Les plans de soutien à l’industrie verte se multiplient à travers le monde. L’impulsion a été donnée par l’Inflation Reduction Act, une loi américaine votée fin août 2022 incluant un généreux plan de soutien à l’industrie verte avec des critères de contenu local clairement protectionnistes. Craignant ses effets de détournements des investissements européens, l’Union européenne a répondu par le Net zero industry act et le gouvernement français vient de ficeler son projet de loi de soutien aux industries vertes le 16 mai 2023.
Le point commun de ces plans est de cibler des industries productrices d’énergie décarbonée comme les pompes à chaleur, l’énergie solaire ou éolienne, l’hydrogène, les bio-carburants, les batteries, les véhicules électriques, mais aussi toute la chaîne de valeur autour. Concrètement, ces politiques ont pour objectif d’augmenter les capacités de production d’énergie verte, la maîtrise des technologies de décarbonation et une plus grande intégration sur le territoire des producteurs au long de la chaîne de valeur de ces industries. Mais il n’est pas inutile de rappeler que l’objectif ultime est la réduction des émissions de CO2, non pas par unité de valeur ajoutée produite, mais en volume total. Pour rappel, les objectifs 2030 du green deal européen sont de réduire à moins de 50% les volumes de 1990.
L’hypothèse française (et européenne) est donc que cette augmentation de capacités de production induite par ces plans de soutien va se substituer aux importations d’une part et qu’elle va augmenter la production d’énergie et notamment d’électrons verts à un prix compétitif de manière à évincer l’approvisionnement en énergie fossile d’autre part.
Ces politiques se construisent sur un scénario très raisonnable d’une augmentation de la demande d’électrons. La croissance économique est toujours allée de pair avec une demande en électricité croissante et cette proportionnalité est vouée à augmenter. La demande d’électricité va s’accélérer en raison de la substitution aux énergies fossiles dans le transport, le chauffage et l’industrie (électrification) et des modes de consommation plus gourmands en électricité (électronique, robotisation, intelligence artificielle).
Comment réduire les émissions alors que la demande d’énergie augmente ? Il existe un vrai défi à ce que se croisent la courbe de génération d’électricité et celle de son contenu en carbone. Ce qui compte, c’est donc d’influencer le mix énergétique de la génération de l’électricité en France, mais aussi dans tout le réseau européen, vers une diminution des énergies fossiles.
Pour que diminuent les émissions de CO2 issues de la génération d’électricité, il faut que le contenu en carbone diminue à un rythme supérieur à la génération d’électricité. Cette dernière va plus que doubler d’ici 2040. Tant que l’électricité ne sera pas totalement verte (entendu ici comme non-émettrice de CO2), il faudra que le taux de décroissance du contenu carbone de l’électricité soit supérieur au taux de croissance de la génération de l’électricité. La décarbonation doit donc se produire à un rythme plus élevé que l’électrification. Précisément, si on veut diviser par 2 les émissions de CO2 issues de la génération d’électricité, il faut diviser la part de l’électricité carbonée par le double du facteur d’accroissement des MWH d’électricité. Il existe donc un double défi qui justifie que la course aux électrons soit aussi une course aux électrons verts.
C’est pourquoi l’augmentation des capacités de production d’énergie et d’électricité verte est nécessaire. Mais deux conditions sont nécessaires pour réussir le pari d’une diminution des émissions de CO2 en France et en Europe. Il faut d’une part que partout en Europe, étant donné l’intégration du marché de l’électricité, les Etats augmentent la part décarbonée de leur électricité. Car l’économie française importe de l’électricité quand son offre est insuffisante, ce qui a été le cas en 2022. Les objectifs européens doivent donc s’accompagner de jalons d’exécution et de vérification de la modification du mix énergétique. Il faut d’autre part, que les capacités de production des énergies fossiles diminuent afin que s’opèrent une substitution des capacités de production d’énergie brune contre verte. Ce qui exige que le prix du carbone continue d’être élevé et que la production d’électrons verts soit suffisante pour à la fois remplacer l’énergie fossile et faire face à la demande croissante d’électricité. Le défi est de taille.