La nouvelle loi de programmation militaire de 2024 à 2030 prévoit une augmentation du budget des armées qui atteindra 400 milliards d’euros sur 7 ans. Résultat, un budget moyen annuel de 57 milliards d’euros contre 43,9 en 2023. De quoi soutenir une industrie de défense française performante mais qui n’est pas sans quelques limites dont il faut prendre conscience.
Le contexte géopolitique est favorable à l'investissement. Plus structurellement, l’évolution des menaces exige le déploiement de moyens renforcés dans des nouvelles technologies et systèmes de défense. Le budget militaire français est passé de 1,7 % du PIB en 2016 à 1,9 % en 2021 conservant son septième rang mondial en dollars à quasi-égalité avec l’Allemagne (huitième en 2021). A titre de comparaison, les Etats-Unis, qui réalisent 39 % des dépenses ont décaissé, en 2021, 801 milliards de dollars.
Cette augmentation des budgets est, avec la relance du nucléaire, la réaffirmation des deux piliers de la politique industrielle française. C’est en effet avec une certaine constance que le soutien à l’industrie de la défense s’observe depuis des décennies. Avec réussite aussi.
Des fleurons exportateurs
Non seulement, la France compte quelques fleurons internationaux, qui lui font défaut dans d’autres activités, comme Airbus, Dassault, Thales, pour les plus connus ; mais elle exhibe une compétitivité enviée par bien d’autres secteurs. La France est en effet au quatrième rang mondial des économies exportatrices de matériel militaire et présente un solde commercial positif. Elle a enregistré des commandes au plus haut niveau en 2021 totalisant 11,7 milliards d’euros selon le rapport du ministère des Armées. Elle est loin, tout comme la Chine et la Russie, des volumes des Etats-Unis mais toujours en tête en Europe.
Un soutien public constant
Qu’est-ce qui fait la réussite de cette industrie ? La commande publique a sans doute participé à encourager et supporter les décisions d’investissements qui entraînent, dans ce secteur, des coûts irréversibles. Le soutien à la Recherche et Développement y a été également très généreux, la Base industrielle et technologique de défense (BTID) capturant la majorité des subventions à la R&D. Bien que représentant 5% des entreprises déclarantes au CIR, elles récoltent plus de 20% de la créance totale. Par ailleurs, un rapport récent de la Cour des comptes montre l’étendue du soutien à l’exportation par l’Etat aux industries de défense. La BITD concentre donc beaucoup des aides aux entreprises.
Ce soutien, outre qu’il soit massif, a surtout la particularité d’être constant. Il a existé et existe un consensus politique vis-à-vis du soutien à la défense alimenté sans doute par une symbiose des corps de l’ingénierie de défense, militaires et de la haute fonction publique. Le complexe militaro-industriel s’est aussi nourri d’une tradition d’excellence scientifique et mathématique ainsi que des ambitions géopolitiques et diplomatiques des gouvernements successifs.
Peu de diffusion de technologies
Il existe une limite à ce succès. Ce qui a pu constituer un élément de stabilité politique provoque aussi un système de cloisonnement préjudiciable au développement de la dualité des technologies militaires. Le soutien public à la BITD ne se diffuse pas autant qu’il le devrait dans les industries civiles. Le manque de retombées duales, telles qu’elles existent aux Etats-Unis, fruit d’un cloisonnement public-public et d’un esprit de corps (manque de transfert de technologie entre les grandes écoles d’ingénieurs, les universités et les start-up) limite la portée de ce soutien public.
Ne pas négliger le capital humain
Par ailleurs, il importe de garder à l’esprit que la conjonction de différents facteurs est fondamentale. Le niveau du budget du ministère des Armées ne fait pas tout. Ainsi, le redoublement d’effort dans le capital humain, et les qualifications technologiques et scientifiques sont indispensables au vu de l’accroissement de la technicité de cette industrie. Les récentes réformes de l’enseignement ne semblent pas en être pleinement conscientes.