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Le blog de Sarah Guillou

L’inflation importée du transport maritime est partie pour durer

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L’inflation importée du transport maritime est partie pour durer
© distel2610 / Pixabay

A ce jour, la source principale de l’inflation en France, et aussi en Europe, est surtout d’origine importée. Cela signifie tout d’abord que le prix de certaines marchandises importées a fortement augmenté relativement aux prix domestiques. Il s’agit précisément des énergies (hydrocarbures, gaz, pétrole raffiné et autres) qui représentent 11% de la valeur des importations totales en France en 2021. Par ailleurs, une autre source est plus diffuse, il s’agit du prix du transport international de marchandises et notamment du transport maritime.

Sur de monumentaux vaisseaux, certains de presque 1 kilomètre de long, des milliers de containers se superposent et traversent les océans à destination d’une vingtaine de ports d’envergure. On compte près de 300 000 porte-conteneurs dans le monde en plus des 900 000 vraquiers et des 600 000 pétroliers, sur un total toute catégorie de plus de 2 millions de bateaux transporteurs de marchandises qui expédient 80% du volume mondial de marchandises.

La moitié de la valeur des importations vers l’Europe en provenance d’origines extra-européennes (soit la moitié de 1 714,3 milliards d’euros) a été expédiée par voie maritime. Pour certains Etats membres à la périphérie du continent, comme la Grèce, le Portugal et la Finlande, la part est au-dessus de 70%. Cependant, en termes de tonnage, le pourcentage est au-dessus de 80% pour l’ensemble de l’Europe en 2020.

Un enchaînement de causes

Pendant la crise du Covid-19 en 2020, le secteur du transport maritime a connu de fortes tensions : manque de personnel de manutention, mesures prophylactiques qui empêchaient le débarquement et le transfert des marchandises entre les ports et les entrepôts, congestion dans les ports en raison de l’arrêt des expéditions. Si les transporteurs ont amorti le choc, les marins ont fortement souffert pendant la pandémie de l’isolement et des difficultés de mouvement. Aussi les pénuries de main d’œuvre en sortie de crise ont été un obstacle majeur du retour à la normale. Remarquons que les gens de mer sont principalement issus de 5 pays : les Philippines, la Fédération de Russie, l’Indonésie, la Chine et l’Inde.

La remise en route de l’économie en 2021 et la forte demande financée en partie par les plans de relance, ont exercé une forte pression sur les ports, alors engorgés, et alors que l’industrie du transport maritime avait réduit ses capacités. En outre, le transport maritime a lui-même souffert des difficultés d’approvisionnement : des pénuries de containers se sont ajoutés aux difficultés. L’échouement de l’Ever Given dans le Canal de Suez en mars 2021 a couronné une année de tensions dans le transport maritime depuis le déclenchement de la pandémie.

En conséquence, depuis mars 2020, le prix du transport maritime par container a été multiplié par 7 (Freightos Global container price index, qui inclut 20 routes océaniques). L’augmentation a été plus forte dans le transport de marchandises sèches en vrac (jusqu’à un facteur de 10) mais néanmoins le Baltic dry Index est redescendu plus rapidement, tout en restant 5 fois plus élevé qu’en mars 2020. Le prix du fret représente à présent une part croissante des prix des marchandises importées.

L'impact persistant du transport

Cette envolée des prix va durablement affecter les chaînes d’approvisionnement et mettre à la peine les petits expéditeurs qui ne sont pas en position de négocier les tarifs et de réserver prioritairement les espaces. Elle va en premier éroder les marges puis se répercutera dans les prix des marchandises importées.

Une étude récente du FMI sur 1992-2021 montre que les pics des prix du fret maritime sont suivis par de fortes augmentations des prix des importations puis des prix à la consommation. L’étude trouve qu’un doublement du prix du fret se traduit par 0,7 point de pourcentage en plus d’inflation avec un effet de persistance assez long de 18 mois. L’augmentation de 2021 pourrait donc se traduire par 1,5 point de pourcentage en plus en 2022.

L’impact apparaît de moindre ampleur mais plus persistant que les chocs de prix énergétiques et alimentaires. Le prix du fret se transmet en effet au prix des intrants importés et donc aux prix de production et plus tardivement aux prix à la consommation. Les biens dont la production s’intègre dans des chaînes d’approvisionnement mondiales seront plus touchés, notamment ceux nécessitant des intrants d’Asie. Ordinateurs, produits électroniques et optiques seront les plus impactés, mais aussi certains produits à plus faible valeur ajoutée comme le textile, les meubles et les vêtements.

En attendant la rupture technologique...

Le prix du transport des marchandises qui avait séculairement baissé, amorce une claire ascension. Rien n’indique que cette inflation du prix du fret va se résorber prochainement. La tension sur les chaînes de valeur née de la guerre russo-ukrainienne et la politique zéro-Covid en Chine, concentrent les flux sur moins de routes et moins de ports et accentuent les contraintes sur les capacités maritimes. Par ailleurs, le secteur est, comme toute l’industrie des transports, soumis à de plus en plus de réglementations qui exigent la réduction des émissions de CO2 et incitent à des investissements dans des moyens moins polluants, alors même que le prix des carburants sont à la hausse. Il faudra attendre une nouvelle rupture technologique comme l’avait été celles des containers et des infrastructures portuaires dans les années 1950 pour connaître une inversion et un retour aux prix de 2019.

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