Le 10 mai dernier, le Haut-Commissariat au plan publiait une analyse sur le commerce extérieur français. Que révèle cette énième étude sur les raisons du déséquilibre de la balance commerciale ? Pas grand-chose, sinon que le déficit énergétique a explosé ces deux dernières années, tant pour des questions internes que géopolitique. Mais les raisons de ce déficit préoccupant du secteur manufacturier restent une énigme.
Compte tenu de l’accumulation des analyses et des politiques économiques visant à renforcer la compétitivité prix et hors prix, personne ne peut nier la volonté sincère et constante depuis vingt ans d’inverser cette dégradation. Et face à cette constance, l’échec collectif à redresser le commerce extérieur questionne.
Toute solution du type «il suffit de» est suspecte car si la solution existait, on comprendrait mal que l’intelligence collective de nos experts et de nos décideurs politiques de tous bords ne l’ait pas trouvée.
Pourtant «essayer encore» semble une maxime de résilience qui concerne le commerce extérieur. Pourquoi ne faut-il pas se résoudre à ce déficit du commerce extérieur de marchandises de près de 50 milliards d’euros (hors énergie) ? Je fais partie de ceux qui ne l’interprètent pas comme un échec économique et politique de notre pays, ni comme une tragédie industrielle.
Après tout, la France demeure un lieu de manufacture d’excellence dans le luxe, les produits agricoles, la pharmacie, les transports, l’énergie et la défense, et je ne compte pas les acteurs de classe internationale dans d’autres secteurs (Saint-Gobain, Air Liquide, TotalEnergies, Seqens, Michelin…). Tant que les exportations de services (en excédent), les revenus des actifs étrangers détenus par les résidents et les investissements directs nets ne conduisent pas à un emballement négatif de la position extérieure nette, le déficit n’est que le reflet des choix d’allocation des facteurs de production et de la dynamique relative de la consommation par rapport à l’investissement. Qui plus est, ces choix sont aujourd’hui réalisés dans un environnement de conditions de coût comparables à celles de nos concurrents directs européens à la suite des diverses politiques de l’offre.
Cependant, l’évolution du commerce extérieur révèle des symptômes de l’économie française qu’il faut surveiller de près et ne pas ignorer. J’en dénombre quatre, chacun lié à l’une des causes du déficit extérieur en marchandises.
1/ Les parts de marché mondial de la France diminuent
Ce n’est pas anormal alors que de nouveaux acteurs entrent sur les marchés de prédilection de la France, notamment des pays émergents qui se mettent à concurrencer les pays riches. L’Allemagne aussi perd des parts de marché. La question est de savoir si le rythme du déclin est plus rapide en France que chez ses partenaires européens. Ensuite, si nous perdons des parts de marché, c’est que l’amélioration qualitative des émergents est allée à un rythme bien plus rapide que le nôtre, qui a été insuffisante à compenser le déclin des volumes. Il faut donc s’attacher à retrouver des gains de productivité et rehausser la valeur unitaire de nos exportations.
2/ Les entreprises françaises ont une plus faible propension à exporter
Se pose ici la question de la croissance de la taille des entreprises et de leur volonté de se déployer à l’étranger. Existe-t-il des freins à la croissance des entreprises françaises ? Le nombre d’exportateurs augmente, le taux d’exportation aussi. Peut-on faire plus ? Il faut des politiques pour développer nos capacités d’exportation.
3/ Les multinationales en France contribuent moins qu’autrefois aux exportations et plus aux importations
Il faut distinguer les multinationales étrangères et françaises. La stratégie de délocalisation, pointée du doigt, concerne surtout les dernières. Plus précisément, c’est le changement de comportement de celles de l’automobile qui a le plus affecté l’équilibre du commerce extérieur français dans les années 2000. Que font les constructeurs français aujourd’hui alors que les conditions de l’offre ont été améliorées ?
4/ Des usines ferment en abandonnant des segments de marché
Il faudrait en comprendre les causes principales et distinguer la stratégie des entreprises, la concurrence internationale (en prix et en coût), la disparition du marché (manque d’innovation), l’absence de sous-traitants, la dynamique du territoire et les décisions d’actionnaires.
Ce qui importe est de saisir les vrais enjeux de la dégradation du commerce extérieur de marchandises, hors énergie. Le rapport du HCP ne les saisit pas et émet un énième rapport «industrialiste» qui énonce des injonctions productivistes, listant des produits en déficit, là où la production domestique n’a peut-être jamais eu d’avantages à aller.