Comment concilier préservation des ressources, limitation du changement climatique et développement économique ? Pour la Banque mondiale, l'OCDE, le Programme des Nations Unies pour l'environnement et bien d’autres institutions internationales encore, la solution porte un nom : la croissance verte. Une notion assez récente, qui permettrait d’entrevoir un avenir radieux où notre planète serait préservée sans que nos vies soient bouleversées. Bref, une transition écologique qui n’impliquerait aucun changement. Une illusion mise à mal par la recherche, qui évoque désormais la nécessité d’envisager sérieusement l’option de la décroissance...
Une idée récente
La Conférence "Rio+20" organisée en 2012 a porté sur les fonts baptismaux la notion de croissance verte. Avec ce concept, l’ONU a proposé un horizon fondé sur une économie verte garantissant une croissance économique soutenue. Depuis, la croissance verte est devenue la réponse systématiquement mise en avant par les organisations internationales pour faire face au changement climatique et à la dégradation des écosystèmes.
La croissance verte repose sur un postulat : une expansion économique continue est compatible avec l’utilisation durable des ressources de notre planète. Le corollaire est que la croissance du PIB pourrait être dissociée de l'utilisation de ces ressources et des émissions de carbone, et ce à un rythme suffisamment rapide pour contenir le changement climatique et la destruction des écosystèmes.
Dès 1987, cette idée sous-tendait la notion de développement durable, définie dans le rapport de l’ONU rédigé par Gro Harlem Brundtland, alors Première ministre de Norvège. Une idée forte, reposant sur l’espoir d’un progrès technologique permettant d’augmenter indéfiniment le produit intérieur brut tout en préservant les ressources offertes par la nature. Mais une idée mise à mal par une réalité physique : ces ressources, vivantes ou minérales, ne sont pas infinies…
Un mirage désormais critiqué
Une étude récente publiée par les économistes de l’environnement Jason Hickel (Université de Londres) et Giorgos Kallis (Université autonome de Barcelone) dans la revue "New Political Economy" remet fondamentalement en cause cette notion. Intitulée "Is Green Growth Possible ?" , cette étude s’appuie sur les modèles existants pour évaluer la possibilité de découpler croissance, utilisation de ressources naturelles et émissions de carbone. Et la réponse est négative…
Ainsi, les projections d’usage des ressources fossiles, vivantes ou minérales montrent qu’il ne sera possible de réduire leur utilisation tout en assurant un PIB élevé que dans les pays riches, et ce dans des conditions jugées irréalistes. Quoi qu’il en soit, ce découplage ne pourrait être maintenu à long terme, l'efficience de l’utilisation de ces ressources ne pouvant être augmentée indéfiniment.
Ces travaux de modélisation montrent qu’une réduction forte de l’utilisation des ressources ne serait possible qu’avec une croissance de PIB inférieure à 1% par an. Et pour contenir les émissions de CO2 dans des limites compatibles avec un réchauffement planétaire inférieur à 1,5°C, des stratégies de décroissance devraient être mises en œuvre. Un exercice de projection qui comporte des limites, comme toute modélisation de ce type. Mais qui a le mérite de poser clairement la question des efforts à mettre en œuvre pour espérer préserver notre planète – et la survie de ceux qui l’habitent. Une étude supplémentaire démontrant qu’il n’y aura pas de transition sans mutation profonde et rapide de notre modèle de développement économique.