La gestion des projets complexes

Le blog de Rodolphe Krawczyk

Constellations satellitaires : N’en jetez plus, l’orbite est pleine !

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Constellations satellitaires : N’en jetez plus, l’orbite est pleine !
© Thales Alenia Space

Malgré les risques de plus en plus prégnants de collisions sur orbite, les mégalomanes du spatial continuent d’échafauder des projets de constellations qui frisent le délire quant au nombre de satellites à lancer : les chiffres finissent par donner le vertige.

Les constellations de satellites de télécommunication en orbite basse offrent trois avantages indéniables par rapport aux satellites en orbite géostationnaire : temps de latence[1] réduit, puissance des antennes plus faible permettant de réduire la taille des satellites, meilleure résilience en cas de défaillance d’un satellite (et accessoirement moindre vulnérabilité en cas d’agression, puisque désormais l’espace ne peut plus se concevoir sans son volet militaire). Mais comme ils défilent sur leur orbite, il en faut un « certain nombre » pour assurer la continuité de transmission du signal vers les utilisateurs au sol. C’est ce « certain nombre » qui depuis quelques mois libère les fantasmes d’entrepreneurs dans une course au buzz qui risque de nous coûter cher.

Parmi les constellations en cours de lancement ou en projet, voici les plus emblématiques, en commençant par la plus « petite » :

  • OneWeb (qui semble s’être bien relevée de sa faillite depuis son rachat par la Grande-Bretagne): 850 satellites.
  • Kuiper (Amazon) : plus de 3200 satellites.
  • Astra (fabricant de petits lanceurs qui lui aussi veut « sa » constellation) : plus de 13600 satellites.
  • Starlink (de l’incontournable SpaceX) : 12000 de la 1° génération (dont 1700 ont déjà été lancés) et 30000 prévus pour la 2° génération (si ses concurrents Amazon et Viasat n’obtiennent pas gain de cause dans leur objection à l’obtention des fréquences par SpaceX).
  • Kepler (Canada) : 115000 satellites.
  • And the winner is… Greg Wyler (fondateur de OneWeb) qui projette d’envoyer pas moins de 327000 satellites (pour le Rwanda).

Qui dit mieux ?

Indépendamment des risques évidents de collision sur orbite (50% seraient dus aujourd’hui aux satellites de Starlink[2] alors que moins de 2000 ont été tirés à ce jour), les réflexions solaires parasites sur ces satellites sont devenues un vrai problème pour les observations astronomiques depuis le sol. Les scientifiques s’en sont plaints dès les premiers tirs des Starlink : SpaceX a depuis modifié le revêtement de ses satellites, ce qui semble avoir remédié, au moins provisoirement, au problème, lequel devrait être moins crucial avec des nanosatellites[3]. Reste à savoir si ces réflexions resteront acceptables pour les astronomes quand tout ce petit monde tournera là-haut.

Un point positif tout de même : l’occultation d’une partie du rayonnement solaire contribuera à lutter contre le réchauffement climatique…

Mais voilà que le 16 décembre, plusieurs opérateurs télécom (dont SES, Eutelsat et Viasat) se sont mis à faire du « constellation-bashing », critiquant sévèrement la tendance 2021 à proposer des constellations massives de satellites, projets qualifiés pour certains d’« exubérants » (les Anglo-Saxons ont décidément le sens de l’euphémisme) et aboutissant à une « congestion orbitale », sans compter que du point de vue économique, la surcapacité à laquelle on aboutira n’a « aucun sens ».

Et surtout, les risques de panne croissant avec le nombre de satellites, il suffirait qu’une dizaine (voire moins) deviennent incontrôlables pour que se produise le fameux syndrome de Kessler, avec les conséquences catastrophiques de la réaction en chaîne qui s’ensuivrait sur tous les réseaux de satellites en orbite basse : l’économie mondiale n’y survivrait pas.

Avant d’arriver au million de satellites (on en sera déjà au demi-million si tous les projets que j’ai cités se concrétisent), il serait donc souhaitable que le bon sens revienne sur terre en recadrant ces « buzzards » aux egos aussi boursouflés que leurs constellations et qui s’échinent à jouer à celui qui aura la plus grosse (constellation).



[1] temps séparant l’émission et la réception des signaux entre le satellite et le sol

[2] j’avais évoqué ce chiffre dans le billet « Musk et Bezos : vrais ou faux frères ennemis ? » publié en novembre dernier

[3] ce qui n’est pas le cas des Starlink, des sortes de « plaques » de plusieurs m2 de surface

 

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