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La décarbonation, un pari coûteux mais payant pour l’industrie du ciment

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La décarbonation, un pari coûteux mais payant pour l’industrie du ciment
© Hoffmann Green Cement

La production du ciment, composant de base du béton, est à elle seule responsable de 7% des émissions mondiales de CO2. Elle nécessite de chauffer à très haute température (1 450°C), avec des combustibles fossiles, un mélange d’argile et de calcaire qui, sous l’effet de la chaleur, va subir une réaction dite de décarbonatation, elle-même émettrice de CO2. À l’arrivée, produire une tonne de ciment classique entraîne l’émission de près d’une tonne de CO2 (~860kg de CO2/t au niveau mondial).

Réduire ces émissions est cependant possible. Selon une étude réalisée par BCG et le Forum économique mondial [1], la baisse pourrait atteindre jusqu’à 40% à l’horizon 2030. Les leviers pour décarboner la production de ciment sont connus. Ils visent soit à capturer le CO2, soit à réduire la quantité émise en faisant évoluer la composition même du ciment. De nouvelles générations de ciments dits «ternaires» permettent de limiter les quantités de calcaire, abaissant les émissions dues aux combustibles et celles liées à la décarbonatation.

Le problème est que ces solutions coûtent cher. À titre d’exemple, l’investissement nécessaire pour capturer le carbone d’une cimenterie peut atteindre 1 milliard d’euros, soit pratiquement le coût de la cimenterie elle-même. Ciment et béton étant des matériaux à faible marge, les fabricants ne voient pas comment justifier un doublement des prix sans perdre des parts de marché. C’est pourquoi les projets de décarbonation dépassent rarement le stade du pilote.

Pourtant, le jeu peut en valoir la chandelle. Premièrement parce qu’une hausse de 80% du prix du ciment se traduit par une augmentation du prix final du bâtiment… de 3% seulement ! Pour certains bâtiments, par exemple le siège social ou le magasin «flagship» d’une entreprise qui souhaite mettre en avant ses engagements «net zéro», la hausse est négligeable au regard de l’impact. Deuxièmement, le ciment décarboné étant très minoritaire sur le marché, la demande excède nettement l’offre : on estime, en France, qu'elle pourrait ne couvrir qu’environ la moitié de la demande à l'horizon 2030. Les premiers producteurs sont donc certains de pouvoir fixer leurs prix pendant plusieurs années. Cela leur donne le temps d’amortir les investissements et de gagner en compétences sur des technologies qui, sur le long terme, vont devenir la norme sous la pression de la réglementation et des consommateurs. Enfin, selon les zones géographiques où ils opèrent, ils pourront être accompagnés par des subventions.

Les pionniers vont bénéficier d’un avantage compétitif sur la durée, tout comme Tesla a pu justifier pendant des années un prix plus élevé pour ses véhicules électriques dont il était l'un des seuls constructeurs.

Ce phénomène de «prime verte» est trop souvent ignoré des industriels, pour les matériaux de construction mais aussi pour la plupart des matières premières et pour de nombreux produits manufacturés. Dans la perspective d’une économie «net zéro» à l’horizon 2050, les entreprises ne doivent plus se contenter de monter des projets pilotes servant de vitrines technologiques : elles doivent passer à l’échelle, en mettant la «prime verte» au cœur de leur stratégie d’innovation et d’expansion.

Jean-François Lahet,
directeur associé senior du BCG

 

[1] «Scaling Low-Carbon Design and Construction with Concrete: Enabling the Path to Net-Zero for Buildings and Infrastructure», mars 2023

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