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Adoption du décret sur l'accès précoce: une réforme achevée ?

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Adoption du décret sur l'accès précoce: une réforme achevée ?
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La publication du décret du 30 juin 2021 dévoile enfin les détails essentiels du nouveau régime lié à l’accès précoce défini par la LFSS pour 2021. Certains éléments - non des moindres - comme les contributions financières restent toutefois encore en suspens.

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 avait introduit d’importants changements s’agissant de l’accès aux traitements prometteurs qui ne disposeraient pas encore d’autorisation de mise sur le marché (AMM) et/ou d’une prise en charge. En s’appuyant sur les critères et conditions de ce qui relevaient auparavant des autorisations temporaire d’utilisation (ATU), la LFSS a défini un cadre substantiellement remanié dédié aux autorisations d’accès précoce (AAP), pour tenter de mieux préfigurer la phase de commercialisation. Il élargit ainsi le dispositif aux médicaments destinés à traiter des maladies graves, rares mais aussi invalidantes, tout en exigeant que leur caractère innovant puisse être présumé au regard d’un comparateur pertinent.

Le législateur avait toutefois renvoyé au gouvernement le soin de définir un certain nombre de modalités structurantes pour mesurer l’impact de la réforme. Son entrée en vigueur ce 1er juillet a été précédée la veille par la publication au journal officiel du décret n° 2021-869 du 30 juin 2021 relatif aux autorisations d'accès précoce et compassionnel de certains médicaments (le « Décret »).

Conditions d'octroi

En premier lieu, le Décret précise les modalités d’examen par la Haute Autorité de Santé (HAS) de la demande d’AAP, la durée de ce dernier (3 mois en principe avec une extension possible en cas de demande d’informations complémentaires ou si la charge de travail de la HAS est exceptionnellement élevée), et les conditions d’octroi de l’AAP.

À cet égard, les informations devant être jointes à la demande d’AAP prévues à l’article R. 5121-68 du CSP s’approchent d’une évaluation médico-économique précoce, puisqu’elles devront désormais inclure les pronostics de ventes en France, en Europe et aux Etats-Unis lorsque la spécialité y est commercialisée, la population concernée, une estimation du nombre de patients susceptibles d'être traités chaque année ou encore les futures extensions d’indications susceptibles de faire l’objet d’une prise en charge dans les deux années suivant la demande d’AAP. Dans la mesure où il s’agit d’une condition de l’AAP, les demandes doivent également contenir l’engagement inconditionnel du laboratoire de déposer une demande d’AMM dans un délai déterminé par la HAS (maximum 2 ans) si cela n’a pas encore été fait ou, si l’AMM a déjà été délivrée, de solliciter l’inscription sur une des listes de prises en charge dans le mois suivant l’octroi de l’AMM.

A l’issue du délai de 3 mois, le silence de la HAS vaudra acceptation, sauf dans l’hypothèse où l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé s’est prononcée défavorablement sur la présomption d’efficacité et de sécurité du médicament, lorsque celui-ci n’est pas encore doté d’une AMM.

Des incertitudes sur les taux et tranches

En second lieu, le Décret modifie également la partie réglementaire du code de la sécurité sociale (CSS) et définit les modalités et conséquences financières de ce régime d’autorisation et de prise en charge exceptionnel. Il manque encore toutefois les derniers éléments chiffrés pour parfaitement appréhender la part des ventes qui serait susceptible d’être reversée sous forme de remises.

En effet, le Décret ne dit pas beaucoup plus que l’article L. 162-16-5-1-1 II du CSS s’agissant des remises annuelles calculées sur la base du chiffre d’affaires hors taxe, par indication, auquel est appliqué un taux progressif (R. 163-33 du CSS), faute d’indiquer lesdits taux et les tranches de chiffres d’affaires susceptibles de le faire varier. Il faudra pour cela encore attendre l’arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

Majorations et sanctions

A ce stade, le décret fixe les majorations qui s’appliqueront en cas de non-respect des conditions de l’AAP : entre 2 et 5 points en l’absence de dépôt d’une demande d’AMM, d’une demande d’inscription au remboursement ou de signature de convention de prix, passé le délai de 180 jours (10 points si la situation perdure), entre 10 et 20 en cas d’inscription au remboursement d’une spécialité répondant au même besoin thérapeutique, et entre 10 et 40 points en cas d’évaluation défavorable de la HAS concernant la présomption d’innovation (en fonction du niveau d’amélioration du service médical rendu obtenu).

Ces majorations sont constitutives d’une sanction. Etant cumulatives et reconductibles, elles sont plafonnées à 80% du chiffre d'affaires hors taxes facturé aux établissements de santé, au titre de l'indication considérée, pour chaque année civile (70% lorsque ce chiffre d’affaires correspond à plus de 50% du chiffre d’affaires total du laboratoire exploitant la spécialité concernée).

Les majorations étant dès à présent applicables aux spécialités prises en charge en post-ATU au 1er juillet 2021 (en vertu de l’article L. 162-16-5-2 du CSS dans son ancienne rédaction) selon les modalités définies à l’article 4 II F du Décret, la publication de l’arrêté ne devrait pas tarder.

Enfin, s’agissant des remises qui devront être reversées dans l’hypothèse où le prix net de référence de la spécialité, dans l’indication concernée par l’AAP, serait inférieur à son niveau de prise en charge au titre de l’accès précoce, le Décret prévoit (enfin !) une procédure contradictoire : le laboratoire disposera d’un délai de 20 jours pour faire part de ses observations, ou demander à être entendu, une fois que le Comité économique des produits de santé (CEPS) lui aura notifié son intention de mettre en œuvre ces dispositions.

Par Sophie Pelé, associée nationale et Sophie Mitouard, collaboratrice chez Dechert

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