6 000 euros pour une Tesla de 60 000 euros. Cela augmente d’autant le prix pour les acheteurs de voitures américaines sur notre continent, mais confère aux constructeurs européens un avantage assimilable à une subvention. Par ailleurs les véhicules électriques européens eux ne sont taxés qu’à hauteur de 2,5% aux Etats-Unis (ce qui diffère peu du tarif préférentiel accordé aux Sud-coréens) quand les véhicules chinois sont eux taxés à 25%. Au final, la subvention relative des constructeurs européens est de 7,5% du prix de vente des véhicules vis-à-vis des véhicules produits sur le sol américain (10% moins 2,5%).

Quelle leçon quant au projet de conditionner le bonus écologique sur les véhicules électriques à leur contenu en carbone ? La loi française veut en effet évincer les véhicules chinois, en évaluant l’empreinte carbone des véhicules qui dépend fortement du mix énergétique et de la distance d’acheminement. Le mix énergétique américain tombera-t-il sous le couperet des critères réglementaires français ? A ce compte-là, les plaintes d’Emmanuel Macron et de Bruno Le Maire seront bien difficiles à soutenir. Sauf si l’IRA, qui a aussi pour objectif de verdir le mix énergétique américain réussit son pari, rendant ainsi les véhicules américains éligibles au bonus français !

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