[Vrai ou Faux] La fermeture de Fessenheim est-elle un drame pour EDF, le climat, l'approvisonnement...

L’arrêt le samedi 22 février du réacteur n°1 de la doyenne des centrales nucléaires françaises à Fessenheim (Haut-Rhin) marque non seulement le début du processus de fermeture définitive de la centrale mais aussi de la politique de réduction de la part de l’atome dans le mix électrique français à 50 % en 2035. Des décisions politiques qui entraînent leur cortège d’idées plus ou moins fausses.

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[Vrai ou Faux] La fermeture de Fessenheim est-elle un drame pour EDF, le climat, l'approvisonnement...
Contrairement au souhait des écologistes de Greenpeace, la centrale nucléaire d'EDF à Fessenheim sera la seule à fermer après l’arrêt le 30 juin 2020 du réacteur 2. Dans les autres, seuls certains réacteurs seront arrêtes.

La centrale nucléaire de Fessenheim est trop vieille.

Faux [et un peu vrai]. Initialement construite pour fonctionner quarante ans, la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin), mise en service en 1977 et exploitée commercialement depuis 1978, aurait pu théoriquement être prolongée. Le système français ne fixe pas de durée limite de fonctionnement des centrales nucléaires, contrairement aux États-Unis, mais impose une visite décennale pour chaque réacteur à la suite de laquelle l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) autorise, ou non, la centrale à produire dix ans de plus.

Pour autant, la fermeture de la centrale ayant été annoncée dès 2011 et confirmée par un décret en avril 2017, EDF n’a pas engagé de quatrième visite décennale pour les deux réacteurs 900 MW de Fessenheim, ni même la construction de diesel d’ultime secours exigée par l’ASN suite à l’accident à la centrale de Fukushima en mars 2011. Le syndicat CFE-CGC reconnaît que si la quatrième visite décennale aurait été "possible et rentable", elle aurait aussi été "complexe".

Les Allemands ouvrent une centrale à charbon pour compenser Fessenheim.

Faux. Une nouvelle centrale charbon de 1 100 mégawatts doit bien être raccordée au réseau électrique cette année en Allemagne, dans la Ruhr sur le site Datteln, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Mais sa construction a été décidée par l’énergéticien Uniper bien avant la décision de François Hollande de fermer Fessenheim. Elle devait initialement débuter son exploitation en 2011. Malgré les oppositions des écologistes et le plan de l’Allemagne de sortir du charbon d’ici à 2038, elle a été autorisée et va entrer en exploitation. Ce sera la dernière construite outre-Rhin, un peu comme en France, la centrale à gaz de Landivisiau (Finistère) de Total, qui sera la dernière construite en France.

L’arrêt de Fessenheim menace la sécurité d’approvisionnement

Faux. Selon les prévisions de RTE, les fermetures programmes de la centrale de Fessenheim (1,8 GW) et des premières centrales à charbon (3GW au maximum) d’ici à 2022 seront compensées par la mise en service du CCG de Landivisiau, la poursuite du développement des énergies renouvelables et la mise en service de deux interconnexions avec la Grande-Bretagne et l’Italie. Seul l’hiver 2022-2023 est placé sous vigilance, à cause de la poursuite d’arrêt de moyens thermiques en France et en Europe et à un programme chargé de visites décennales sur le parc nucléaire français entamant sa disponibilité. Si le développement des énergies renouvelables se poursuit durant cette période, en l’absence de mise en service de l’EPR de Flamanville, il ne suffit pas à compenser les fermetures réalisées.

La décision de fermer Fessenheim est politique.

Vrai. Depuis 2007 et une étude suisse sur des risques sismiques sous-estimés, des associations françaises, allemandes et suisses réclament la fermeture de Fessenheim. Mais c’est suite à l’accident de Fukushima au Japon de mars 2011, que François Hollande, lors de la campagne présidentielle de 2012, inclut dans son programme la "fermeture progressive de 24 réacteurs" et "l'arrêt immédiat de Fessenheim", montrant ainsi une volonté de sortir du nucléaire à terme et de laisser la place aux énergies renouvelables.

Une fois élu, François Hollande a annoncé la fermeture de Fessenheim pour fin 2016, puis EDF a réussi à la lier à la mise en œuvre de l’EPR de Flamanville (Manche) prévue pour fin 2018. Mais cette dernière est sans cesse reculée (aujourd’hui on parle de 2023).

Le Président Emmanuel Macron, élu en 2017, décide en 2018 de séparer le destin des deux centrales et s’engage à fermer Fessenheim durant son mandat, soit d'ici 2022. Ce sera pour 2020. Il repousse aussi à 2035 la réduction à 50 % de la part de l’atome dans le mix électrique, via la loi Energie climat de novembre 2019. Et il lie la décision de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires à la mise en service de l’EPR de Flamanville, donc après la fin de son mandat.

EDF va devoir fermer d’autres centrales nucléaires.

Faux. Fessenheim est la seule qui doit fermer. Si la feuille de route Energie du gouvernement, connue sous le nom de programmation pluriannuelle de l’énergie, prévoit bien la fermeture de douze autres réacteurs nucléaires d’ici à 2035, ce sera sans fermeture de site.
Les seules autres centrales électriques que va devoir fermer EDF après Fessenheim sont les centrales à charbon du Havre (Seine-Maritime), le 1er avril 2021, et celle de Cordemais (Loire-Atlantique), normalement d’ici à 2022, mais plus probablement en 2024, voire 2026. Le site pourrait entre temps être reconverti à la production de pellets de bois recyclé.

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Fessenheim sera fermée à l’été 2020.

Vrai et Faux. Avec l’arrêt du réacteur 2 programmé pour le 30 juin 2020, la centrale cessera de produire, mais le site, lui, ne fermera pas. Seuls 200 des 665 salariées d’EDF de la centrale partiront. Le combustible usé, lui, ne sera évacué qu’en 2023 et le démantèlement ne débutera pas avant 2025. À cette date, 60 salariés et une centaine de prestataires travailleront encore à la centrale. Le démantèlement durera au moins quinze ans.

Cette fermeture va coûter cher.

Vrai. EDF a bien négocié la fermeture, même si l’exigence de lier la fermeture de Fessenheim au démarrage de l’ERPR de Flamanville (Manche) a dû être abandonnée à cause des retard du chantier normand. Le gouvernement va verser à EDF 400 millions de compensation dans les quatre ans suivant la fermeture de la centrale correspondant à l’anticipation des dépenses liées à la fermeture de la centrale (dépenses de post-exploitation, taxe INB, coûts de démantèlement et de reconversion du personnel). Et d’autres indemnités sont prévues au titre d’un éventuel "manque à gagner" sur la production de la centrale jusqu’en 2041, soit la base d’une prolongation de la centrale à 60 ans. Elles seront calculées "ex post à partir des prix de vente de la production nucléaire, et notamment des prix de marché observés", a indiqué EDF.

De plus le gouvernement va compenser intégralement jusqu’à 2023 puis de manière dégressive jusqu’en 2030. Les pertes de recettes de la Communauté de Communes Pays Rhin-Brisach, qui perd 2000 emplois directs, indirects ou induits avec cette fermeture et les taxes afférentes à l’activité. Cette aide représentera au total 32 millions d’euros sur 10 ans.

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