[Vrai ou Faux] Attaqué de toutes parts, le compteur Linky est-il néfaste ?
Mardi 19 février, une action collective a été lancée par plus de 120 personnes au tribunal de Paris pour demander des mesures conservatoires contre les compteurs électriques communicants Linky. Elles dénoncent, entre autres, l’usage envisagé par EDF Enedis des données recueillies par ces boîtiers. Tandis que les procédures se multiplient en France contre les appareils et leur installation systématique, près de 15 millions de compteurs Linky ont été installés dans le pays. Les principaux reproches qui lui sont faits sont-ils les bons ? L’Usine Nouvelle a fait le point en 2018 - l'occasion de se pencher à nouveau sur la question.
Mis à jour
19 février 2019
Dans ce nouveau Vrai / Faux, L'Usine Nouvelle répond à quelques-unes des questions posées par l'installation du compteur communicant Linky par Enedis.
Refuser l’installation de Linky est possible
Vrai. Si le compteur est à l’intérieur, on peut toujours interdire l‘accès à son domicile. En revanche, pour les compteurs extérieurs, les installateurs n’ont pas à demander d’autorisation, l’équipement appartenant à Enedis. Verrouiller le compteur dans un boitier en bois cadenassé, par exemple, ne fonctionnera qu’un temps. Les 3500 poseurs des entreprises prestataires d’Enedis chargés de l’installation de LInky useront de tous les moyens pour passer outre.
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Pour dissuader les récalcitrants d’agir, Enedis brandit la menace de coûts supplémentaires d’intervention très élevés pour le déplacement de techniciens lors des futurs relevés des compteurs ou autre opération. Le distributeur évoque aussi une moindre qualité de service et une moindre protection vis-à-vis des problèmes éventuels d’alimentation du réseau.
Autoriser néanmoins certaines personnes à refuser légalement et sans risque l’installation de Linky est l’enjeu de l’action commune lancée par la plateforme Mysmartcap sur laquelle 5115 personnes étaient inscrites le 7 mai dernier. Dans la vingtaine de juridictions comportant plus de 100 inscrits, les quatre avocats de Mysmartcap (maîtres Arnaud Durand, Corinne Lepage, Christophe Lèguevaques et Catherine Szieper), lanceront en septembre une procédure de référés.
Linky menace la vie privée
Faux. En tout cas pas directement. La transmission des données de consommations journalières est cryptée et réglementée par la Cnil (Commission nationale informatique et libertés). Ces données sont accessibles sur internet dans un espace privé, mais uniquement le lendemain en fin de matinée ! Les données plus détaillées au pas de 30 minutes ne peuvent être communiquées aux fournisseurs d’électricité (comme EDF, Engie, Total, Direct Energie…) qu’avec le consentement exprès du client. Ces informations ne permettraient pas de reconnaitre la signature électrique d’un équipement et donc de violer la vie privée des occupants du lieu.
Le suivi en temps réel (toutes les 2 ou 5 secondes) des consommations, ou courbe de charge, qui permet de suivre l’usage des appareils électriques, n’est lui possible que localement, via une transmission radio vers des équipements déportés dédiés proposés par les fournisseurs ou des sociétés de service choisies par le client pour l’aider à contrôler sa consommation pour l’optimiser. Charge à ces fournisseurs de garantir la sécurité des données si jamais ils les renvoient sur Internet pour traitement et de garantir la non-violation de la vie privée. Et au client de rester vigilant sur l’usage fait de ses données.
Linky permet de réduire sa facture
Faux, sauf dans la mesure où il évite l’installation d’un deuxième compteur pour les foyers produisant eux-mêmes de électricité. Les économies d’énergie réalisables par une meilleure connaissance de sa consommation ne sont pas un objectif initial de Linky, même si il peut aider. Le particulier doit se connecter à un site internet sécurisé pour savoir ce qu’il a consommé la veille. Ce sont les fournisseurs d’électricité (EDF, Engie, Total, Direct Engie…) ou des start-up spécialisées qui peuvent proposer des services d’optimisation de sa facture. Disposer d'informations de consommation précises sur sa consommation d'énergie permettrait de la diminuer de 23% sa consommation selon une étude du CNRS.
Rien ne permet non plus d'affirmer que l'installation de Linky provoque une augmentation "mécanique" des factures d'électricité. Comme le rappelle Que Choisir dans son propre Vrai / Faux, aucun élement ne permet d'affirmer que Linky provoque une hausse de la consommation et de la facture. Des anomalies liées à une mauvaise installation ou à un choix erroné de puissance du disjoncteur (lors de la souscription du contrat) peuvent expliquer des cas particuliers d'évolutions de factures.
Enedis va revendre les données
Faux. Les informations de consommation mesurées appartiennent au client. Elles ne peuvent être transmises à un tiers sans l’accord explicite du client et encore moins être vendues, conformément aux recommandations de la Cnil, assure Enedis. Même si, dans sa communication, Enedis a pu mettre en avant les bénéfices que ces données peuvent représenter pour l’entreprise.
Reste que la notion d’accord explicite du client pose encore problème. C’est d’ailleurs à ce sujet que la Cnil a épinglé Direct Energie le 27 mars 2018. La demande de consentement de Direct Energie, n'était pas assez "libre, éclaireé et spécifique", selon la Cnil. Qui rappelle que "contrairement à la présentation qui en est faite [par Direct Energie] cette collecte n’est aucunement la conséquence nécessaire de l’activation du compteur". Le fournisseur en cours de rachat par Total, a jusqu’à fin juin pour rectifier le tir.
Linky est utile à la transition énergétique
Vrai, même si le moins que l’on puisse dire c’est qu’Enedis ne l’explique pas bien. La Cour des comptes lui a d’ailleurs reproché de ne pas assez informer les utilisateurs sur les services que Linky peut rendre. Mais il faut se souvenir que Linky n’a pas été conçu pour eux (ni avec eux d’ailleurs !), enfin pas directement : "Tout ce qui sert le distributeur, sert le client final" et "on ne fait rien pour nous même, nous sommes un service public", rappelle Bernard Lassus, directeur du programme Linky chez Enedis. Et, selon lui, c’est au gouvernement que la Cour des comptes reproche de ne pas assez communiquer, Linky n’étant que la "réponse à une directive européenne et à sa transcription dans la loi française".
Enedis se garde d’ailleurs bien dans sa communication d’évoquer des services aux clients. Il ne parle que d’adaptation de la puissance du compteur, de détection de pannes, de relevés à distance et aussi des 350000 foyers qui produisent aujourd’hui leur propre électricité et des 7 millions de bornes de recharges pour véhicules électriques en 2030 que Linky rendra possibles, sans clairement expliquer pourquoi et comment. En fait, Linky peut compter à la fois la quantité d’électricité tirée sur le réseau mais aussi celle injectée si le foyer dispose de panneaux photovoltaïques ou d’une éolienne. Une meilleure prise en compte des phases lors du branchement rendra aussi possible un équilibre du réseau lorsque de la multiplication des recharges de véhicule électrique, explique-t-on chez Enedis.
Linky est gratuit
Vrai et Faux. Rien à payer, pour l’instant, pour le changement de l’ancien compteur par un Linky. Pour financer ce projet industriel de 4,2 milliards d’euros, Enedis a obtenu des prêts et des compensations financières - trop avantageuses selon la Cour des comptes - pour déporter le coût aux consommateurs qu’une fois que tous en seront équipés. Le surcoût final pour les usagers serait de 506 millions d’euros, via une augmentation des taxes sur l’utilisation du réseau de distribution.
Linky coutera plus cher que prévu
Faux. Enedis affirme même que le projet de production et d’installation de 35 millions de compteurs communiquants entre 2015 et 2021, initialement estimé à 5 milliards d’euros (Enedis parlait même de 6 milliards fin 2015) sur six ans, ne coutera finalement que 4,2 milliards d’euros. 750 000 compteurs Linky sont assemblés par mois dans six usines en France par quatre sous-traitants, au lieu de six prévus initialement. "Deux d’entre eux sont encore en cours de qualification", explique Bernard Lassus, directeur du programme Linky chez Enedis. Ce qui n’aurait pas lésé le projet qui est "sur la trajectoire initiale, avec près de 11 millions de compteurs déjà installés".
Linky est dangereux pour la santé
Faux. Du moins dans l’état des connaissances actuelles. Il y a "une très faible probabilité que l’exposition aux champs électromagnétiques émis, aussi bien pour les compteurs communicants radioélectriques que pour les autres (CPL), puisse engendrer des effets sanitaires à court ou long terme", indique l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) dans la version révisée en juin 2017 du rapport "Exposition de la population aux champs électromagnétiques émis par les compteurs communicants", de décembre 2016.
Dans cette version révisée, l’Anses inclut de nouvelles mesures réalisées par le CSTB sur les émissions dans les bandes de fréquences relatives au CPL (50 – 150 kHz environ) utilisés par les compteurs Linky. Les compteurs de gaz et les compteurs d’eau utilisent la technologie des communications radioélectriques par voie hertzienne.
Pour autant, dans le cadre des actions communes de la plateforme Mysmartcap, les avocats promettent d’apporter de nouveaux éléments démontrant les effets des compteurs Linky sur les individus électro-hypersensibles ou non. Et fin mars, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) expliquait dans un rapport que la souffrance des personnes électrosensibles doit être prise en charge même si aucune preuve n’existe sur la dangerosité des ondes.
Sur cette base, Corinne Lepage, avocate et engagée dans la protection de l’environnement, a décidé de saisir la ministre de la Santé Agnès Buzyn ainsi que son homologue à l'Ecologie Nicolas Hulot pour leur demander l’arrêt du déploiement du compteur Linky.
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