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L’état d’esprit dynamique, la clé de voûte de l’apprentissage tout au long de la vie

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L’état d’esprit dynamique, la clé de voûte de l’apprentissage tout au long de la vie
© LoveTheWind - Pixabay

L'état d'esprit dynamique n’est pas un trait de caractère, mais une véritable ressource cognitive que l’on peut développer en dépassant certaines croyances et comportements limitants. Il est important de cultiver cet état d'esprit pour s'adapter efficacement aux changements dans notre environnement mais aussi pour apprendre de ses erreurs et s’autoriser à apprendre tout au long de la vie. Quels sont les enseignements de la recherche en sciences cognitives pour développer un état d’esprit dynamique ? Quels sont les bénéfices pour l’individu et le collectif de travail ?

Aux origines des travaux sur l’état d’esprit

Carol Dweck, psychologue de l'éducation et de la motivation, est particulièrement célèbre pour son travail dans les années 70 sur la théorie de l’état d’esprit (ou aussi appelée les théories implicites de l'intelligence). Selon sa théorie, il existe deux types de croyances que les individus peuvent avoir vis-à-vis de leurs propres capacités à apprendre et à réussir : l’état d’esprit fixe versus l’état d’esprit dynamique [1]. L’état d’esprit peut s’appliquer à une seule compétence ou un ensemble de compétences, et le passage de l’un à l’autre est hautement influencé par nos expériences d’apprentissage mais aussi par le feedback que nous recevons des autres. Et ces croyances sont universelles : elles concernent tous les âges et tous les milieux professionnels et socio-économiques.

Concrètement : quelles sont les différences entre un état d’esprit fixe et un état d’esprit dynamique (ou "de croissance", dans la version anglaise growth-mindset) ? Quand nous avons un état d’esprit fixe vis-à-vis d’une tâche ou d’un domaine, nous croyons que nos connaissances et compétences sont figées à un certain niveau et qu’il n’est pas possible de s’améliorer car nous n’en avons pas les capacités (la fameuse croyance que tout le monde ne peut pas être bon en maths par nature). Cette "auto-limitation" dépeint une vision très déterministe de nos capacités cognitives. De plus, elle nous pousse à attribuer la réussite à un certain niveau d’intelligence en voyant l’erreur comme la preuve d’une intelligence « plus faible », comme si nous avions nos forces et nos faiblesses et que nous devions simplement vivre avec.

Les erreurs ? Un levier d'amélioration 

A l’inverse, lorsque nous avons un état d’esprit dynamique, nous sommes convaincu·e·s de notre potentiel pour progresser à travers l'effort, la pratique et le temps ; et que notre intelligence est en fait notre capacité à utiliser nos erreurs comme levier d’amélioration mais aussi le reflet de notre capacité d’adaptation : elle est donc acquise. Dans cette perception, la réussite n’est pas liée au fait d’être doué·e de nature dans quelque chose, mais elle est liée à la capacité à savoir utiliser des stratégies de progression efficaces et évaluer correctement cette progression à travers des mises en pratiques et la recherche de feedback par les pairs [2].

« Si vos pairs pensent que l’intelligence est innée, vous avez plus de chance d’avoir un état d’esprit fixe. Les chercheurs parlent de “contagion de l’état d’esprit”. Et des croyances très anciennes ont la peau dure. Par exemple, les études montrent qu’une grande partie de la population pense que tout le monde ne peut pas réussir en maths, que quelque chose, en nous, nous conditionne à réussir ou pas » précise Léa Tân Combette, chercheuse en sciences cognitive et spécialiste du sujet.

Les bienfaits de l’état d’esprit dynamique sur l’apprentissage continu

De nombreuses études ont montré que l’état d’esprit que nous adoptons joue un rôle non négligeable sur la performance scolaire et l’efficacité, pour déclencher et maintenir la motivation, pour favoriser l'enthousiasme face aux défis, mais également pour augmenter la persévérance, la confiance en soi et par ricochet agir sur le bien-être.

Une des raisons avancées par ses travaux pour expliquer ces bénéfices de l’état d’esprit dynamique, c’est qu’il permettrait de mieux activer les mécanismes cérébraux de correction des erreurs, et nous serions également plus enclin·e·s à accepter les commentaires constructifs de nos pairs et supérieur·e·s, puissants leviers de progression. Notre rapport à l’échec étant positif, nous acceptons de nous engager dans des situations plus "challengeantes" et c’est un véritable tremplin pour la réussite, en plus d’utiliser des stratégies favorables à l’appropriation des connaissances [3].

Favoriser Les moyens plutôt que la fin

Une autre raison serait qu’adopter un état d’esprit dynamique nous pousse à se fixer des buts de maitrise plutôt que des buts performance. Les buts de maîtrise se concentrent sur l'amélioration des compétences et des connaissances, alors que les buts de performance se concentrent sur l'amélioration des résultats. Or, un lien positif a été mesuré entre l'état d'esprit dynamique et les buts de maîtrise. Autrement dit : les individus ayant un état d'esprit dynamique se concentrent davantage sur les moyens que sur la fin d’un apprentissage, tandis que les individus ayant un état d'esprit fixe se concentrent davantage sur la performance et la compétition, ce qui n’est pas suffisant pour réussir [4].

Comment développer un état d’esprit dynamique au travail ?

La bonne nouvelle issue de ces recherches, c’est qu’il est possible de développer notre état d’esprit pour le rendre plus dynamique grâce à différentes actions. Des méta-analyses ont montré des effets non négligeables d’interventions sur l’état d’esprit des apprenant·e·s notamment en leur présentant l’existence de ces deux états d’esprit (et les étudiant·e·s défavorisé·e·s en bénéficieraient davantage [5,6]).

Autrement dit, le simple fait de connaitre la différence entre ces deux états d’esprit permet déjà aux apprenant·e·s de croire en leurs propres capacités à s’améliorer ! De plus, connaitre le fonctionnement du cerveau et le processus dit de « neuroplasticité » - les connexions entre les neurones se réorganisent en fonction de nos expériences pour s’adapter en permanence à notre environnement -  est un levier très puissant pour changer d’état d’esprit. (A cet égard, nous vous conseillons vivement de regarder l’excellente vidéo de Steve Masson sur la neuroplasticité).

Place à l'action 

«Il est important de prendre du recul et se demander : comment est-ce que je réagis quand je suis face à un échec ? Quelle est mon attitude face aux difficultés ? Qu’est-ce que cette erreur m’apprend sur mes compétences actuelles et comment va-t-elle m’aider à m’améliorer ? Et quand on sent que l’on se démotive : remémorez-vous une situation où vous avez réussi à surmonter des difficultés !» ajoute la chercheuse Léa Tân Combette.

Concrètement, comment passer à l’action ? Posez des questions et cherchez des réponses, acceptez les idées différentes pour éviter de vous enfermer dans vos propres opinions et trouvez des opportunités pour continuer à apprendre. Enfin, gardez à l’esprit que la réussite  dépend : du temps et des efforts investis, de l’entrainement, du choix des stratégies pour progresser, de la capacité à utiliser l’erreur comme un levier et voir nos pairs comme source de feedback. Enfin, dites-vous que vous n’êtes pas ENCORE bon·ne mais que vous allez le devenir grâce à ces ingrédients [7]!  

Du temps pour tester 

Dans une perspective plus collective, il est important de créer des opportunités pour que les individus puissent développer leurs compétences par le biais de formations mais aussi offrir un soutien pratique et personnalisé pour surmonter les obstacles qui peuvent les empêcher d'essayer quelque chose de nouveau et sortir de leur zone de confort. Il est également important de laisser du temps aux individus pour tester des leviers d'amélioration et voir les bénéfices tangibles et durables de leur progression. Enfin, développer une culture de partage de pratiques, de retours d’expériences, de transmission de connaissances et compétences tacites mais aussi de débrief après erreurs ou difficultés crée le terreau fertile au développement d’un état d’esprit dynamique collectif [8].

Rédigé par Alice Latimier, docteure en psychologie cognitive 

 

Références

  1. Dweck, C. S., & Yeager, D. S. (2019). Mindsets: A view from two eras. Perspectives on Psychological science14(3), 481-496.
  2. Combette, L. (2022). Les théories implicites de l’intelligence (Doctoral dissertation, Sorbonne Universites, UPMC University of Paris 6).https://hal.science/tel-03873576
  3. Saunders, S. A. (2013). The impact of a growth mindset intervention on the reading achievement of at-risk adolescent students. University of Virginia.
  4. Cook, D. A., Gas, B. L., & Artino Jr, A. R. (2018). Measuring mindsets and achievement goal motivation: A validation study of three instruments. Academic Medicine93(9), 1391-1399.
  5. Sarrasin, J. B., Nenciovici, L., Foisy, L. M. B., Allaire-Duquette, G., Riopel, M., & Masson, S. (2018). Effects of teaching the concept of neuroplasticity to induce a growth mindset on motivation, achievement, and brain activity: A meta-analysis. Trends in neuroscience and education12, 22-31.
  6. Sisk, V. F., Burgoyne, A. P., Sun, J., Butler, J. L., & Macnamara, B. N. (2018). To what extent and under which circumstances are growth mind-sets important to academic achievement? Two meta-analyses. Psychological science29(4), 549-571.
  7. Dweck, C. S. (2017). Osez réussir!: Changez d'état d'esprit. Mardaga.
  8. Karaki, S. (2023). Le talent est une fiction: Déconstruire les mythes de la réussite et du mérite. JC Lattès.

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