On entend dire depuis plusieurs années que la HealthTech française et européenne a de nombreux atouts (qualité de la science, innovation etc.) mais manque de financement, ce qui pousse de nombreuses sociétés de biotech et medtech à se tourner vers des investisseurs étrangers, voire à s’expatrier, en particulier aux Etats-Unis.
L’écosystème français et européen dispose pourtant de nombreux atouts pour faire naître et croître cette innovation. En France, le régime du Crédit d’impôt recherche et le statut de jeune entreprise innovante, sont particulièrement favorables. Au niveau européen, l’innovation en santé est également soutenue (intervention de l’EIB dans le cadre de H2020).
Il n’en reste pas moins vrai qu’à un certain stade de leur développement, les HealthTech rencontrent des difficultés à trouver les relais de financement nécessaires à leur croissance. C’est tout particulièrement le cas pour les sociétés de biotech dont les besoins de financement sont importants compte tenu du coût des essais cliniques, notamment quand ces besoins de financement excèdent 100 millions d'euros. A contrario, l’écosystème américain du venture capital est plus dense qu’en Europe et permet aux sociétés en croissance de disposer plus aisément de ces financements importants.
La recherche de financements est une quête permanente pour les sociétés de HealthTech, en particulier pour les biotechs dont les besoins sont les plus significatifs.
Même si la plupart des sociétés semblent passer par les mêmes étapes en fonction de leur stade de développement (pour schématiser : subventions, business angels, venture capital, et introduction en bourse), ce financement doit être en adéquation avec la stratégie de la société, notamment sur le long terme. Par exemple, la conclusion d’un venture loan, qui est un mode de financement cher avec des contraintes en termes de sûretés sur les actifs, peut être très pertinent dans le cas d’une biotech qui se trouve entre deux phases de financement avec un besoin de "bridge" (par exemple avant une introduction en bourse). Une introduction en bourse permet de lever des fonds mais peut être destructrice de valeur si elle est réalisée trop tôt dans le processus de développement de la société concernée, notamment du fait des contraintes qu’elle fait peser sur cette société et ses équipes.
Au-delà de l’aspect financier, les HealthTech doivent évaluer les autres bénéfices ou contraintes liés à un mode de financement particulier.
Ainsi le choix des premiers partenaires, les business angels, va-t-il permettre à une société de bénéficier de l’expertise et du réseau de ces partenaires. A contrario, aux Etats-Unis, ceux-ci sont généralement beaucoup plus passifs et moins impliqués dans le développement de la société qu’ils financent.
L’implication des fonds de venture capital peut également présenter de nombreux bénéfices : validation de l’approche scientifique, apport en termes d’image pour la société choisie, structuration à travers les due diligence réalisés par les fonds, "professionnalisation" des équipes (y compris en termes de gouvernance), accompagnement de la croissance de la société avec l’objectif de la conduire à la phase suivante de son développement (qui constitue généralement un évènement de liquidité pour les fonds de venture).
Les HealthTech doivent s’assurer que leurs intérêts sont alignés avec ceux des partenaires qu’elles choisissent, par exemple en termes de stratégie et de durée de vie pour les fonds de venture capital, qui auront le plus souvent des contraintes de liquidité intermédiaire, à mettre au regard du temps de développement généralement long des produits en HealthTech.
Un autre type de fonds venture s’est développé en France et en Europe ces dernières années, il s’agit des fonds de corporate venture (CVC). Cette pratique est déjà bien installée aux Etats-Unis et permet aux groupes industriels de rester au plus près de l’innovation en participant, via ces véhicules spécifiques, au financement de sociétés en croissance dans des domaines très variés, dont celui de la HealthTech. Ce type de fonds est bien entendu plus qu’un partenaire financier et peut déboucher sur un partenariat opérationnel et commercial.
Les sociétés de HealthTech financent également très souvent leur développement au travers des accords de partenariat avec la Big pharma.
Ces accords peuvent prendre des formes variées, allant du pur accord de licence permettant à la société de recevoir des versements échelonnés dans le temps ("milestones", "royalties"), aux partenariats plus collaboratifs visant à partager les coûts et bénéfices d’un co-développement ou d’une commercialisation conjointe d’un ou plusieurs produits.
Ce type de partenariats peut présenter de nombreux bénéfices. Pour les actionnaires existants, il constitue un mode de financement non dilutif. Pour la société de HeathTech concernée, ces partenariats permettent notamment de valider et crédibiliser sa technologie, et souvent de lever d’autres financements par la suite. Ils permettent également de mener le produit en développement à une phase plus avancée, en permettant à la société de bénéficier des ressources, compétences et expertises des équipes notamment de R&D, de la Big pharma.
Les HealthTech françaises et européennes se tournent de plus en plus souvent vers des investisseurs étrangers, pour lesquels elles constituent des cibles attractives, notamment compte tenu de leur valorisation généralement faible (en particulier par rapport aux sociétés américaines).
Outre l’aspect purement financier, ces investisseurs sont souvent un élément essentiel de la stratégie de la société lorsqu’elle prépare son développement sur le marché en question. C’est depuis longtemps le cas du marché américain. On a pu voir également ces dernières années, un intérêt croissant des investisseurs chinois pour la HealthTech européenne.
Cette attractivité est régulièrement démontrée par les partenariats qui se nouent et dont la presse se fait l’écho, ainsi que par les différents évènements qui animent l’écosystème de la HealthTech tous les ans. C’est ce qu’a montré encore récemment le succès des "Health Tech Investor Days". Cet évènement, organisé par l’association France Biotech, a réuni à Paris en juin dernier, plus de 500 participants dont de nombreux acteurs internationaux (Europe, Chine et Etats-Unis) qui avaient fait le déplacement pour rencontrer des sociétés de la HealthTech française et européenne.
Isabelle Marguet, associée nationale, chez Dechert