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Le cadre juridique de la distribution parallèle enfin précisé !

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Le cadre juridique de la distribution parallèle enfin précisé !
Le cadre juridique de la distribution de medicaments précisé
© HeungSoon/Pixabay

Dans une volonté de renforcer la sécurité des produits en encadrant le commerce parallèle, sans toutefois l’interdire en vertu du principe communautaire de libre circulation des marchandises, l’article 42 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 (« LFSS 2020 »), avait inséré un nouvel article L. 5124-13-2 dans le Code de la santé publique établissant un cadre juridique pour la distribution parallèle, qui relevait jusqu’à présent uniquement de la pratique, sur la base du régime applicable aux importations parallèles.

La distribution parallèle est définie comme l’importation d’un autre Etat membre de l’UE ou de l’EEE, par un établissement pharmaceutique autre que le titulaire de l’AMM ou autre que l’entreprise qui en assure l’exploitation, d’une spécialité disposant d’une AMM centralisée, en vue de sa commercialisation sur le marché français. La différence avec l’importation parallèle tient donc à l’existence d’une AMM centralisée rendant possible la commercialisation de la spécialité dans tous les Etats membres.
Pour son application, cet article renvoyait toutefois à un décret le soin de déterminer "les obligations des entreprises assurant la distribution parallèle des médicaments […] ainsi que les conditions dans lesquelles les médecins faisant l’objet d’une distribution parallèle sont commercialisés en France".

Entre obligation d’assurer la libre circulation des produits (et donc des médicaments) sur le marché européen et nécessité de protéger la santé publique, décryptage du décret n° 2021-1041 du 4 août 2021 relatif à l’importation et à la distribution parallèles de médicaments (le "Décret"), entré en vigueur le 7 août 2021.
Le Décret normalise tout d’abord le statut de l’entreprise qui envisage d’assurer la distribution parallèle d’une spécialité en France. A l’instar de tout distributeur, celle-ci doit s’identifier auprès du Directeur Général de l’ANSM.
S’agissant des produits, le distributeur parallèle doit transmettre à l’ANSM un certain nombre d’informations visant à contrôler la conformité du médicament distribué parallèlement et sa chaîne de fabrication et de distribution, à la réglementation applicable.
Parallèlement, il doit informer le titulaire de l’AMM de son intention de procéder à la distribution parallèle de sa spécialité, information essentielle dès lors que le titulaire demeure en tout état de cause responsable de son médicament. A cet égard, le Décret précise, en conformité avec la réglementation et les lignes directrices européennes qui font peser les obligations de pharmacovigilance sur le titulaire d’AMM, que, lorsqu’il est informé de la survenance d’un effet indésirable, le distributeur parallèle doit transmettre ce signalement au titulaire de l’AMM de la spécialité distribuée et, le cas échéant, à l’entreprise qui assure l’exploitation de ce médicament, et doit inviter la personne à l’origine du signalement à le signaler à ces mêmes destinataires.
La raison du délai pris pour adopter ce Décret (près de 2 ans !) tient sans doute aux conséquences pratiques que pose ce phénomène pourtant bien connu des importations parallèles.

Un exemple en est donné dans les procédures de remboursement :
Ainsi, les textes prévoient désormais que les distributeurs peuvent demander l’inscription de la spécialité qu’ils distribuent ou importent de manière parallèle sur les listes de remboursement (liste des spécialités remboursables, liste en sus, liste des spécialités agréées à l’usage des collectivités), et peuvent à ce titre conclure une convention de prix avec le Comité Economique des Produits de Santé (" CEPS").
Le régime d’évaluation des spécialités faisant l’objet d’une distribution parallèle est par ailleurs, et sans surprise, aligné sur celui des médicaments importés parallèlement ou encore des génériques et biosimilaires, dès lors que ces premières sont présumées :
- Remplir les conditions nécessaires à leur inscription sur la liste en sus dès lors qu’elles sont inscrites sur cette liste au titre de leur exploitation par le titulaire de l’AMM ou, pour le compte de ce dernier, par une autre entreprise ;
- Remplir la même condition de service médical rendu, aux fins de leur inscription sur les listes des spécialités remboursables et agréées aux collectivités, que la spécialité inscrite sur cette/ces liste(s) par le titulaire de l’AMM ou pour son compte, l’avis de la Commission de la Transparence n’étant par conséquent pas exigé.
Dans cette même lignée, le Décret modifie l’article R. 163-7 du Code de la sécurité sociale de manière à prévoir la radiation automatique des spécialités faisant l’objet d’une importation ou d’une distribution parallèles de la liste des spécialités remboursables et des médicaments agréés aux collectivités, lorsque la spécialité correspondante "disposant d'une autorisation de mise sur le marché en France" est elle-même radiée des listes ou de l'une des listes précitées en raison d'un service médical rendu insuffisant.
Toutefois, force est de constater que l’application de cette nouvelle version de l’article R. 163-7 risque de soulever des difficultés (voire, pourrait même conduire à des contentieux) en matière de distribution parallèle, dans la mesure où elle n’a pas vocation à s’appliquer aux spécialités autorisées de manière centralisée.

Au-delà de cette incohérence flagrante due à une trop forte assimilation au régime des importations parallèles, ces dispositions devraient conduire à un nécessaire alignement des conditions de remboursement du médicament faisant l’objet d’une distribution parallèle et de la spécialité distribuée selon le circuit « classique », par son titulaire d’AMM ou pour le compte de celui-ci.
Il n’en demeure pas moins que les autorités compétentes françaises auront, pour une même spécialité, deux interlocuteurs distincts, ce qui laisse la porte ouverte à des pratiques de tarification différentes : le CEPS pourra-t-il, en pratique, appliquer des conditions tarifaires différentes aux acteurs commercialisant et distribuant une même spécialité, notamment compte tenu des investissements réalisés par le titulaire d’AMM aux fins du développement du produit ? Les titulaires d’AMM entraîneront-ils nécessairement le distributeur parallèle dans leur sillage en matière de politique de prise en charge, en choisissant par exemple de demander la radiation de leur spécialité de la liste de remboursement et de se placer sous le statut non-remboursable ?
L’avenir nous dira comment ces situations seront appréhendées et la manière dont le juge tranchera les écarts entre ces destins liés, notamment au regard du principe d’égalité de traitement que les parties concernées ne manqueront pas d’invoquer pour faire valoir leurs intérêts.

 

Par Sophie Pelé, associée nationale et Margaux Lasseigne, collaboratrice chez Dechert

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