Makenzie Lystrup sera la première femme à diriger le prestigieux Goddard Space Flight Center (GSFC), ce centre de la NASA mondialement connu au travers de programmes comme (pour n’en citer que quelques-uns) le Cosmic Background Explorer, le Hubble Space Telescope, le Lunar Reconnaissance Orbiter, et le Solar Dynamics Observatory : tous ont apporté une contribution majeure à la connaissance de notre univers et de façon plus générale, à la science.
L’expérience de la nouvelle directrice est éloquente : en tant que vice-présidente et directrice générale des activités civiles chez Ball Aerospace, l’un des géants américains du spatial, elle s’est impliquée dans des programmes comme Landsat-9, le (désormais fameux) James Webb Space Telescope et le Roman Space Telescope. Elle a donc l’étoffe nécessaire pour prendre la tête du GSFC. Mais ce qui est remarquable, c’est que celui-ci, premier centre de la NASA établi en 1959, n’avait été dirigé depuis sa création que par des hommes. Côté projets spatiaux complexes, elle ne chômera pas !
Les lecteurs de mon blog devineront mon opinion (réjouie!) quant à cette nomination : j’avais souligné, dans mon billet paru en décembre 2019 « L'importance des femmes dans les projets complexes », le rôle largement sous-estimé et même dévalué des femmes dans les grands projets. Merci donc à la NASA pour cette sélection !
Ce n’est pas tout : Makenzie Lystrup a prêté serment, obéissant ainsi à une coutume très américaine. Par contre, elle n’a pas choisi la Bible ou la Constitution, mais un livre, publié en 1994, du célèbre scientifique et astronome américain Carl Sagan, connu du grand public pour ses ouvrages de vulgarisation scientifique : Pale blue dot (Un point bleu pâle), qui relativise la place de l'humain et de la Terre dans notre univers.
Ce petit point bleu pâle n’est autre qu’une image de notre planète prise en 1990 par la sonde Voyager 1, lancée en 1977, alors qu’elle filait vers les confins de notre système solaire pour y observer les planètes externes (elle est aujourd’hui à plus de 23 milliards de kilomètres de la Terre). Quand on voit ce que nous sommes à l’échelle de notre système solaire, lequel n’est qu’une étoile parmi les centaines de milliards qu’en compte la Voie Lactée, laquelle à son tour n’est qu’une des 2000 milliards de galaxies observables de l’univers, l’humilité semble de mise. Et pourtant…
Cette photo de la Terre avait inspiré à Carl Sagan un texte dont je cite quelques extraits (je recommande la lecture du texte complet, elle donne le frisson) : « Regardez ce point. C’est ici. C’est notre foyer. C’est nous. Dessus se trouvent tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez jamais entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu… Sur ce grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil… La Terre est une scène minuscule dans l’immense arène cosmique… Nos postures, notre soi-disant importance, l’illusion que nous avons quelque position privilégiée dans l’univers, sont mises en perspective par ce point de lumière pâle… La Terre est jusqu’à présent le seul monde connu à abriter la vie. Il n’y a nulle part ailleurs, au moins dans un futur proche, vers où notre espèce pourrait migrer… Il n’y a peut-être pas de meilleure démonstration de la vanité humaine que cette lointaine image. Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir le point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue. ». Belle leçon d’humilité !
Bravo donc pour le choix judicieux de Bill Nelson, administrateur de la NASA, et pour le pas qu’a franchi Makenzie Lystrup ! Un petit pas pour une femme, un grand pas pour l’humanité ?
