Voyage au Maroc sans surprise pour le patronat français
Conduit au pas de charge ces 10 et 11 mars au Maroc, le voyage qui a mené la délégation du Medef avec à sa tête son président Pierre Gattaz, à Tanger, Casablanca et Rabat s'est terminé sans annonce notable. Six conventions signées ne feront pas récupérer la place de premier partenaire commercial du Maroc à la France détrônée par l'Espagne. Néanmoins, les fondamentaux sont là et la préparation conjointe de la COP22 permettra certainement à la France de resserrer des liens déjà étroits.
Mis à jour
15 mars 2016
Bonnes intentions. Mener au Maroc une délégation d’une centaine de patrons français composée majoritairement de PME pour "aller chercher la croissance sans l’attendre" selon Pierre Gattaz, patron des patrons français. Tel était l’objectif fixé, ces 10 et 11 mars par le Medef qui avait mis les petits plats dans les grands en affrétant un avion charter à cette occasion.
Accueillie par plusieurs membres du gouvernement et par la CGEM, le patronat marocain, la forte délégation française a enregistré peu de retombées concrètes de son déplacement à Tanger, Casablanca, Kenitra et Rabat. Ce n’était guère l’objet de la mission. Une demi-douzaine de conventions ont néanmoins été signées. Mais pas de quoi redonner à la France la place de premier partenaire commercial du royaume chérifien perdue il y a trois ans au profit de l’Espagne.
En 10 ans, la part de marché de la France (pour qui le Maroc représente environ 0,8% de ses exportations totales) est passée de 20% à environ 13%, selon Xavier Beulin, président du groupe Avril de la FNSEA et co-président du club des chefs d’entreprises France Maroc. Cela s’explique en partie par des soucis de compétitivité côté français mais aussi de moindres achats de céréales ou encore par le fait que l’usine Renault de Tanger s’approvisionne en acier et en moteurs… en Espagne.
Pour rappel, la France qui vends pour environ 3,8 milliards d'euros de marchandise par an au Maroc (voir encadré et tableau à la fin de cet article) compte environ 750 filiales d’entreprises dans le pays. Pas moins de 36 des 40 groupes du CAC 40 y conduisent des activités directes dont les plus en vue sont Danone, Lafarge, Safran, Airbus, Engie, Alstom ou dans l’automobile Renault et son usine géante lancée en février 2012 à Tanger et PSA qui doit, lui, ouvrir un site à Kenitra en 2019. Au total, la France compte pour environ 40% du stock d'IDE au Maroc, chiffre sans équivallent dans le monde pour Paris.
"Nous sommes là pour construire durablement. C’est important à la fois pour le Maroc et pour la France d’être capable de faire des investissements longs. Nous sommes attentifs sur des secteurs tout à fait prioritaires liés au développement durable comme l’énergie, le traitement de l’eau, les infrastructure, le numérique, les industries en sachant que le Maroc va accueillir la COP 22 … Il s’agit aussi de développement des marchés à l’export vers l’Afrique conjointement entre entreprises françaises et marocaines" a notamment déclaré le vendredi 11 mars le président Pierre Gattaz dans l’amphi de l’Université internationale de Rabat, un établissement privé, devant un parterre d’étudiants attentifs.
Madrid devant Paris
Traditionnellement excédentaire la balance commerciale de la France avec le Maroc est devenue déficitaire au premier semestre 2015. Une évolution tendancielle. En 2013, le solde était encore excédentaire de 528 millions d'euros. En 2014, il ne l'était plus que de 156 millions d'euros. Et sur les six premiers mois de 2015, la France a affiché un déficit de 198 millions d'euros avec le royaume. Parmi les explications : la montée en puissance des exportations marocaines d'automobiles liées à l'usine Renault de Tanger et de moindres achats de céréales du Maroc. En 2014, de source marocaine, la part de marché de l'Espagne au Maroc était de 13,4%, celle de la France de 13,3%. Le Maroc dirigeait alors 22% de ses exportations vers l'Espagne et 20,5% vers la France.
Les trois conventions signées entre la CGEM et le Medef portent sur une réflexion sur la professionnalisation des formations supérieures et le développement de l’alternance, le partage des bonnes pratiques sur le numérique et la valorisation de la filière ville durable franco-marocaine devant conduire à des actions communes en vue de la COP22.
"Nous collaborons beaucoup entre la CGEM et le MEDEF" a répété à plusieurs reprises Pierre Gattaz lors de son séjour et à l’occasion d’un colloque économique France-Maroc qui a réuni de nombreux officiels et patrons jeudi 10 mars à Casablanca. "Notre partenariat est profond et s’inscrit dans la durée", a enchéri Miriem Bensalah-Chaqroun, présidente du patronat marocain.
Pour rapppel, les deux organisations qui entretiennent des relations depuis plus de 40 ans et, de tradition, organisent une grande rencontre annuelle s'étaient rencontrées pour la dernière fois en mai 2015 à Paris, à l'occasion de la venue à Paris d'Abdelilah Benkirane, chef du Gouvernement marocain.
Quant aux trois "accords commerciaux", signés à l'occasion de cette visite marocaine du Medef, ils se résument à un partenariat entre Cerway et le Morocco Green Building Council pour faire connaître les certifications HQETM de Cerway au Maroc. Une autre sur des opérations topographiques et foncières au Maroc, en Afrique et en Europe. La dernière porte sur un contrat de distribution des solutions de cybersécurité HTTPCS.
Vendredi à Rabat, la délégation française a été accueillie, sous un ciel bleu et une température printanière par Moulay Hafid Elalamy au siège de l’OMPIC à Sidi Maarouf à Casablanca. Celui-ci a "vendu" avec enthousiasme son plan d’accélération industrielle lancé en avril 2014, démarche plutôt bien perçue par les entreprises françaises. "Les emplois que nous croyons ici nous permettent d’en créer en France dans le cadre de la co-localisation", affirme à L’Usine Nouvelle un patron de PME industrielle, installé depuis 10 ans au Maroc.
Quant à la brouille qui a impacté les relations diplomatiques entre les deux pays en 2014, elle n’a pas eu officiellement d’effets négatifs sur les affaires, même si certains patrons français confient à L’Usine Nouvelle qu’elle a pu retarder certains investissements.
Malgré l’agressivité à l’export de l'Espagne (qui a gagné en compétitivité du fait de ses réformes, n'a pas manqué de pointer Pierre Gattaz), chacun a rappelé sans cesse lors de ces deux jours que la France restait de loin le premier investisseur au Maroc. Et que l'Hexagone fort du succès de l'organisation de la COP21 à Paris mettra tout en œuvre pour aider le Maroc a réussir la COP22 en novembre à Marrakech. Pour la relance des exportations, il faudra attendre un peu plus longtemps sans doute.
Nasser Djama, à Casablanca
Pierre Gattaz (Medef), Miriem Bensalah-Chaqroun (CGEM) et Abdelkader Amara (ministre de l'Energie) lors la rencontre économique Maroc-France, jeudi 10 mars à Casablanca - document Yabiladi
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