L'industrie au féminin

Le blog de Magali Anderson

Les débuts dans une industrie majoritairement masculine

Publié le

Les débuts dans une industrie majoritairement masculine

Une femme à ses débuts dans un milieu quasiment exclusivement masculin peut parfois ressentir le besoin de s'imposer, être plus agressive, pour ne pas passer pour une « faible ». C'est une phrase que l'on entend souvent "tu dois avoir un sacré caractère pour bosser dans ce secteur !". Ce fut l'attitude que j'ai pu moi-même adopter à mes débuts et que je vais vous détailler et, par la même occasion, vous expliquer, avec le recul que je peux avoir aujourd'hui. Cela me permettra aussi de vous offrir quelques clés sur une entrée réussie dans une nouvelle compagnie (spoiler : ne vous comportez pas comme moi à 22 ans).

J’ai démarré chez Schlumberger dans le centre de formation – nous y passons 4 mois, avant de partir sur le terrain. La formation permet d’apprendre le métier mais est aussi un mode de sélection, avec seulement la moitié des postulants retenue. Le stress est à son paroxysme et tous s’observent en essayant de deviner lesquels parmi nous resterons jusqu’au bout.

Etant la seule femme, j’ai le sentiment de ne pas devoir seulement réussir, mais de devoir réussir avec brio, et ce, afin de prouver que la présence d’une femme n’est pas une erreur. En 1989, les femmes comptent pour seulement 1% des recrues. Aussi ai-je l’impression d’être sous un microscope, de faire partie d’une expérience de laboratoire qui s’intitulerait: "Que peut donner une femme à ce poste ?". Echouer prouverait que la confiance donnée n’était pas méritée.

A cela s’ajoute aussi, une croyance profonde qu’une femme doit faire ses preuves, prouver qu’elle est ici à sa place. Vestige d’une mère avec le baccalauréat, travaillant à une époque où la majorité des femmes s’occupait à plein temps de leurs foyers ? Un biais inconscient dont l’origine réside dans notre système sociétal ? Pour tout vous dire, je ne sais pas trop, mais c’est clairement un biais qui résiste aux décennies et que je retrouve chez beaucoup de femmes encore aujourd’hui.

Alors, au cours de cette formation, je dois en faire plus, toujours plus.
Sauf, que ces croyances, ce sentiment de devoir légitimer ma place n’est pas sans conséquence.
Je considère automatiquement toute marque d’attention à mon égard comme un signe de sexisme paternaliste. Je mords toute main tendue. Et rapidement, la réponse à cette situation que j’ai créée me revient en pleine figure, en mode boomerang. Mes collègues ne me parlent plus. Ils sont fatigués de mon agressivité permanente et ils ont dans tous les cas autre chose à faire que de s’occuper d’une femme irascible/ lionne en cage affamée.
C’est un cercle vicieux. Je suis agressive, les autres le sont en réponse, ce qui me conforte dans l’idée que j’avais raison de l’être… Etc.

Et puis, un jour, une remise en question se fait. Je réalise que même si j’ai bien évidemment toujours raison, le fait que tout le monde soit contre moi montre qu’il y a une chance que ce soit tout de même de ma faute… Et donc, que je doive modifier mon comportement. Surtout que l’isolement me pèse.
En faisant cet examen de conscience, je me suis ainsi rendue compte que je suis  tout simplement devenue très désagréable à vivre et qu’il n’est pas surprenant que les autres détestent ma compagnie.

Une fois ma décision de changer prise, ce fut finalement plus facile que je ne le pensais. Comment s’est opéré ce changement, concrètement ? En premier lieu, il fallait juste que j’arrête de me comparer aux autres. Finalement personne d’autre que moi-même ne m’avait demandé d’être la meilleure Deuxièmement, au lieu d’agresser chaque collègue me proposant son aide – pour montrer que "non, monsieur, je me débrouille très bien seule ! Ce n’est pas parce-que je suis une femme qu’il doit penser que je ne peux pas le faire !"  -, j’accepte gentiment toute bonne âme prête à m’aider ou m’informer. Ainsi, mes collègues deviennent rapidement des amis, et je suis intégrée au groupe.

 

Etre une femme dans un milieu masculin est suffisamment compliqué, il n’y a aucun besoin de rendre les choses encore plus difficiles.
Une entreprise offre un travail à une ou un collaborateur, car ils considèrent qu’il ou elle est le/la plus qualifié-e pour la position. Les entreprises n’ont pas l’habitude d’offrir un poste par bonté d’âme. Une fois qu‘une personne a pris le poste, il ne reste plus qu’à travailler et exceller comme on attend d’elle. Mais elle n’a rien à prouver. Elle doit juste se concentrer sur le fait de faire son travail au mieux de ses capacités. C’est en faisant correctement son travail qu’elle prouvera à tous qu’elle était la bonne personne pour la mission. Aussi, vouloir absolument prouver sa valeur pour une femme, comme j’ai pu le faire, est complètement contre-productif et injustifié. Si le poste lui a été offert, alors elle est complètement légitime.

Malheureusement, ce phénomène n’est pas encore mort. La route ne va pas être facile pour complétement y remédier. Les femmes sont (ou se sentent) encore souvent plus testées que les hommes. Il faut résister et refuser de rentrer dans le jeu de collègues qui n’ont pas à juger de nos capacités et notre crédibilité à être dans un poste que la direction de l’entreprise nous a confié.
A 22 ans, avoir la force de me remettre en cause est ce qui m’a permis de continuer et de trouver ma place, pour finalement finir où je suis aujourd’hui. Mais pour un/une qui trouve sa place, combien abandonnent ? Combien craquent ? Combien finissent en dépression?

Comme moi, peut-être leurs comportements erratiques ont éloigné les autres sans qu’ils puissent corriger le tir. Ou un manque de confiance en leur légitimité a pu avoir raison d’eux. Ainsi est-il important de prendre du recul et se rappeler que si vous êtes sur ce siège, c’est que des personnes qualifiées croient que vous en êtes capables. Une comparaison perpétuelle ne vous mènera nulle part. Ayez la tête haute et travaillez avec confiance et fierté !

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