L'industrie au féminin

Le blog de Magali Anderson

Conversation entre une mère et sa fille – Demain est ton premier jour

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Conversation entre une mère et sa fille – Demain est ton premier jour
© Freepick

Comment démarrer dans une industrie masculine. Quelles qualités ? Quels pièges à éviter ?

Tu viens de décrocher le job de tes rêves. Bravo ! Après des études brillantes, te voilà fière détentrice d’un beau diplôme. Passionnée par l’industrie, tu as postulé à ce poste d’ingénieure projet dans une grande entreprise qui n’est pas particulièrement reconnue pour la mixité de ses effectifs.

Les entretiens se sont bien passés et tu n’as même pas eu droit aux questions pièges ou sexistes (tu te souviens du recruteur qui avait demandé à ta maman ce que pensait sa mère de ce choix de carrière ?). Mais là, non, même pas une petite question sur ton statut marital et sur ton désir ou non d’avoir des enfants dans un futur proche. Donc tu es plutôt rassurée. Enfin, en surface. Sur le papier. Car en réalité, tu n’en mènes pas large. Demain est le grand jour. Demain est ton premier jour.

Première question : comment s’habiller ?

Allez, nous sommes toutes passées par là et tu peux me confier que cela t’angoisse. L’habit ne fait pas le moine qu’ils disaient… Sauf que nous savons toutes que nous n’avons qu’une seule chance de faire une première impression, et que cette première impression sera, entre autres, basée sur notre apparence.

Je l’aime bien cette question, car au final, elle n’est pas si compliquée qu’elle le paraît. Il faut juste prendre du recul et l’adresser de manière pragmatique. Il faut essayer de reproduire les codes qu’on a réussi à capter au cours de l’entretien (Est-ce que le Directeur des ressources humaines portait une cravate ? Quel était le style de la manager ?) tout en essayant de ne pas en faire trop pour éviter de donner une image d’arrogante dès le premier jour. Mais le plus important est d’être à l’aise, donc il est préférable de porter ton tailleur fétiche (tu sais, celui avec lequel tu as passé tous tes oraux pour tes examens) que la superbe tenue jamais portée que tu t’es payée pour l’occasion. Oui, cela est tellement évident qu’on l’oublie. Le plus important est de se concentrer sur ce qu’on va faire et dire ce premier jour, mais si on doit penser sans arrêt à rectifier son décolleté ou si l’on a mal aux pieds, cela va rendre le challenge encore plus ardu.

Quelle attitude ?
Le premier jour, tu écouteras.

Oui, je sais, tu trépignes de prouver ce que tu vaux, tu rêves d’enfin pouvoir utiliser ces montagnes de connaissances acquises au cours de ces cinq dernières années d’études afin de prouver que tu es brillante. En bref, tu sais tout et tu ne demandes qu’à le faire savoir.
Sauf que l’équipe en voit passer tous les matins des "jeunes diplômés, je sais tout", tête de classe à l’école, mais qui n’ont jamais été confrontés aux réalités du terrain. Donc, au mieux, ils vont te recevoir avec un haussement d’épaules, au pire, ils vont lancer les paris sur le temps qu’il va te falloir pour te casser les dents, surtout si on t’y aide un petit peu. Mais dans tous les cas, tu ne vas pas te faire des amis. Donc on ronge son frein, on prend son mal en patience, on tourne sa langue 7 fois dans la bouche, en bref, on utilise toutes les doctrines de grand-mères connues, mais on reste patiente.

Et quand on a été acceptée par l’équipe, même par Robert, le fameux Robert, qui s’est fait à la force du poignet, qui est l’encyclopédie de l’entreprise, mais qui n’a même pas eu son certificat d’études et qui a la réputation de ne pas être très commode. Et bien quand même Robert est devenu ton grand ami, alors tu peux tenter de soumettre quelques idées, puis t’aventurer à contredire une opinion... En bref, tu auras atteint le niveau de légitimité qui te permettra d’enfin utiliser tes neurones à plein régime.

Quels pièges à éviter ?

Combien de fois as-tu entendu dire : "Tu dois être meilleure que les hommes" ? Enfin, pas par moi, mais par les autres, les bienveillants, les "pleins de bons conseils" mais qui ne savent pas, ou du moins, qui ne l’ont eux-mêmes jamais vécu.
Donc, là, c’est NON. Voilà, un grand Non clair et net.

Tu as presque réussi à m’énerver d’ailleurs !
Pourquoi Non ? (grande respiration…)

Parce que c’est exactement le genre de piège qu’on tend et qu’on a tendu à des générations de femmes depuis des décennies et dans lequel il serait temps d’arrêter de tomber. Si tu cherches à tout prix à prouver que tu es meilleure que les autres, alors tu te comportes avec arrogance - ce que je déconseillais fortement dans la question précédente. Tu me regardes avec un air interrogateur… C’est pourtant évident : il y a une ligne qui se franchit très rapidement entre vouloir prouver qu’on est meilleure (que qui ?) et paraître arrogante. L’un des effets collatéraux de vouloir être la meilleure, est que l’on développe rapidement une certaine forme de paranoïa qui nous empêche d’accepter toute aide extérieure, toute main tendue : "Il veut me prouver que je ne suis pas à la hauteur". Les débuts dans une entreprise, où on ne connaît personne, sont suffisamment compliqués, ce n’est peut-être pas la peine d’en rajouter et de s’isoler encore plus pour le plaisir de défendre une idée reçue.

Ce piège est tellement grossier que je pense qu’on est presque toutes tombées dedans. Quand je suis partie travailler sur plateforme pétrolière, en pleine mer, au Nigeria, je me sentais si peu à ma place que je tentais de justifier par tous les moyens que j’avais les compétences requises. Résultat, je suis très vite devenue désagréable et mes collègues de plateforme me fuyaient. Eux qui m’avaient vue arriver d’un bon œil, heureux de partager leur espace de travail avec une femme et voyant dans mon arrivée la promesse d’un peu de changement dans leur conversations quotidiennes, ont vite déchanté. Je me suis rapidement retrouvée seule. Seule à la ville où je ne pouvais fréquenter ni famille ni amies, seule au travail où mes collègues me fuyaient. Ce fut une première étape dans ma vie professionnelle très difficile. Alors, s’il te plaît, rends-toi ce service d’apprendre de mes erreurs et de ne pas en faire "trop".
Tu as été embauchée pour des compétences bien particulières, donne toi à fond dans ton domaine sans chercher à plaire ou à te comparer aux autres.

Voilà, après ces quelques conseils, il ne me reste plus qu’à te souhaiter bonne chance – N’oublies pas, tu ouvres une nouvelle page de ta vie – profites !

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